Pourquoi la Banque centrale russe veut-elle bannir les cryptomonnaies de son territoire ?

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Pourquoi la Banque centrale russe veut-elle bannir les cryptomonnaies de son territoire ?

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Dans une ferme de minage de Bitcoin en Russie
Dans une ferme de minage de Bitcoin en Russie
© AFP - VLADIMIR ASTAPKOVICH / SPUTNIK

La Banque centrale de Russie déclare la guerre au bitcoin et autres cybermonnaies. L'institution souhaite la fin des transactions et de leur production sur le sol russe, officiellement pour des raisons de sécurité du système financier. Mais les motivations pourraient aussi être d'ordre plus politique...

La Banque centrale de Russie a annoncé qu’elle souhaitait bannir les cryptomonnaies parce qu’elles menacent "le bien-être des citoyens russes [et] la stabilité du système financier". Le rapport, présenté le 21 janvier par l’institution, propose l'interdiction du "minage" (qui permet la création des cryptomonnaies) ainsi que des investissements et paiements en cryptomonnaies dans le pays. Afin d’entrer en vigueur, cette mesure devra toutefois être votée sous la forme d’une loi par la Douma, la chambre basse du Parlement russe. 

Dans la foulée de cette annonce, la valeur du bitcoin, la plus populaire des cryptomonnaies a dégringolé de 7,5%, entrainant dans sa chute d’autres monnaies, comme l’eutherium, -9,13%. La Russie n’est pas le premier pays à envisager de poser des barrières autour de ce secteur financier. La Chine a interdit toutes les transactions en cryptomonnaies sur son territoire en 2021. Cette interdiction est arrivée après une lutte contre le minage qui a provoqué le départ de nombreuses "fermes" de Chine, notamment vers la Russie qui est aujourd’hui le troisième pays "mineur" de "cryptos" au monde derrière les Etats-Unis et le Kazakhstan.

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70 milliards d'euros de cryptomonnaies en Russie

La "fabrication" des cryptomonnaies fait appel à des ordinateurs extrêmement puissants, consommant énormément d’énergie et dégageant beaucoup de chaleur. Les régions froides, où l’électricité est abondante et bon marché sont donc devenues de nouveaux "eldorados". C’est le cas de la Sibérie orientale, qui a vu l’installation de nombreuses fermes ces dernières années. Les Russes sont également devenus de grands utilisateurs de cryptomonnaies. La Banque centrale estime à 5 milliards d’euros le volume de transactions qui sont réalisées par des Russes chaque année et leurs avoirs en cryptomonnaies sont évaluées à près de 70 milliards d’euros.

Elvira Nabiullina, la gouverneure de la banque centrale de Russie
Elvira Nabiullina, la gouverneure de la banque centrale de Russie
© AFP - Russian Central Bank / Sputnik

Selon une étude de la société de paiements cryptographiques Triplea, la Russie est à la deuxième place mondiale des utilisateurs de ces cybermonnaies. A tel point que la Banque de Russie trouve leur volume "très élevé par rapport à la taille de l’économie". L’institution insiste sur la "volatilité" de ces monnaies et des risques qu’elles font courir au secteur financier ainsi que sur leurs possibles utilisations illégales.

Le FSB aurait fait pression pour l'interdiction

Mais le coup de semonce de la Banque centrale pourrait aussi trouver sa source ailleurs. D’après l’agence Bloomberg, qui cite deux sources anonymes familières des services secrets, le FSB (ex-KGB) aurait fait pression sur le gouverneur de la Banque centrale pour qu’il parte en guerre contre les "cryptos". Selon ces témoins, elles "sont de plus en plus utilisées par les Russes pour faire des dons à des organisations indésirables", et notamment certains médias qui ont été classés "agents de l’étranger" par le ministère de la Justice.

Ce classement, qui concerne aujourd’hui environ 200 personnes et organisations en Russie, entrave les activités d’un certain nombre de journalistes, opposants et ONG, à qui l’Etat reproche d’avoir d’avoir perçu des revenus venant de l’étranger. La définition peut en être très extensive. Le journal en ligne Republic a ainsi récemment compris que ce classement lui avait été attribué parce que des ambassades étrangères lui avaient acheté des abonnements. Même si certains "agents de l’étranger" utilisaient effectivement les cryptomonnaies pour échapper aux radars de l’administration, le montant de ces transactions resterait très marginal par rapport à la masse de cryptomonnaies actuellement en circulation en Russie.