Pourquoi les pandémies seront-elles de plus en plus fréquentes ?
La fragilisation de notre biodiversité par notre système économique actuel nous expose demain à davantage de pandémies… C'est ce que sont venus rappeler, au micro de Mathieu Vidard, la journaliste-investigatrice Marie Monique Robin et l'écologue-parasitologue Serge Morand.
Marie-Monique Robin est partie enquêter sur le terrain, sur les facteurs d'émergence des maladies infectieuses pour y consacrer un film-documentaire. Les écologues alertent depuis de très nombreuses années sur les dangers de la destruction des écosystèmes et leurs conséquences sur le développement de nouvelles maladies. La santé des écosystèmes, la santé des animaux et la santé des humains vont de pair et nous sommes plus que jamais interconnectés. La biodiversité a un rôle protecteur pour l'humanité et vice versa sauf quand nous la pressurons en empiétant sur elle plus que nous le devrions.
En amont, c'est bien notre modèle économique basé sur la mondialisation des échanges qui fragilise la santé de la biodiversité. Celle-ci se retrouve fortement déséquilibrée du fait de l'empiètement intensif sur l'espace naturel sauvage. Au point qu'un lien entre la déforestation et les maladies d'origine animale a été établi par de nombreuses études. C'est ce qu'a souhaité faire comprendre ce film, raconte la réalisatrice et journaliste, car "si on continue de détruire les écosystèmes, nous allons entrer dans 'une ère d'épidémie de pandémie', tant la liste des nouvelles maladies émergentes liées à la dégradation écologique est très longue…
Un phénomène qui montre que, comme pour le climat, il faut revoir notre modèle d'économie
Trois facteurs principaux : déforestation, élevage intensif, globalisation…
Trois causes qui se retrouvent la plupart du temps diluées les unes avec les autres et accentuent les dangers et risques de nouvelles apparitions de virus pandémiques… C'est ce que Serge Morand appelle "l'effet de dilution provoqué par l'homme, qui se rapproche de plus en plus des habitats naturels sauvages et, créant ainsi de plus en plus d'interactions, l'homme accélère de plus en plus la circulation de nouveaux virus en perturbant l'écosystème des animaux qui de fait se déplacent eux aussi. L'augmentation des cultures est le résultat d'une extension territoriale qui n'a fait qu'intensifier l'impact sur les sols, sur la diversité. Couplez à cela une augmentation de l'élevage intensif ou extensif des animaux qui sont de vrais amplificateurs en tant qu'hôtes intermédiaires de parasites, de virus.
La biodiversité se réduit, pressurisée par la production extensive et favorise des débordements propices au développement de nouveaux virus
Nous sommes plus exposés aux pandémies que par le passé !
Si les sociétés d'autrefois ont, elles aussi, connu des épidémies et des pandémies, ce fut dans le cadre d'une biodiversité beaucoup plus préservée et moins perturbée par l'homme par rapport à aujourd'hui. Marie-Monique Robin estime que s'il y a toujours eu des grandes épidémies et pandémies dans le monde, "ce qui se passe à notre époque est encore plus exceptionnel tant l'OMS a estimé qu'il y avait une apparition de maladies émergentes tous les 15 ans jusqu'aux années 1970, là où, aujourd'hui, on est de une à cinq par an… La liste s'allonge de plus en plus.
On se retrouve devant des épidémies qui deviennent de plus en plus pandémiques, là où hier elles étaient surtout épidémiques
Cette amplification du développement des virus infectieux sont bien le résultat des déséquilibres naturels des espaces sauvages, liée à notre intrusion anthropocène, qui libère davantage d'agents pathogènes.
🎧 RÉÉCOUTER - La fabrique des pandémies : quel rôle joue la biodiversité dans l'émergence des maladies infectieuses ?