Pourquoi "Pinocchio" de Matteo Garrone n'a pas séduit le Masque & la Plume ?
Ils ont dit toute la vérité et rien que la vérité sans que leur nez ne s'allonge. Les critiques sont loin d'avoir été conquis par cette nouvelle adaptation de "Pinocchio" proposée par le cinéaste Matteo Garrone, le trouvant "scolaire", "conventionnel", "inutile", "dénué d'originalité", voire "hideux".
Le film présenté par Jérôme Garcin
Il est finalement diffusé depuis le 4 mai sur la plateforme Amazon Prime. Cette énième adaptation du classique de Carlo Collodi est signé par le réalisateur de "Gomorra" avec Roberto Benigni dans le rôle du pauvre menuisier italien Geppetto dont la marionnette en bois voudrait tant être un petit garçon et qu'il considère comme son fils. Benigni avait lui aussi porté à l'écran cette histoire, en 2002, il jouait Pinocchio.
Le film est très fidèle au conte et à ses aventures, aux embuches de la bûche mais aussi à la misère de cette fin du XIXe siècle. Il n’y manque ni Mangefeu, ni le Chat et le Renard, ces gredins, ni la Fée bleue (jouée par Marine Vacth), ni le criquet, ni le singe, ni la dame escargot, ni l’énorme poisson… Et c’est le petit Federico Ielapi, 8 ans, qui joue Pinocchio. Un film qui dure à peine 2h06.
On ne sait plus où mettre tous ces Pinocchio
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Si elle salue l'adaptation, Camille Nevers regrette un film trop "scolaire"
Camille Nevers : "C'est un film assez lisse. Le film vient après d'autres adaptations qu'on a pu voir enfant, comme celui de Disney ou de Luigi Comencini, qui est peut-être l'exemple d'une adaptation réussie de Pinocchio.
Celui-là est très bien fait, il n'y a rien à redire, c'est un très bel ouvrage avec des effets spéciaux magnifiques. Avec Roberto Benigni qui reprend le rôle de Geppetto après avoir lui-même joué Pinocchio comme une sorte de clin d'oeil. Au début, la mise en scène de la pauvreté est très touchante quand il cherche de quoi manger, sur ce que cela dit par rapport à la société dans laquelle on vit actuellement, c'est plutôt bien vu.
En revanche, c'est un film scolaire et pas du tout buissonnier. Si le conte de Pinocchio c'est l'idée qui consiste à suivre l'histoire d'un enfant qui rêve de devenir un enfant comme les autres, je lui conseillerai plutôt de revoir "AI" de Steven Spielberg qui est quand même le grand film du rêve d'un enfant-robot qui rêve de devenir un enfant".
Michel Ciment n'a aimé que les dix première minutes
MC : "Le film est tout de même mieux que la catastrophique adaptation qu'avait fait Roberto Benigni dans le précédent. C'est meilleur mais ce n'est pas non plus grand chose ! Hormis les dix premières minutes qui nous proposent une très belle scène -le côté pathétique de Gepetto étant très bien rendu où on voit la misère dans laquelle il vit- le film devient une imagerie extrêmement conventionnelle, d'un naturalisme assez plat".
Le film n'a vraiment pas grand intérêt...
Xavier Leherpeur salue un film haut en couleurs mais "dénué d'originalité" et "inutile"
XL : "Je m'attendais tellement au pire que, finalement, cette adaptation est extrêmement fidèle du conte de Carlo Collodi, bien qu'elle n'arrive pas cependant pas à la cheville de celui de Luigi Comencini, tant il n'offre pas beaucoup d'autres idées novatrices que d'illustrer simplement les choses de façon extrêmement luxueuse et érudite. Je pense qu'au moins, Garrone connaît bien la peinture naturaliste de l'Italie de cette époque-là, c'est pourquoi il offre des décors absolument magnifiques avec des gros plans sur la nature.
Il y a quelque chose d'assez beau, d'assez réussi sur le plan esthétique.
Le problème, c'est qu'il ne s'affranchit à aucun moment du côté extrêmement moralisateur du conte de Carlo Collodi qui consiste à penser : vilain petit garçon, si tu avais été obéissant, sage, tu n'aurais pas connu les problèmes que tu connais... Là, ça saute aux yeux et malheureusement ce côté-là a un peu vieilli. Non, il faut au contraire, apprendre aux enfants à désobéir même si le conte de Collodi dit exactement le contraire.
Garonne s'enferme dans ce côté qui consiste à penser que les enfants doivent obéir alors qu'on aimerait bien qu'il y ait quelque chose d'un petit peu réinventé.
Guillermo del Toro, lui par exemple, va réinventer le Pinocchio puisqu'il va le plonger dans l'Italie fasciste des années 30. Il va donner une autre dimension de Pinocchio, à sa manière.
Là, on a un magnifique livre d'images, un film illustratif mais inutile même si ce n'est pas la catastrophe à laquelle je m'attendais".
Jean-Marc Lalanne n'a pas du tout aimé au point de trouver le film "hideux"
J-M L : "J'en pense énormément de mal... C'est vraiment une purge absolue. "AI" de Steven Spielberg est, à jamais, l'adaptation définitive du mythe de Pinocchio car un truc que Spielberg réussissait remarquablement bien, c'était d'exprimer la douleur de se sentir différent lorsqu'on est enfant et le désir de vouloir changer de corps, changer d'identité. Ce complexe-là, la dévastation de soi lorsqu'on est enfant, Garrone ne le traite pas du tout...
Ce qui devrait être le cœur du récit est totalement escamoté au profit d'un pur film de directeur artistique qui, à mon sens, est de très mauvais goût... Je trouve le film hideux visuellement. Par moments, je me disais que c'était à deux doigts de devenir intéressant tellement c'était laid. Tous les masques d'animaux ressemblaient à des visages de vieillards ultra ridés. Même le masque de Pinocchio ressemble à un visage ridé... Il y a quelque chose de volontairement hideux, mais qui, à mon avis, n'arrive pas à être expressif et véritablement effrayant. Il y a vraiment, dans ce film, une mythologie du vieillard effrayant et méchant qui traverse toute la ligne de la direction artistique...
Évidemment qu'on peut filmer la vieillesse de manière totalement différente, de façon très émouvante... Mais là, ce n'est pas le cas...
C'est vraiment tout ce qui peut faire peur dans un corps qui arrive au bord de la décomposition.
Et, en même temps, je ne trouve pas que le film arrive à projeter tout cela dans une mise en scène expressive. De plus, je trouve le récit totalement atone, invertébré, il n'y a aucun tempo. On a l'impression que les épisodes s'empilent sans que jamais ça ne produise une dramaturgie un peu haletante. Rien n'accède à du relief dramatique, c'est suffocant d'ennui..."
Le film
► Disponible depuis le 4 mai sur Amazon Prime et en VOD.
🎧 Écoutez l'ensemble des critiques échangées à propos de ce film sur le plateau du Masque et la Plume :
"Pinocchio" de Matteo Garrone
7 min
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