Précarité étudiante : "On fait 7 distributions alimentaires par semaine : en octobre, il n'y en avait que 5"
Par Claire Flochel
La situation des étudiants s'est grandement détériorée avec la crise sanitaire. À Paris, la moité d'entre eux vit aujourd'hui avec moins de 400 euros par mois, et les distributions alimentaires gratuites n'ont jamais autant vu passer autant de jeunes.
Plus de 3 000 paniers-repas par semaine sont distribués aux étudiants parisiens par des associations de solidarité, opération chapotée par la Maison des initiatives étudiantes (MIE), organe de la Ville de Paris dédiée aux étudiants. De plus en plus précaires et isolés, les étudiants se paupérisent avec la pandémie de coronavirus. Entretien avec Tina Biard, directrice de la MIE Paris, qui a mis en place ces distributions spécifiquement pour eux.
FRANCE INTER : Quand ces distributions alimentaires ont-elles été mises en place pour les étudiants parisiens ?
TINA BIARD : "Après le premier confinement, on a compris que les conditions de vie étaient difficiles et se dégradaient pour les étudiants. La ville de Paris a rassemblé différents acteurs de la solidarité : Linkee, Co'p1, le Secours populaire et les Restos du Cœur, pour qu'ils mettent en place des distributions alimentaires dans des endroits non stigmatisants, pour les étudiants (comme des cafés ou la MIE). Il y a aujourd'hui sept distributions alimentaires par semaine, quand en octobre, il n'y en avait que cinq. Les demandes augmentent de plus en plus. Les associations distribuent en moyenne plus de 3 000 colis de nourriture et de produits de première nécessité par semaine, un nombre qui a doublé en seulement trois mois, quand ces distributions ont été mises en place au mois d'octobre. On cherche d'ailleurs encore de nouveaux lieux car la demande est là, les files d'attente devant les lieux de distributions sont de plus en plus longues."
Tous les étudiants y ont-ils droit ? Et à combien de paniers peuvent-ils prétendre ?
"Pour la moitié des distributions, il n'y a rien a justifier. Une carte étudiante = un colis. Il suffit d'envoyer un e-mail pour que les bénévoles sachent à peu près combien de personnes vont se présenter tel ou tel jour. Il y aussi des étudiants qui viennent sans prévenir, il n'y a aucun problème, tout le monde peut en bénéficier. On a mis cela en place car beaucoup d'étudiants ont l'impression de ne pas y avoir droit, de ne pas être assez précaires alors qu'ils le sont. Un panier équivaut à plusieurs repas, sept à huit repas chez les Restos du Cœur par exemple, entre trois et quatre chez Linkee et Co'p1. Il y a des produits frais : viande, poisson ou œufs, des laitages, des légumes, des fruits ainsi qu'un kit d'hygiène et des protections périodiques. Il n'y a pas de nombre de paniers limités, les étudiants peuvent venir aux distributions dès qu'ils en ont besoin."
Est-ce que vous voyez le moral des étudiants se détériorer également ?
"On reçoit parfois des e-mails de détresse, avec en objet "appel à l'aide". Certains étudiants sont complètement isolés. Ils sont seuls, dans de petits espaces, beaucoup n'ont aucun contact à Paris. Ils ne sortent plus, même pas pour travailler. Il n'y a plus de job étudiant. Avant les jeunes travaillaient, par exemple, comme serveurs dans les restaurants, guichetiers dans les cinémas ou placeurs dans les théâtres. Certains peuvent compter sur la solidarité familiale mais d'autres non, car les proches ont eux-mêmes de grosses difficultés financières. Pendant les distributions alimentaires, on envoie des bénévoles de la LMDE, La Mutuelle des Étudiants, pour aller discuter avec les étudiants dans les files d'attente, afin qu'ils puissent leur apporter des informations importantes en matière de santé physique mais aussi mentale, détecter des situations de souffrance ou repérer les symptômes de dépression."
Pour retrouver les endroits et les dates de distributions alimentaires pour les étudiants parisiens : c'est ici, sur le site de la MIE Paris, pour celles offertes par la Ville, mais aussi sur le site du Crous.