Procès des attentats du 13 novembre : les questions qui restent en suspens
Par Charlotte Piret
L'audience de ce vendredi 10 septembre sera consacrée à la lecture du rapport du président, écrit sur la base du dossier d'instruction. C’est une sorte de résumé de l’ordonnance de mise en accusation, avec les faits, les charges retenues contre les accusés et donne la tonalité des débats.
Dans le dossier des attentats du 13 novembre 2015, tout est colossal. Comment pourrait-il en être autrement, après ces attaques simultanées, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessées aux abords du Stade de France, au Bataclan et sur des terrasses parisiennes ? Après quatre années d'instruction, le dossier compte 542 tomes de procédures, soit environ un million de documents. Le fruit du travail minutieux des six juges antiterroristes qui ont dirigé l'enquête. Après deux jours consacrés à l'appel des parties civiles, le président de la cour d'assises spéciale de Paris va lire son rapport, il reprend à la fois les faits criminels à l’origine du procès, c'est à dire le déroulé des attentats, puis les charges retenues contre chacun des accusés seront développés. Mais certaines zones d'ombres demeurent. Passage en revue.
D’autres attentats étaient-ils prévus ?
Dès le lendemain des attentats, le groupe État islamique revendique les attaques. Dans un communiqué écrit, l’organisation terroriste se félicite ainsi des attentats perpétrés au “Stade de France”, au “Bataclan”, “ainsi que d’autres cibles dans le dixième, le onzième et le dix-huitième arrondissement” de Paris. Or, il n’y a pas eu d’attaque dans le 18e arrondissement.
Le 17 novembre 2015, une voiture Clio noire est justement retrouvée dans le 18e arrondissement de Paris. À l’intérieur, dans le vide poche central, un bout de papier sur lequel est inscrit à la main : “Place de la République, Bd saint Martin, Stade de France, Aéroport Charles de Gaulle”. Si les premières destinations indiquées correspondent à des lieux d’attentats ou à proximité, l’aéroport de Roissy n’a pas été visé par les terroristes.
De même pour l’aéroport de Schiphol, aux Pays-Bas. Le 13 novembre pourtant, deux des accusés du procès, Osama Krayem et Sofien Ayari s’y rendent. Ils y passent quelques heures, avant de rebrousser chemin jusqu’à Bruxelles.
Enfin, le 18 novembre 2015, les forces de l’ordre donnent l’assaut dans un immeuble de Saint-Denis. S’y trouvent, dans un appartement squatté par Jawad Bendaoud, deux membres du commando des terrasses : Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh. Selon les éléments rassemblés par les enquêteurs, les deux terroristes y préparaient une nouvelle attaque, vraisemblablement dans le quartier d’affaires de La Défense.
Un quatrième commando devait-il intervenir ?
Parmi les vingt accusés de ce procès, deux hommes, Muhammad Usman et Adel Haddadi ont été interpellés en Autriche alors qu’ils arrivaient clandestinement de Syrie. Tous deux sont accusés d’être entrés en Europe dans la perspective de commettre un attentat. Selon les éléments de l’enquête, ils devaient très vraisemblablement faire partie d’un quatrième commando, en plus de ceux qui ont frappé le Stade de France, les terrasses des 10e et 11e arrondissements parisiens et la salle de concert du Bataclan.
Salah Abdeslam a-t-il renoncé à se faire exploser ?
Le 23 novembre 2015, alors qu’ils ramassent les encombrants, les services techniques de la ville de Montrouge découvrent un gilet explosif abandonné. L’analyse de ce gilet révèle qu’il était défectueux au niveau de la plaque arrière. En revanche, les expertises n’ont pas pu déterminer si son porteur, en l’occurrence Salah Abdeslam, avait tenté de le faire exploser ou non. Le principal accusé du procès a toujours refusé de répondre à cette question, comme à toutes celles d’ailleurs qui lui ont été posées par les juges d’instruction.
Mais lors de sa cavale, alors qu’il partage une planque avec un des autres accusés de ce procès, il confie qu’il a renoncé au dernier moment à déclencher son gilet explosif et mourir en kamikaze comme l’a fait son frère aîné, Brahim Abdeslam, au Comptoir Voltaire.
D’où venaient les armes (et combien y en a-t-il encore dans la nature) ?
Le 13 novembre 2015, les terroristes se sont servis de kalachnikov et de ceintures explosives. Ces dernières ont été fabriquées en Belgique, dans au moins une des planques identifiées depuis par les enquêteurs. Un artificier qui a effectué un aller-retour depuis la Syrie et un autre membre de la cellule terroriste ont confectionné du TATP et assemblé les différents éléments nécessaires aux ceintures explosives, à l’aide d’éléments que l’on peut trouver en vente libre. Un mois avant les attentats, le principal accusé du procès de ces attentats, Salah Abdeslam, a par exemple acheté de l’eau oxygénée, vendue comme produit d’entretien pour les piscines.
L’origine des armes, en revanche, n’a pas pu être déterminée avec certitude par les enquêteurs. Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d’instruction notent cependant qu’à l’automne 2015, “les terroristes s’étaient rapprochés d’au moins deux filières susceptibles de leur vendre ce type d’armes” : l’une en Belgique, l’autre aux Pays-Bas.
Par ailleurs, Mohamed Abrini et Osama Krayem, tous deux accusés de complicité pour les attentats du 13 novembre 2015 et qui ont également tous les deux renoncé à se faire exploser lors des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016, ont évoqué devant les enquêteurs l’existence d’un box à Bruxelles qui contiendrait encore des armes de guerre. Ce box n’a pas été retrouvé à ce jour.
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