Quand les critiques sur la politique d'Israël viennent d'Israéliens

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Quand les critiques sur la politique d'Israël viennent d'Israéliens

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Israéliens et Palestiniens du mouvement Combattants pour la paix  lors d'une manifestation contre l'occupation dans les territoires palestiniens.
Israéliens et Palestiniens du mouvement Combattants pour la paix lors d'une manifestation contre l'occupation dans les territoires palestiniens.
© AFP - Musa AL SHAER

Pour ceux qui doutaient encore du fait qu’Israël est une démocratie, la tribune publiée dans le journal "Le Monde" par Zeev Sternhell, qui explique que "pousse en Israël un racisme proche du nazisme à ses débuts", devrait justement les convaincre.

Pour Zeev Sternhell, historien spécialiste du fascisme, militant de la gauche sioniste et anti-raciste, comme pour d’autres avant lui, la tâche n'a pas été facile, puisqu'ils ont été le plus souvent critiqués par leurs concitoyens israéliens. Leurs actions pour la défense des Palestiniens, ou tout au moins pour le respect de leurs droits, leur a valu – au mieux – d'être traités de naïfs ou, pire, de traîtres. 

Ils ont dû, en tout cas, porter une parole difficile d’opposants à la politique menée par leur pays en critiquant parfois une institution – l’armée, le gouvernement… – dont parfois ils avaient été ou sont toujours membres. 

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Numériquement faibles, ces intellectuels ont un certain poids dans la  société israélienne mais s'expriment le plus souvent dans une presse et un milieu intellectuel qui n'en sont pas choqués. 

Machsom Watch : des israéliennes vigies de la liberté des palestiniens

L’association Machsom Watch, l’observatoire des barrages, est née de la mobilisation de femmes israéliennes qui, choquées du traitement fait aux Palestiniens sur les barrages de l'armée israélienne, a décidé de s'y poster afin de surveiller ces points de passage et de témoigner leur soutien aux populations arabes. Depuis 2001, ces femmes font un travail de vigie jusque dans les institutions israéliennes, qu'elles ne manquent pas de critiquer. 

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Frères ennemis réunis pour la paix

L'initiative des Combattants pour la paix est aussi extrêmement originale puisqu'ils s'agit de frères ennemis qui se battent désormais ensemble pour la paix. Ces anciens soldats venus des deux camps ont lancé ensemble ce mouvement formé de Palestiniens et d'Israéliens "qui ont pris une part active dans la violence".

Après n'avoir vu l'autre que par le biais de viseurs d'armes pendant de nombreuses années, ses membres ont décidé de déposer leurs armes et se battre pour la paix.

Ensemble, ils commémorent chaque année leurs morts, comme ils l'expliquent dans cette vidéo :

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Critique des l'armée israélienne par ses propres soldats

Mais il n'y a pas que d'anciens soldats à s'être rangés du côté de la paix et à critiquer la politique menée par Israël. Quand, en 2002, naît le mouvement "le courage de refuser", la surprise est de taille. On ne s'attend pas à des critiques de la part de membres de l'armée. Pourtant en janvier 2002, au beau milieu de la deuxième intifada, des jeunes et des officiers critiquent publiquement la violente offensive israélienne contre les Palestiniens et refusent de se battre le mouvement.

Le terme "Refuzniks", lui, désigne plus largement tous ceux qui refusent de faire tout ou partie du service militaire (donc aussi bien les réservistes du Courage de Refuser que les jeunes appelés, ceux que l'on appelle les Shministim, qui sont des élèves de terminale). 

"L_es Shministim, c_e n'est pas un groupe organisé ou une ONG, ce sont simplement des jeunes qui sont en terminale et qui officialisent le fait qu'ils refusent d'intégrer l'armée israélienne, explique Karine Lamarche, sociologue et auteure de Militer contre son camp ? Des Israéliens engagés aux côtés des Palestiniens (PUF). S'ils refusent publiquement de faire leur service militaire, poursuit la chercheuse, ils peuvent alors être mis en prison."

La surprise est également énorme en 2009, alors que l'opération "Plomb durci" vient de s'achever, faisant 1 400 morts côtés palestiniens et 13 côté israéliens : deux mois plus tard, des officiers de Tsahal témoignent pour alerter l’opinion publique dans une tribune publiée par les journaux Haaretz et Maariv.

En 2015, ce sont des jeunes partis faire leur service militaire et d'anciens soldats qui témoignent et donnent à voir une armée coupable, selon eux, de terribles exactions. Le mouvement Breaking the Silence est né en 2004 et se transformera en ONG. 

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Documentaire explosif

En 2013, le documentaire de Dror Morey, The Gatekeepers fait l'effet d'une bombe :  non seulement des responsables des services secret israéliens acceptent de livrer leurs informations sur les opérations qu'ils ont mené, mais ils livrent aussi une critique extrêmement sévère des dirigeants politiques de leur pays, accusées de mener Israël à la dérive. L'un d'eux_,_ Avraham Shalom, explique :

Le futur est sombre. Noir est l’avenir (…) Nous sommes devenus cruels envers nous-mêmes, mais surtout envers la population que nous contrôlons, sous prétexte de lutter contre le terrorisme

Trois ans plus tard, c'est du plus haut commandement de Tsahal que viennent les critiques. Le 5 mai 2016, le chef d’état-major adjoint Yaïr Golan, connu pour son franc-parler, a déclaré que la Shoah devait "nous pousser à réfléchir sur la nature de l’homme, même quand cet homme est nous-même (sic)". "S’il y a quelque chose qui m’inquiète dans les commémorations de la Shoah, explique-t-il lors d’un discours marquant le début des commémorations, c’est de voir les processus nauséabonds qui se sont déroulés en Europe en général, et plus particulièrement en Allemagne, il y a 70, 80, 90 ans et de voir des signes de cela parmi nous en cette année 2016."

Il y a quelques mois, c'est au tour d'un ancien Premier ministre de ne pas mâcher ses mots concernant la politique israélienne. Le 21 juin 2017, lors d’un entretien à une télévision allemande, l’ancien premier ministre Ehud Barak, déclare, à propos de la situation en Israël :

Ce n’est pas encore l’Apartheid mais nous sommes sur une pente dangereuse.

Des propos qui ont de quoi perturber une opinion publique israélienne, qui traverse déjà une période politique troublée par la proximité du conflit syrien, et par des affaires de corruption qui empoisonnent le débat.