Quand Mickey lit Sénèque et se prend pour Alain Delon ou Marilyn Monroe

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Quand Mickey lit Sénèque et se prend pour Alain Delon ou Marilyn Monroe

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Mickey - Mystérieuse mélodie et Craziest adventures
Mickey - Mystérieuse mélodie et Craziest adventures
© Glénat

C'est l'un des évènements BD les plus attendus de 2016 : Glénat a mis Mickey entre le mains de dessinateurs de haut vol dans le cadre de sa collection Disney by Glénat. Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas inventent une histoire à trous autour de Mickey pour le faire revivre à leur manière, alors que Cosey se charge de raconter la première rencontre entre Mickey et Minnie. Ces deux tomes paraissent début mars, une belle occasion de se demander ce que Mickey peut bien avoir envie de lire en ce moment.

On dit de lui que c’est un personnage protéiforme, capable de s’adapter en toute tranquillité aux changements de société, de surfer harmonieusement sur les modes, de se régler aux humeurs du moment. Toujours avec la banane, boulimique de nouveaux projets dans des domaines aussi variés que le cinéma, la presse, la bande-dessinée et les parcs d’attraction. A près de 90 ans, le VRP de l’entreprise Disney court toujours le monde, avec la même curiosité que lorsqu’il aborde la lecture d’un nouveau livre. Au pays des rêves, la lecture encourage l’imaginaire.

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Rencontre imaginaire dans sa bibliothèque.

"Non, Monsieur Bukowski, je ne suis pas un salopard"

Mickey - Bukowski
Mickey - Bukowski
© Radio France

Faisant référence à l’univers Disney où tout est douceur et gentillesse, Bukowski a un jour déclaré qu’il me détestait, qu’il ne supportait pas qu’une petite souris à 3 doigts (en fait, j’en ai quatre mais monsieur Bukowski dans ses délires éthyliques a probablement eu des soucis de perception) puisse avoir autant de pouvoir sur des centaines de millions d’individus, que j’étais totalement éloigné de la réalité… Et il a terminé en me traitant de salopard dénué d’âme. Vous savez, je garde le sourire en toutes circonstances et plutôt que de riposter aux attaques, je tends la main. En l’occurrence, j’ai lu Bukowski et notamment Mémoires d'un vieux dégueulasse . Et j’ai beaucoup de compassion pour ses personnages dépravés qui me paraissent bien malheureux à boire sans cesse et à pavoiser sur le monde, la politique ou la société américaine. Il leur serait plus avisé de rejoindre le monde enchanté de Disney là où le rêve devient réalité, sans alcool.

90 ans et pas une ride

Mickey - au scalpel
Mickey - au scalpel
© Radio France

Comment rester jeune à près de 90 ans ? Demandez à mes dessinateurs, ils sauront vous répondre. Enfin, je crois savoir que mes traits ont subi quelques évolutions, rendant ma bouille éternellement juvénile et toujours plus sympathique. La sociologue Anne Gotman , dans L'identité au scalpel , considère qu’à travers la chirurgie esthétique, il y a un impératif social, une contrainte qui pousse les individus à rechercher la perfection dans un souci de conformité. Dans son étude à la fois historique et sociologique, elle témoigne de notre insatisfaction chronique vis-à-vis de notre apparence, d’un rejet du vieillissement et de nos imperfections physiques que nous pouvons gommer par un simple coup de bistouri. Pour moi, un simple coup de crayon suffit pour rester jeune. Et en plus, je garde la ligne.

Comme Liz Taylor et Marilyn Monroe, j'ai inspiré Warhol

Mickey - Pop
Mickey - Pop
© Radio France

Certains artistes m’ont aidé à traverser les modes pour devenir une icône hype et élargir mon influence au-delà de l’enfance. J’ai connu cette transformation dans les années 60 quand des artistes issus du courant Pop m’ont représenté selon leurs canons. Tout ceci est très bien expliqué dans le très beau livre Pop de Mark Francis .

C’est tout d’abord Roy Lichtenstein qui m’a peint sur toile avec mon compère Donald à la suite d’un défi lancé par son fils qui lui demandait de faire aussi bien que les strips de sa bande-dessinée. Puis ce fut au tour d’Eduardo Paolozzi de m’illustrer en me collant contre une pin-up avant que le maître, Andy Warhol, ne s’empare de mon image, devenue au fil du temps universelle même si contractuellement, je n’appartiens qu’à Disney. Normalement jusqu’en 2023, où selon la loi, je tomberai dans le domaine public.

Il y a du Charlot en moi

Mickey -Charlot
Mickey -Charlot
© Radio France

Mon papa Walt Disney avait un amour immodéré pour Chaplin au point qu’il fit des concours de mimes du temps où il vivait à Kansas City. Forcément, il y a du Charlot en moi avec son petit côté débrouillard. Du moins à mes débuts. Comme lui, je m’accroche car la partie n’est pas gagnée d’avance et je pars de loin. Pierre Leprohon évoque en détails dans Charlot ou la naissance d'un mythe , avec une remarquable documentation la création de Charlot, ce sans-grade sans le sou qui résiste à tout, vagabond astucieux comme pas un et intrépide comme une anguille. Hélas, nous nous sommes perdus de vie. Il faut dire que je me suis un peu embourgeoisé.

Comme Alain Delon, je porte des gants

Mickey - le gant
Mickey - le gant
© Radio France

Vous l’avez sans doute remarqué : je ne sors jamais sans mes gants. Ils sont même devenus comme une seconde peau depuis le tournage de The Opry House en 1929. Pour les besoins de la réalisation, à l’époque en noir et blanc, mes mains devaient contraster avec mes bras noirs pour une scène où je joue du piano. Je me suis depuis intéressé de près à la ganterie et j’ai découvert ce superbe ouvrage qui en relate l’histoire à travers les styles et les époques. Le gant blanc a bien entendu droit au chapitre, objet de fétichisme sensuel sur l’épaule de Catherine Deneuve dans Belle de jour ou accessoire d’ultime élégance porté par Alain Delon dans Le Guépard. Vous lirez tout cela dans Le Gant de Françoise de Bonneville . Avec en complément d’illustration, votre serviteur, toujours affublé de son immaculée protection manuelle.

Je lis Sénèque pour trouver le bonheur

Mickey - Sénèque
Mickey - Sénèque
© Radio France

Mon plus grand plaisir, c’est d’en donner. J’aime distraire les foules, émerveiller les enfants, avec moi, vous oubliez vos soucis du quotidien pour en entrer dans un monde où tout est propreté, courtoisie, bonté, honnêteté… Certes, j’ai eu une jeunesse parfois turbulente où l’on m’a vu fumer, boire, me bagarrer et même exprimer une certaine concupiscence pour les formes de mon amie Minnie . Heureusement, la lecture de Sénèque m’a remis dans le droit chemin. Car, comme il le dit dans La vie heureuse , c’est dans la vertu que l’homme s’accomplit pour atteindre ce graal existentiel qu’on appelle le bonheur. « Tout le monde veut une vie heureuse » rappelle le stoïcien dans son préambule. Papa Walt a repris le précepte pour en faire le slogan officiel de Disneyland : « The happiest place on earth » (L’endroit le plus heureux sur terre).

Des fêtes foraines aux parcs Disney

Mickey - Fête Foraine
Mickey - Fête Foraine
© Radio France

Bien avant l’ère des parcs à thèmes démesurés, j’ai connu l’époque des baraques foraines où l’on passait joyeusement du dompteur de puces aux jeux d’adresse, des marchands de guimauves et pains d’épice aux séances de cinématographe. Allez savoir pourquoi, j’étais inévitablement attiré par les premières montagnes russes et les manèges. Space Mountain a certes supplanté la balançoire, mais on expérimentait déjà les « machines du vertige ». J'ai lu dans La fête foraine d'autrefois , deChristiane Py et Cécile Ferenczi, qu'à la Belle Epoque, on se délectait également des numéros d’un pétomane tenant un salon subtilement baptisé « A la rose des vents » ou on découvrait la célèbre Goulue du Moulin-Rouge reconvertie dans le dressage des fauves. Un merveilleux voyage dans l’histoire des attractions foraines, préfigurant nos Disneyland.

Je ne mange pas de carottes, mais...

Mickey - Lapinot ok
Mickey - Lapinot ok
© Radio France

Peu avant ma naissance, Papa Walt a créé Oswald , un lapin malin malheureusement vite disparu pour des questions de droits d’auteur. Alors quand j’ai découvert Lapinot , créé par Lewis Trondheim , je me suis rappelé à son bon souvenir, même si leur caractère est bien différent. Je me sens très proche de l’univers anthropomorphique de Trondheim et ce n’est pas un hasard si les éditions Glénat, qui ont obtenu la licence BD Disney, lui ont proposé d’imaginer mes nouvelles aventures.

**Lire avec Lucky Luke , de Tarentino à Proust > **

**Avec Dark Vador, du guide du mauvais père à l'art des mets > **

**Un crochet par les livres avec Rocky Balboa > **