Quaoar : une planète naine aux anneaux étrangement situés

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Quaoar : une planète naine aux anneaux étrangement situés

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Vue d'artiste de Quaoar
Vue d'artiste de Quaoar
- Sylvain Cnudde/ observatoire de Paris PSL-LESIA

Vingt ans après sa découverte, la planète naine Quaoar dévoile des anneaux situés... au mauvais endroit ! L'observation de cet objet céleste, situé au-delà de Neptune, a révélé la présence d'un disque de matière glacée sur une orbite bien trop éloignée du corps central.

Très excentrés par rapport au Soleil, se trouvent les objets transneptuniens. Des corps de petite taille parfois qualifiés de "planète naine", comme Pluton, qui n'en finissent pas de surprendre les astronomes. Après Chariklo en 2013 puis Haumea en 2017, c'est ainsi au tour de Quaoar de révéler la présence d'anneaux.

Les quatre géantes du système solaire que sont Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ne sont donc pas les seules à posséder cette particularité. Parmi les petits objets du système solaire externe, cela pourrait être monnaie courante. La difficulté à le prouver vient de la limite actuelle des télescopes. Pour Quaoar, il a fallu quatre campagnes d'observation entre 2018 et 2021 mobilisant des télescopes terrestres et spatiaux (HESS en Namibie, Gran Telescopio aux Canaries, CHEOPS télescope spatial de l'ESA et des télescopes amateurs australiens) pour arriver à l'évidence : un anneau très inhomogène dont la distance à Quaoar fait 4100 km, soit sept fois le rayon du corps central. C'est selon Bruno Sicardi, astronome à l'Observatoire de Paris et co-auteur de cette étude parue dans Nature, "la grosse surprise qu'on a eue : l'anneau est très loin de Quaoar".

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Une position surprenante

Boursouflé de matière sur une petite partie, cet anneau bloque 50% du flux stellaire qui le traverse à cet endroit quand ailleurs, il est à peine opaque. Composé de blocs glacés, il est surtout surprenant par sa position. L'anneau de Quaoar est bien au-delà de la limite admise par les calculs du mathématicien et astronome Edouard Roche en 1850.

Une limite jusque là formelle : "Selon la limite de Roche, des particules situées à cette distance-là doivent s'accréter les unes aux autres et former un satellite. Edouard Roche a montré en 1850 qu'au-delà d'une distance représentant deux à trois fois le rayon du corps central, les forces d'attraction mutuelles de particules de l'anneau deviennent supérieures aux forces de marée générées par le corps central", détaille Bruno Sicardi. Il ajoute que le processus se fait en un temps extrêmement court, en quelques mois ou années.

Autrement dit, soit les astronomes sont super chanceux et observent grâce aux télescopes un processus à l'œuvre (on pourrait alors imaginer que d'ici quelques années, à la place de l'anneau, se trouverait un satellite), soit il faut trouver une autre réponse à l'énigme. Et c'est ce qu'ils ont trouvé.

De nouvelles études pour mieux comprendre Quaoar

Pour expliquer pourquoi dans le cas de Quaoar, les lois de collision sont mises en défaut, des études numériques poussées ont été réalisées à l'université d'Oulu en Finlande. En laboratoire, elles montrent que des collisions alternatives, plus élastiques à basse température, se produisent qui empêchent les particules de s'agglomérer. Les vitesses des particules qui se sont entrechoquées restent suffisamment élevées quand elles repartent pour contrer leur tendance à l'accrétion.

Une hypothèse confortée par la découverte d'un autre détail. Tous les objets transneptuniens avec anneaux sont "en résonance", c'est à dire que les anneaux accomplissent trois rotations quand le corps central n'en fait qu'une. Chariklo, Haumea et Quaoar partagent donc cette particularité. Pour Bruno Sicardy, cette résonance de un sur trois peut expliquer pourquoi les particules restent à cet endroit et ne s'étalent pas. Elle pourrait s'avérer clé pour expliquer l'existence de ces anneaux qui restent confinés.

Avec l'amélioration des télescopes, les images se raffinent et depuis la première campagne d'observation 2018-2021, un autre anneau a été détecté. Lui aussi au-delà de la limite de Roche. Beaucoup moins dense, il sera détaillé dans une publication. Contrairement aux anneaux de Saturne qu'on peut voir avec un petit télescope amateur, les objets transneptuniens restent hors de portée de notre vue. Il n'en existe donc à ce jour que des représentations et pas d'images réelles.