Quelle est cette nouvelle méthode pour remédier à l'échec scolaire ?

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Quelle est cette nouvelle méthode pour remédier à l'échec scolaire ?

Image d'illustration. (© Maskot)
Image d'illustration. (© Maskot)
© Getty

Jérémie Fontanieu, professeur de lycée à Drancy, nous raconte sa méthode anti-échec scolaire. En quoi consiste-t-elle ? Dans l'émission "Un monde nouveau", l'enseignant nous en dit plus.

Fan de rap, Jérémie Fontanieu découvre la banlieue dans les textes des morceaux, de façon parfois un peu caricaturale, mais cela changera ses plans de carrière : il ira enseigner dans le 93, en Seine-Saint-Denis.

Partant d'un constat empirique grâce à son expérience de professeur de sciences économiques et sociales, corroboré par des enquêtes internationales comme PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) — la France est aujourd'hui l'un des pays développés où le poids des origines pèse le plus sur les résultats scolaires —, il va mettre au point une nouvelle méthode d'enseignement. Dès 2012, Jérémie Fontanieu pose les bases du projet "Réconciliation".

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Jérémie Fontanieu était l'invité (avec la chanteuse Aloïse Sauvage) de l'émission "Un monde nouveau", de Mathilde Serrell, pour présenter sa méthode.

Un monde nouveau
48 min

Le constat partagé par les enseignants

Selon Jérémie Fontanieu, les élèves manquent de confiance en eux, comme il l'explique : "en tant qu'enseignant, j'ai en face de moi des élèves qui n'ont pas de facilités scolaires et qui sont par ailleurs des adolescents : donc ils ont la flemme et ils manquent beaucoup de confiance en eux. Ils font beaucoup de petites bêtises qui paralysent leur potentiel et qui, du coup, paralysent le mien en tant qu'enseignant. Donc finalement le constat que je fais n'est pas original du tout. On est des centaines de milliers d'enseignants en France, à Drancy en particulier, partout, mais surtout dans les quartiers populaires, à faire ce constat difficile que les élèves qu'on a en face de nous n'ont pas tant que ça envie d'être là et semblent – pas s'autodétruire, c'est trop fort  – mais un petit peu gâcher leur potentiel pour des raisons un peu bêtes, en quelque sorte."

Fort de ce constat, il a développé une approche de l'apprentissage à l'école, faisant beaucoup intervenir les parents, les incluant dans le processus.

Les fondamentaux de cette nouvelle méthode

Le travail avec les parents, main dans la main

L'un des piliers de cette méthode est de travailler avec les familles. Il a fait le constat de façon empirique que les jeunes étaient peu motivés, et qu'il ne pourrait pas les encourager à travailler en étant seul. Il explique :

"Nous les professeurs sommes peu poussés à travailler avec les parents et du coup, moi-même, je l'ai très peu fait au tout début de ma carrière. Au bout d'un moment, j'ai eu l'impression de ne pas y arriver, et c'est le sentiment de tant d'enseignants, donc j'ai cherché vers qui je pourrais me tourner. J'ai essayé avec plein d'acteurs différents. Et puis, à un moment, j'ai tenté un coup de bluff avec les élèves. Je leur ai dit : 'Attention, je vais appeler les parents si vous ne révisez pas plus', parce que le gros problème que j'ai rencontré, c'est que les élèves faisaient à peu près le boulot en classe, mais ne révisaient pas du tout à la maison."

À Drancy, comme dans la plupart des banlieues, le taux de réussite au bac était en général de 80% dans les années 2010, bien plus faible que la moyenne nationale. Le professeur a donc dit aux élèves qu'il appellerait les parents de ceux qui n'auraient pas la moyenne au prochain devoir. Les résultats au devoir en question n'ont pas été meilleurs que d'habitude. Il s'est donc vu contraint d'appeler des parents, comme il l'explique :

"Quand j'ai appelé les parents, je l'ai tourné de la manière suivante : non pas 'je vous appelle parce qu'il y a un problème et que je n'y arrive pas avec votre enfant', même si c'était vrai. Mais je leur ai dit qu'il y aurait une nouvelle évaluation la semaine suivante et : 'Est-ce que vous pourriez de votre côté aider ?' En improvisant cette communication, non pas quand c'est trop tard, c'est-à-dire au moment de la remise du bulletin, au moment de la fin de l'année, et qu'on fait un constat souvent frustrant à la fois pour l'élève, pour le prof et pour les parents. Là, j'appelais finalement pour dire : 'J'ai une bonne nouvelle : la semaine prochaine, votre enfant peut avoir une meilleure note que celle qu'il a eue aujourd'hui' et les parents ont réagi très positivement. J'ai eu beaucoup de chance de tomber sur ces quelques parents-là qui m'ont fait gagner en confiance petit à petit. Moi d'abord seul, puis avec un collègue, on a généralisé le travail avec les parents."

Il ajoute que bien souvent les parents qui ne s'impliquent pas ont été eux-mêmes en échec scolaire, et pensent que l'école ne leur est pas ouverte. C'est en fait un gros malentendu, et tous les parents peuvent être des partenaires, des alliés.

Des QCM avec des notations sévères

Jérémie Fontanieu a aussi développé une méthode qui inclut des QCM, avec une notation assez sévère. Pour lui, bienveillance et fermeté ne devraient pas être opposées. Selon lui, il ne faut pas que les élèves puissent se trouver d'excuses :

"Je pense que la pitié, c'est un sentiment qui est beau, qui est bon, mais que parfois la pitié peut être dangereuse et elle peut l'être pour des adolescents lorsque ça les aide à se trouver des excuses, alors que la vérité, et les élèves le confessent — ils ne sont pas malhonnêtes —, c'est qu'ils disent 'bon, j'avoue, j'avais la flemme...'"

Par ailleurs, "les élèves peuvent être très durs avec eux-mêmes parce que la société est très dure avec eux. Les quartiers populaires sont aujourd'hui dans une situation qui est révoltante". Il faut donc encourager les élèves et leur donner confiance.

Les lycéens qui suivent cette méthode ont obtenu 100 % de réussite au bac depuis cinq ans. Les professeurs intéressés peuvent prendre contact avec Jérémie Fontanieu pour se lancer.

Pour en savoir plus sur cette méthode, écoutez l'émission dans son intégralité...

Le téléphone sonne
35 min