Quelles sont (vraiment) les compétences du président de la République ?
Par Julien BaldacchinoCe dimanche, les citoyens élisent un nouveau chef de l’Etat. Mais savez-vous vraiment ce qu’il ou elle pourra vraiment faire (ou pas) ?
La journée de dimanche est un moment qui n’arrive qu’une fois tous les cinq ans en France : l’élection d’un nouveau président de la République. Le candidat élu ce dimanche soir n’entrera concrètement en fonction que dans un peu plus d’une semaine, le mandat de son prédécesseur, en l'occurrence François Hollande, arrivant à terme le dimanche 14 mai à minuit.
Une fois investi, le nouveau Président prend les rênes de la fonction d’Etat qui prédomine sur toute les autres (sauf en cas de cohabitation, où cela revient alors au Premier ministre). Il dispose d’un éventail de compétences, mais qui n’ont pas toutes la même valeur : s’il peut prendre des décisions seul, il est également très encadré et ne peut exercer une partie de ses compétences qu’avec le contreseing du Premier ministre ou d’un ministre concerné. Petit rappel de droit constitutionnel
Les compétences propres
- Il est le garant de la Constitution : c’est l’une des prérogatives les plus fortes du Président. Celui-ci doit assurer le bon respect de la constitution de la Ve République, et peut par exemple refuser de signer un décret ou une ordonnance s'il estime que celle-ci est contraire au texte qui définit les fondamentaux de l'Etat. C'est aussi pour ces raisons qu'il nomme trois des membres du Conseil constitutionnel, et qu'il peut saisir cette juridiction quand il l'estime nécessaire.
- Il est le garant de l’indépendance de la Justice : là encore c'est une fonction très liée aux fondements de la République. Le Président doit s'assurer que rien n'interfère dans le travail indépendant de la Justice. Il peut s'appuyer, pour cela, sur le Conseil supérieur de la magistrature.
- L’article 16 et les pleins pouvoirs : dans des conditions de crise et de menace immédiate pour la France bien spécifiques fixées par la Constitution, le président peut bénéficier de "pouvoirs exceptionnels", c'est-à-dire qu'il n'y a plus de séparation stricte des pouvoirs. Cela n'est arrivé qu'une fois sous la Ve République, en 1961 après une tentative de putsch à Alger. En revanche, pour éviter une situation équivalente à celle du maréchal Pétain, le Parlement continue à se réunir et peut, à partir de 30 jours après l'attribution des pouvoirs exceptionnels, vérifier que les conditions de crise sont toujours remplies.
- Le droit de dissoudre l’Assemblée nationale : à condition de prévenir les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et le Premier ministre, le Président peut dissoudre l'Assemblée nationale pour organiser de nouvelles élections, soit parce qu'il ne parvenait plus à gouverner, soit pour s'assurer une majorité plus confortable. Ce n'est arrivé que cinq fois sous la Ve République, la dernière fois c'était en 1997.
- Il nomme le Premier ministre : c'est la seule nomination au gouvernement que le Président peut décider seul.
- Il peut s'adresser au Parlement mais uniquement par le biais d'une communication qui sera lue par les présidents d'Assemblée. Le président de la République n'a pas le droit de pénétrer dans les hémicycles de l'Assemblée et du Sénat.
Les compétences partagées
- La nomination des ministres (et de certains postes de l’Etat) : le Président ne nomme pas seul les ministres. C'est le Premier ministre qui doit les lui suggérer. Idem pour plusieurs postes de hauts fonctionnaires, qui sont effectivement nommés en Conseil des ministres, donc en présence du chef de l'Etat, mais pas seulement.
- La signature des ordonnances et des décrets : là aussi, la signature des ordonnances et des décrets est le fruit d'un travail conjoint avec le Conseil des ministres, qui délibère ces textes. Quand les candidats annoncent qu'ils vont gouverner par ordonnance, ça ne veut donc pas dire qu'ils décideront tout tout seuls.
- La convocation du Parlement en session extraordinaire : le président de la République n'ayant pas le droit d'entrer dans les hémicycles du Parlement, s'il veut s'adresser à eux directement ou s'il veut faire voter une réforme constitutionnelle, il peut convoquer le Parlement en session extraordinaire, en général à Versailles. Mais doit aussi le faire le faire si le Premier ministre, ou même si une majorité des députés, le demandent.
- L’organisation d’un référendum : si le Président veut organiser un référendum pour modifier la Constitution ou pour faire ratifier un texte international, il doit obtenir un contreseing. En revanche s'il s'agit d'un référendum sur une simple loi il n'y a pas besoin de contreseing... mais la demande de référendum doit être initiée par le Gouvernement ou par le Parlement.
- La promulgation des lois : contrairement à ce qui est dit en général, le Président n'est pas seul à signer les décrets de promulgation des lois. Le Premier ministre doit apporter son contreseing.
- Le chef des Armées ? C'est vrai, le Président est bien le chef des armées. Mais il n'exerce pas la compétence militaire seul : le Gouvernement "détermine et conduit la politique de la Nation et dispose de la force armée". En pratique, le Gouvernement n'est jamais allé à l'encontre d'une demande du Président hors cohabitation.
- Le droit de grâce : encore une compétence en apparence réservée au Président. Mais celui-ci ne peut pas décider absolument seul : il a là encore besoin d'une signature de Matignon.
Le Président est-il vraiment intouchable ?
Pas vraiment. Sur tous les actes qui ne concernent pas sa fonction de président, il bénéficie effectivement d'une immunité judiciaire, en matière civile et pénale, jusqu'à un mois après la fin de son mandat. Il n'est pas non plus considéré comme responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions... sauf dans deux cas : d'une part, s'il est puni par la Cour Pénale internationale, d'autre part, si le Parlement se réunit en Haute Cour : il peut alors le destituer s'il estime qu'il y a eu "manquement aux devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". C'est la nouvelle dénomination pour la notion de "haute trahison" de l'Etat.