Qui sont les anti-masques sur Facebook ? Plutôt diplômés, plutôt des femmes... et complotistes
Par Louis-Valentin LopezUne enquête publiée ce lundi par la Fondation Jean-Jaurès révèle le profil et les opinions des "anti-masques" sur les groupes Facebook. Analyse.
Qui se cache derrière les "anti-masques" ? Plusieurs pays, comme l'Allemagne et les États-Unis, voient émerger en ce moment des mouvements qui remettent en cause le port du masque pour lutter contre la propagation de la Covid-19. Et en France, des groupes Facebook, qui contestent le port obligatoire du masque, rassemblent parfois des milliers de membres. Ce sont ces internautes qu'Antoine Bristielle, chercheur à SciencesPo Grenoble, a passé au scanner, dans une enquête publiée ce lundi par la Fondation Jean-Jaurès. Plus de 1 000 "anti-masques" ont ainsi accepté de répondre à un questionnaire. Quelles sont leurs opinions ? Quel est leur profil ? Radiographie.
Arguments sanitaires et complotistes
Pourquoi s'élever contre le port du masque ? Quatre raisons ressortent majoritairement parmi les "anti" interrogés. Deux arguments sont d'ordre sanitaire : premièrement, le masque ne protégerait pas efficacement contre le virus. Encore pire, selon un autre argument : le masque serait dangereux pour la santé. Mais deux autres arguments "anti-masques" s'éloignent largement de l'aspect sanitaire. Tout d'abord, l'idée que l'épidémie serait terminée, voire n'aurait jamais vraiment existé. Le dernier, dans la même veine complotiste : le but du masque serait de priver la population de sa liberté, de l'asservir.
Des arguments très relayés sur des groupes Facebook qui sont loin de l'épiphénomène souligne le chercheur Antoine Bristielle, auteur de l'étude : "On a une dizaine de groupes 'anti-masques' qui se sont créés, allant de quelques centaines d’individus à plusieurs dizaines de milliers pour le plus important d’entre eux."
Au départ, une défiance envers les institutions
Les "anti-masques" interrogés sur Facebook ne croient pas, ou peu, dans les institutions françaises. À commencer par la politique. Ainsi, alors que 34% des Français ont confiance dans l'institution présidentielle, c'est le cas de seulement 6% des "anti-masques". Même défiance envers les partis politiques. 61 % des personnes interrogées déclarent ne pas se reconnaître dans l’opposition gauche/droite, un chiffre bien supérieur à ce que l’on retrouve dans le reste de la population.
"On remarque ceci-dit que parmi celles qui ont voté à l’élection présidentielle en 2017, c’est Marine le Pen qui arrivait en premier, 27 %, avec Jean-Luc Mélenchon en second, 20 %", signale Antoine Bristielle.
Une défiance qui dépasse même le cadre de la politique : seuls 10 % des "anti-masques" interrogés ont confiance dans les syndicats, et 53 % dans les hôpitaux, une institution pourtant très appréciée des Français.
De la même façon, l'enquête pointe le manque de confiance des "anti-masques" envers les grands médias. 14 % font ainsi confiance aux informations qu'ils lisent dans la presse écrite, et seuls 2 % disent croire les informations qu'ils voient sur petit écran. Inversement, ils se fient bien plus largement aux réseaux sociaux pour s'informer que le reste de la population française.
Davantage conspirationnistes que le reste de la population
Les "anti-masques" se caractérisent en outre par une forte adhésion à des thèses complotistes. Ils sont ainsi 90 % à penser que le ministère de la Santé est de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins (contre 43 % de l'ensemble de la population). Plus de la moitié d'entre-eux croient aux "Illuminati", une organisation secrète qui manipule la population (contre 27 % des Français). À noter aussi la croyance en un complot sioniste à échelle mondiale : 22 % des Français y croient... 57 % chez les "anti-masques".
Profil de l'anti-masque : plutôt âgé, plutôt diplômé, plutôt féminin
Chez les "anti-masques" interrogés sur Facebook, les femmes sont majoritaires : elles représentent 63 % des répondants au questionnaire. En moyenne, le "réfractaire au masque" a 50 ans. Il est plutôt éduqué, avec une moyenne de Bac+2. Et ce sont les cadres qui sont les plus représentés dans ces groupes : 36 %, soit deux fois plus que dans la population française. En revanche, les ouvriers et employés sont proportionnellement deux fois moins représentés chez les "anti-masques".
Dernière question : les "anti-masques" soutiennent-ils aussi le controversé professeur Raoult ? "Oui, il y a une très grande proximité entre les personnes qui ont soutenu le professeur Raoult et les personnes qui refusent le port du masque", analyse Antoine Bristielle : "Ils sont autour de 85 % à avoir plutôt une bonne opinion du professeur Raoult."