Qui sont les "Chatouilleuses", ces militantes de Mayotte à qui Emmanuel Macron va rendre hommage ?
Emmanuel Macron se rendra du 22 au 25 octobre à Mayotte, à La Réunion et sur Glorieuse, l'une des cinq "îles Eparses" administrées par la France. À Mayotte, le président de la République doit saluer l'engagement des "Chatouilleuses" qui ont lutté pour que Mayotte ne soit pas rattachée aux Comores et reste française.
Mardi 22 octobre lors d'un dîner avec les femmes investies dans la vie locale à Mayotte, Emmanuel Macron aura l'occasion de rendre hommage à Zéna M’déré, cheffe de fille de ce mouvement de femmes activistes durant les années 1960, appelé mouvement des "Chatouilleuses".
Ce mouvement est né en 1966, au moment du transfert la capitale de Dzaoudzi (chef -lieu du département d'outre-mer de Mayotte) à Moroni (Grande Comore). La rencontre entre la militante Zéna M’Déré et le président du Conseil de gouvernement des Comores, Saïd Mohamed Cheïkh, en 1966 a été l'un des premiers rendez-vous qui ont marqué le début de la mobilisation des femmes de Mayotte. Zéna M’déré voulait défendre, au nom des femmes, le maintien des fonctionnaires (leurs maris le plus souvent) et les activités commerciales à Mayotte, plutôt que leur détournement vers Moroni.
Les femmes protestaient donc contre l’intégration de l’île à l’archipel des Comores, qui aurait conduit à une indépendance qu’elles ne souhaitaient pas. Ce changement de statut correspondait pour elles, notamment, à une précarisation économique, familiale et sociale. La rencontre de 1966 n'ayant rien donné, les femmes se sont structurées, donnant naissance au mouvement des Chatouilleuses.
Zaïna Meresse (qui est morte en 2014), racontait dans Ouest France en 2013 :
On a dit non. On s'est dit: 'On va être esclave des Anjouanais et des Grands Comoriens, vaut mieux être esclaves des Français !' On a décidé de se mettre debout.
"Si leur engagement s’explique par des considérations socio-économiques et des intérêts genrés, leur conversion au combat pour la départementalisation s’est réalisée de façon progressive. Ces nouvelles orientations n’enlèvent rien à la capacité de mobilisation du mouvement prenant pour ancrage, à travers la chatouille, l’opposition des sexes", explique l'historienne Mamaye Idriss, dans la revue Le Mouvement Social 2016/2 (n° 255). La chef de file du mouvement, Zaïna M’Déré, comparait leur opposition à l’autorité territoriale comorienne à une relation de couple :
"La France qui est notre père et notre mère nous a livrées à un homme qui nous maltraite. Nous demandons à retourner vers elle"
La chatouille, bénin supplice
Ce mouvement a concerné un noyau dur d'une centaine de femmes, et au-delà, des sympathisantes qui se sont jointes à elles, lors des visites des élus ou représentants du gouvernement dans l'île.
Puisqu'on ne peut pas aller en prison pour avoir "chatouillé" quelqu'un, elles ont adopté cette méthode pour faire fuir, littéralement, certains visiteurs importants, comme le ministre comorien Mohamed Dahalane lors de sa première visite dans l'île.
Le terme de "chatouilleuses" est en fait la traduction du mot mahorais ufetsa, employé par les femmes. Le mot peut faire sourire en français mais cela ne doit pas masquer la tension qui régnait alors dans l'île.
En réalité, dans la lutte contre l'indépendance ou l'autonomie, les militantes ont eu recours aux menaces, intimidations, mesures d’ostracisme, aux jets de pierres ou mises à sac de domiciles. En retour, elles ont essuyé de sévères confrontations avec les forces de l’ordre.
Le 13 octobre 1969, l'une des Chatouilleuses, Zakia Madi, est morte lors d'un affrontement entre partisans et adversaires de l'indépendance. Les principales autres figures du mouvement sont Boueni Mtiti, Mouchoula, et Coco Djoumoi. Zaïna Meresse a exercé un mandat de conseillère générale durant cinq ans.
Le rattachement de Mayotte à la France est resté un sujet d'interrogation. Consultés par référendum en 74 et 76, les Mahorais ont décidé de rester Français.
Le combat des Chatouilleuses a abouti en 2011 avec la départementalisation de Mayotte.
L'une des dernière Chatouilleuses encore en vie, Moyengué Echati Maoulida, est morte en septembre dernier. Après le mouvement des années 1960, elle a continué à militer notamment pour la scolarisation des enfants. Aujourd'hui, on lit sur le fil Twitter Chatouilleuses 2.0, qui indique "nous sommes toujours vigilants".
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.