Rassemblement à la Sorbonne : "Ça me crève le cœur, mais je vais aller voter Macron" souffle un étudiant
Par Victor VasseurPlusieurs centaines d'étudiants se sont rassemblés jeudi devant la Sorbonne à Paris, en partie occupée, pour faire entendre leur voix dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle. Des étudiants déboussolés à l’approche du second tour et qui hésitent sur leur vote.
Des chants antifascistes et révolutionnaires sont entonnés. Plusieurs banderoles sont pendues aux fenêtres. L’une d’elle donne le ton des revendications : "Sorbonne occupée contre Macron, Le Pen et leur monde." Une vidéo diffusée mercredi étaye leur propos : "Cette élection a volé les aspirations sociales, écologistes et progressistes de la jeunesse." Depuis mercredi, des dizaines d'étudiants occupent un amphithéâtre de l’université Parisienne, difficile de connaître le nombre exact. Ils viennent d’un peu partout, de la Sorbonne, de l’ENS Jourdan et de Nanterre. Impossible d’entrer dans l’établissement, il est encerclé par les forces de l’ordre. Certains en sortent, par une fenêtre qui donne sur la rue. Mercredi soir, après 30 heures d'occupation, les étudiants encore dans l'amphithéâtre ont décidé de quitter les lieux.
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Choisir entre ses convictions et le barrage à l’extrême-droite
Aux fenêtres et sur les toits de la Sorbonne, quelques étudiants entonnent des chants, vite repris par la foule, composée de plusieurs centaines de personnes. "Aucune hésitation, non non non à Le Pen et Macron !" Mais dans le rassemblement devant l'université, le "ni Macron ni Le Pen" est plus mesuré. La réflexion est loin d’être aboutie pour nombre d’étudiants que France Inter a rencontrés. Ça phosphore dur. Abstention ? Voter Macron, mais contre ses opinions ? Quand on pose la question, certains lèvent les yeux au ciel, eux-mêmes ne le savent pas.
"J'hésite beaucoup", reconnaît Anne, 18 ans, lycéenne en classe de terminale. "Même si je me permets de voter blanc, ce serait catastrophique de laisser un programme comme celui de Marine Le Pen pour de nombreuses personnes." Anna regrette que l'écologie passe au second plan, mais aussi l'égalité femmes-hommes et la précarité étudiante.
Mathieu continue de s’interroger. La déception du premier tour est passée, place à la réflexion. "Mon choix n’est pas encore fait", affirme l’étudiant en sciences politiques de 22 ans. "Plus ça avance, plus la question devient difficile à traiter avec soi-même, entre conviction et volonté d'empêcher la catastrophe", autrement dit, Marine Le Pen présidente. "C'est difficile de voter Macron aujourd'hui, ça ressemble à une situation de chantage", poursuit le jeune homme.
Un vote pour Macron à reculons
Plus qu'un slogan, le choix au second tour est un vrai sujet de conversation, qui divise entre les groupes d’amis. Après avoir voté pour l’écologiste Yannick Jadot au premier tour "par conviction", Valentine 20 ans, étudiante en maths et philosophie, va mettre un bulletin au nom d’Emmanuel Macron dans l’urne : "C'est mieux que Marine. Je n'ai pas ressenti de violence envers moi, mais je peux comprendre que des personnes se soient senties offensées par ses propos. Ma première crainte, c'est d'avoir une présidente qui est ouvertement anti-musulmans." À ses côtés, Anouk, résignée : "J'aime pas me dire que je vais voter Macron." "Je suis mitigée, j'aurais bien aimé ne pas voter", assure cette électrice de Jean-Luc Mélenchon au premier tour. "Mais ne pas voter Macron c'est voter pour Marine Le Pen." Et pourtant, ses opinions sont à mille lieux de la politique d'Emmanuel Macron.
Dans le même temps, la situation se tend. "Et la Sorbonne, elle est à qui, elle est à nous !" clame les manifestants. Les CRS demandent à la foule de reculer sur la place de la Sorbonne. Des jeunes sont visés par des gaz lacrymogènes en plein visage. Des feuilles, des poubelles, des extincteurs et même des chaises sont jetées sur les policiers depuis les fenêtres de l’amphithéâtre. La foule continue de chanter. Luc est au premier rang. Cet étudiant de gestion a voté insoumis au premier tour. Dans une semaine et demie, il votera pour le président-sortant : "Ça me crève le cœur mais je vais y aller tout de même. Ce n'est pas le second le tour que j'espérais mais ce ne sont pas des dangers comparables pour la France." Si l’abstention était "une possibilité le soir des résultats", cela ne l’est plus "depuis que j’ai regardé le programme de Le Pen, le danger est trop grand".
L'abstention pour se faire entendre
Le "ni le Pen, ni Macron" scandé plusieurs fois par la foule trouve quelques soutiens. Parmi eux, Raphael, 22 ans, est certain que la candidate d’extrême droite ne passera pas le 24 avril, il va s'abstenir : "Je n’ai pas envie de cautionner le quinquennat précèdent. Individuellement, je ne vais pas changer la face des choses et je ne pense pas que ce soit un acte antirépublicain." Rémy est sur la même longueur d’onde, il va s’abstenir : "J'estime que je n'ai pas à faire ce choix-là. Mélenchon ne me parlait pas particulièrement, mais il incarnait une forme de rupture. Aucun des deux candidats ne me parle." Car il n'est pas assez question d'écologie rétorquent plusieurs jeunes. Ils regrettent le manque de mesures concrètes pour la jeunesse. Pour l'instant, le mouvement ne fait pas encore tâche d'huile en France. Des mobilisations ont été recensés à Nancy et Reims.