Réchauffement climatique : "Il faudrait remettre du bon sens paysan dans le numérique"

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Réchauffement climatique : "Il faudrait remettre du bon sens paysan dans le numérique"

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Le numérique représente 4% de la production mondiale de gaz à effet de serre
Le numérique représente 4% de la production mondiale de gaz à effet de serre
© Getty - .

La planète est en surchauffe, nous vivons au dessus de nos moyens énergétiques, et le numérique représente une part de plus en plus importante de cette suractivité. Comment réduire l'impact environnemental du numérique ? Entretien avec Vincent Courboulay, cofondateur de l'Institut du Numérique responsable.

Le numérique est responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et la croissance des usages promet un doublement de cette empreinte carbone d'ici 2025. Or globalement, si l'on en croit le dernier rapport du GIEC, le capital carbone de l'humanité a déjà fondu. Selon Greenpeace, il ne nous reste plus que 440 Gt de CO2 à émettre depuis 2020, pour limiter la hausse des températures à 1,5°C. Au rythme actuel de 40 Gt de CO2 par an, ce capital sera épuisé dès le début des années 2030. Au-delà de cette dépense carbone, le réchauffement sera bien plus grave que prévu. Or plus de serveurs à l'avenir, plus de smartphones dans les foyers, cela veut dire un accroissement de l'effet de serre. 

La fabrication des équipements des particuliers est responsable pour moitié de la production de gaz à effet de serre du numérique, les datas center pour un quart. En France, 10 % de l’électricité produite est consommée par ces centres de stockage des données qui ont besoin d'être refroidis en permanence.

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Vincent Courboulay, co-fondateur de l'Institut du Numérique Responsable, est l'auteur de Vers un numérique responsable, Repensons notre dépendance aux technologies digitales chez Actes sud. Pour lui, le numérique est aujourd'hui autant un problème qu'une solution, et désormais c'est aux élus et aux responsables des organisations publiques au privées qu'il souhaite s'adresser. 

la chronique environnement
3 min

FRANCE INTER : Les bons gestes individuels ne suffisent-ils pas ? 

VINCENT COURBOULAY : "Le citoyen connait son rôle désormais, les fameuses consignes en R on commence à les connaitre. Réutiliser, réparer, recycler, les consommateurs les connaissent sans forcément les appliquer. Mais je ne les blâme pas car je trouve que c'est trop facile de laisser la responsabilité de l'avenir du monde sur leurs seules épaules. Les élus, les responsables d'organisations collectives, ont leur rôle à jouer, et les États bien sûr. C'est à eux de s'imposer des règles à eux-mêmes, à donner une ligne de conduite pour un numérique utile et résilient. Est-il judicieux d'offrir à tous les collégiens et lycéens, un équipement tout neuf, par principe d'égalité, alors que ce n'est pas responsable, en terme d'empreinte carbone ? Il appartient aux États également de sensibiliser les jeunes, dès l'école, aux effets nocifs du numérique, pas uniquement sur la diffusion des fake news ou de la haine sur les réseaux sociaux. Et encore plus, pour les futurs ingénieurs et développeurs. Il s'agirait de les former et de sanctionner leurs compétences en la matière dans leurs futurs diplômes."

Si on ne forme pas les acteurs du numérique de demain, on perd un temps phénoménal. Ils sont en attente de cela.

Les datas centers, plus les infrastructures représentent la moitié de la production de gaz à effet de serre. Si on utilise de plus en plus les outils numériques, si on fait circuler encore plus de contenus, comment contenir l'impact environnemental ? 

"Il va falloir se résoudre à être plus sobre. Peut-être qu'un politique tarifaire progressive sur nos consommations de données pourrait nous y aider. Pourquoi les fournisseurs d'accès ne pratiqueraient-ils pas des tarifs progressifs ? Payons donc un prix juste et socialement responsable. Je propose que les fournisseurs d’accès numérique permettent un accès gratuit pour un certain nombre de giga octets par  mois incluant les services publics, l’enseignement, l’information, puis de façon progressive qu’ils fassent payer l’utilisation de ces données à des tarifs plus importants afin de  différencier clairement les usages répondant à des besoins et  ceux qui satisfont des envies. Ce serait donc un tarif progressif, comme pour l'impôt, avec un minima, pour un pack de base, et des packs loisirs, et des packs luxe."

Les élus sont-ils prêts à imposer de telles mesures ?

"Ils le sont quand les électeurs sont prêts, et certains sont en avant-garde, et ils ont envie de défendre cela. "

Pourquoi préconisez-vous des états-généraux européens sur le numérique ? 

"N'ayons pas la mémoire courte, la télé, la voiture étaient supposées changer la société. On voit aujourd'hui que les territoires ont une dépendance forte à la voiture et il faut des milliards pour changer de paradigme, la voiture fait partie de la solution. Donc les décideurs doivent considérer le numérique comme un outil comme un autre, et pas LA solution. Il faut de l'humain partout, des low-tech parfois, de la high-tech quand c'est nécessaire et je dirais surtout de la wise tech, c'est à dire des choix de technologies raisonnables et adaptés à chaque situation. Des états-généraux du numérique, à l'usage des élus et des organisations en particulier, cela permet de mettre les problèmes sur la place publique, et il faut que ce soit à une échelle européenne, pour construire des solutions concrètes et acceptées par tous  un numérique qui fait sens pour les citoyens et les entrepreneurs. L'Europe a un rôle fondamental. On a déjà des taxes pour les GAFA, des lois sur les plateformes, donc c'est possible et efficace de travailler à cette échelle."

La wise tech, ce serait quoi par exemple ? 

"Prenons l'exemple de la 5G. Le débat autour de cette technologie est complètement manichéen. Il serait plus judicieux me semble-t-il de lister les cas où la 5G est vraiment indispensable et utile, dans le domaine de la santé par exemple, et voir que dans certains cas la 3 ou la 4G sont amplement suffisantes. Il faudrait remettre du bon sens paysan dans le numérique. Autre exemple, je suis pour le retour à la bonne vieille consigne des appareils numériques. On pourrait mettre en place au niveau national, obliger les gens à ramener leur matériel, les smartphones surtout."

Il faudrait remettre du son sens paysan dans le numérique