Réforme des retraites : entre motions et amendements, récit d'une première soirée houleuse à l'Assemblée
Par Anne Soetemondt
La bataille des retraites a débuté lundi à l'Assemblée nationale dans une ambiance houleuse, si bien que l'article premier de la réforme proposée par le gouvernement n'a toujours pas été examiné.
C’est dans un chaudron que les députés ont entamé lundi l’examen de la réforme des retraites. Invectives, rappels au règlement, défense systématique des amendements : la NUPES a joué la carte de l’obstruction parlementaire, stratégie revendiquée malgré deux défaites d’entrée pour les oppositions : l’échec des motions référendaire et de rejet. "Est-ce que vous croyez que nous allons passer quinze jours comme ça ?", a interrogé, dès les premières minutes de séance, la présidente de l’Assemblée nationale. Elle s’adressait aux députés de la Nupes qui lui ont répondu du tac au tac d'un grand "oui !". Le ton est donné et, pendant les sept heures qu’auront duré les débats ce lundi, les élus de gauche n’auront laissé aucun répit au gouvernement.
La réforme ou la faillite
Rappels au règlement et suspensions de séance ont rythmé l’après-midi. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt s’y est même repris à deux fois pour défendre le texte à la tribune. "Une réforme d'équité et de progrès", a plaidé l’ancien socialiste. À la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, le gouvernement a tenté de défendre la réforme des retraites. "La réforme ou la faillite", pour le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal. Fini, les déclarations mi-figue mi-raisin de certains, l’heure était hier soir à l’unité dans la majorité. Car en face, l’opposition a fait rage et la stratégie est revendiquée.
Première étape : le coup de pression d’un dépôt in extremis d’une troisième motion référendaire. Rendue publique quelques minutes avant le coup d’envoi des débats, cosignée par des élus LIOT, LR, LFI, PS, PC et écologistes, elle a menacé de rebattre les cartes et l'équilibre dans l'hémicycle. Mais Yaël Braun-Pivet a refusé de procéder à un nouveau tirage au sort, suscitant l’ire des co-signataires. Les rappels au règlement ont donc monopolisé la première heure de débat. Les oppositions de gauche criaient lundi soir au déni de démocratie. Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), lui, doit saisir le Conseil constitutionnel.
"Vous devrez rendre des comptes"
Deuxième étape : la discussion des motions. Première à être débattue, la motion de rejet déposée par la France Insoumise ne fait pas le plein. 243 voix contre 292. Le texte sera donc bien discuté. Seconde motion soumise au vote : la référendaire, défendue par le RN. Elle est boycottée par les députés de la NUPES qui désertent l’hémicycle. Bilan : 101 voix pour, 272 contre. Échec pour les oppositions. L’examen du texte à proprement parler peut commencer.
Les députés de la NUPES déroulent alors leur stratégie. Limpide. Défendre chaque amendement coûte que coûte. Même lorsqu’ils sont identiques. "Vous voulez en cinquante jours voler ces deux ans de vie à tous ces gens qui font tourner le pays, et bien pendant cinquante jours, vous allez devoir endurer les arguments de celles et ceux qui vous disent qu’il n’y a pas besoin de voler ces deux ans de vie", lance l’Insoumis Antoine Léaument.
La stratégie d’obstruction est assumée. Mais dénoncée par les députés de la majorité : "Vous prenez en otage l’ensemble de l’Assemblée, vous devrez rendre des comptes devant les Français." Les débats sont ralentis, empêchant de commencer à examiner l’article 1.
"Opposition de carton !"
De quoi agacer de l’autre côté de l’hémicycle. Député RN pourtant opposé au texte, Émeric Salmont s’agace en brandissant le règlement de l’Assemblée nationale : "Nous allons voter cet amendement (..) mais nous voulons gagner du temps (..) pour les Français qui trouvent ridicule de présenter trente amendements identiques et tous défendus." Une aubaine pour la NUPES. Députée insoumise, Danièle Simonnet saute sur l’occasion : "On le voit bien à quel point vous ne voulez pas vous opposer à cette réforme des retraites, ah l’opposition de carton !"
À la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, la NUPES a donc tenté de mettre en scène un bras de fer parlementaire, comme un miroir du bras de fer annoncé dans la rue.