
Le Première ministre Elisabeth Borne a engagé jeudi à l'Assemblée nationale la responsabilité de son gouvernement sur la réforme des retraites via l'article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption du texte sans vote. Plusieurs motions de censures vont être déposées.
Dans un chaos dans l'Hémicycle et sous les cris et les Marseillaises des députés de l'opposition, Elisabeth Borne a annoncé jeudi devant l'Assemblée Nationale qu'elle engageait la responsabilité de son gouvernement, par le biais de l'article 49.3 de la Constitution, pour faire adopter sans vote le texte de réforme des retraites issu de la commission mixte paritaire. Une procédure vivement contestée de part et d'autre de l'Hémicycle. Plusieurs motions de censure ont déjà été annoncées. "Un vote aura donc bien lieu", a ajouté la cheffe du gouvernement. "Ce vote sera finalement ceux qui sont pour ou ceux qui sont contre la réforme", a assuré sur TF1 Elisabeth Borne ce jeudi soir. "Jusqu'à la dernière minute, nous avons tout mis en œuvre pour réunir une majorité sur ce texte", a insisté à la télévision la Première ministre.
Dans les prochaines heures, des motions de censure déposées
Les députés ont 24 heures pour déposer une motion de censure. La cheffe de file du Rassemblement National Marine Le Pen a d'ores et déjà annoncé le dépôt d'une motion de censure RN vendredi. Elle affirme également que son groupe votera "l'intégralité des motions de censure qui seront déposées". En sortant de l'Hémicycle, elle a jugé que la Première ministre "ne peut pas rester" à Matignon. Le RN compte 88 députés à l'Assemblée Nationale.
Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), députés indépendants, à l'Assemblée nationale demande le "retrait immédiat de la réforme des retraites" et la "démission du gouvernement". Sans réponse, il déposera une motion de censure "transpartisane", "dans les prochaines heures", a indiqué son président Bertrand Pancher. LIOT tente de recueillir des signatures de tous les bords politiques. Une motion de censure à laquelle pourrait s'associer La France Insoumise. La cheffe de file des députés Insoumis Mathilde Panot a assuré que son groupe déposera aussi une motion de censure "avec d'autres groupes". Manuel Bompard, patron de LFI, a confirmé que son parti compte co-signer la motion de censure de Liot, plutôt que de déposer son propre texte. "Que le groupe LIOT porte la motion de censure et rassemble le plus largement possible, c'est ce qui permet que cette motion de censure ait le plus de chances de gagner", a-t-il dit. "Nous nous engageons à poursuivre le combat dans l'hémicycle et en dehors", ont écrit ce jeudi soir, dans un communiqué, les parlementaires de la Nouvelle union populaire et écologiques.
Lundi, le vote des motions
Ces motions devraient être examinées lundi. En cas de rejet de la motion, le projet de réforme des retraites est considéré comme adopté. Dans l’hypothèse inverse, si une motion obtient la majorité absolue, 287 voix, le texte est rejeté et le gouvernement est renversé. Il faudrait pour cela qu'une moitié du groupe LR vote pour : plus de 25 élus.
Le groupe LR a annoncé qu'il ne s'associera à aucune motion de censure. "Nous ne voterons aucune motion de censure", a assuré le président des Républicains Eric Ciotti. Néanmoins, le député Aurélien Pradié, ouvertement opposé à la réforme des retraites, a estimé que "chaque député reste totalement libre d'aller participer à une autre motion de censure". "Je n'écarte aucune hypothèse par définition", a ajouté le député du Lot. Ses collègues, Maxime Minot, Ian Boucard, Pierre Cordier, Pierre-Henri Dumont notamment envisagent un vote "pour".
Jeudi : nouvelle journée de mobilisation de l'intersyndicale
L'intersyndicale appelle à "une nouvelle journée de mobilisation" le jeudi 23 mars mais aussi "à des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end". Pour les syndicats, "c'est pour l'exécutif une triple défaite : populaire, morale et politique", a jugé le dirigeant de l'Unsa, Laurent Escure. L'intersyndicale s'est réunie ce jeudi soir.
Des manifestations ont démarré après l'annonce du 49.3 par la Première ministre. Plusieurs milliers de personnes se sont retrouvées à Paris place de la Concorde. Des rassemblements ont également eu lieu à Lyon, Bordeaux, Nice, Nantes, Saint-Nazaire, Saint-Etienne ou Bourges.
A plus long terme, l'option du RIP
Les socialistes, ainsi que de nombreuses voix à gauche, poussent également pour un référendum d'initiative partagée (RIP) sur les retraites. Cette procédure permettrait de "bloquer la réforme pendant neuf mois". Pour organiser ce RIP, la proposition de loi référendaire doit être déposée par au moins un cinquième des membres du Parlement : au moins 185 parlementaires. Le Conseil constitutionnel a ensuite un mois pour vérifier la proposition. Si toutes les conditions sont remplies, il valide la procédure.
Pour être adopté, le RIP doit être soutenu par un dixième des électeurs inscrits : cela correspond à 4,7 millions de personnes. Elles ont neuf mois pour se prononcer sur un site internet mis en place pour l'occasion. "Pour obtenir ces quatre millions de signatures, cette réforme devra être suspendue et donc nous avons encore l'espoir de l'emporter, de faire respecter le monde du travail et de faire en sorte que cette réforme ne soit jamais mise en application en rendant le pouvoir au peuple ", a assuré ce jeudi le secrétaire national du PCF Fabien Roussel. Si le RIP est approuvé, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'alors dans l'histoire du pays, le Président de la République serait alors obligé de déclencher un référendum, sauf si la proposition est examinée par l'Assemblée nationale ou le Sénat dans les six mois qui suivent.