Par Antoine Bonvoisin, pour La tête au carrré.
Le Muséum national d’histoire naturelle et le comité français de l’UICN faisaient l’annonce, le 17 décembre, des derniers résultats de la Liste rouge des espèces menacées en France. Selon ces données, au moins 11 espèces de requins et de raies sont en danger ou vulnérables dans les eaux de France métropolitaine. En réalité, plus d’espèces pourraient être concernées, car les informations disponibles sont insuffisantes pour trois quarts d’entre-elles.

Les requins, raies et chimères regroupent les poissons appelés « cartilagineux ». Un groupe d’environ 1000 espèces qui ont évolué au moins pendant 400 millions d’années, et qui représente l’un des plus anciens ensembles de vertébrés existant sur la planète. L’intensification récente de la pêche a entrainé une baisse importante de ces populations dans le monde. Particulièrement pour les requins, pour lesquels la consommation augmente, et qui sont recherchés pour leurs ailerons, voués à être vendus sur le marché asiatique.
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Dans un article publié en juillet 2013 , des scientifiques estiment la pêche mondiale des requins à 100 millions d’individus par an, le chiffre pouvant être compris dans une fourchette allant de 63 à 273 millions. Ils tirent de leur étude une estimation des taux moyens d’exploitations allant de 6,4 à 7,9 %, soulignant que le taux maximum pour que les populations se maintiennent est évalué à 4,9 %. Les chercheurs invoquent l’importance de réduire drastiquement la pêche pour laisser les populations se reconstituer et pour restaurer les écosystèmes.
Dans les eaux de France métropolitaine, 98 espèces de requins, raies et chimères sont présentes. Pour Bernard Séret, spécialiste des requins à l’IRD, et qui a participé à la compilation des données de l’étude, on se doute rarement de la présence d’autant de requins. Pour lui, « en général, les gens ne savent même pas qu’ils en mangent ». En Atlantique Nord, la pêche est historique, les requins ont été longtemps négligés. « Cela fait 30 ans que je me bats pour l’étude des requins » témoigne le chercheur. La prise en compte de ces espèces se fait progressivement, leur étude s’affine au court du temps.
Avant nous n’avions pas de chiffres pour prouver leur déclin, même si leur exploitation date de longtemps
Bernard Séret a perçu depuis longtemps les signes avant-coureurs de leur surexploitation et de l’affaiblissement des populations. « J’étais affecté en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, dans les années 80. Des tonnes et des tonnes de raies, de requins, étaient pêchés, et j’ai bien vu que les stocks diminuaient de jours en jours. Avant nous n’avions pas de chiffres pour prouver leur déclin, même si leur exploitation date de longtemps. On commence maintenant à faire attention pour trois raisons : le rôle écologique des requins et des raies a été montré, on comprend mieux leurs relations avec les autres espèces, et on a des chiffres pour prouver la diminution des populations ».
La pêche est le principal facteur du déclin des espèces. « La viviparité rend les requins fragiles face à l’exploitation : ils ont de longues périodes de gestation, des croissances de population lentes, et une maturité sexuelle tardive. Les requins sont susceptibles d’être pêchés bien avant d’être reproducteurs », explique Bernard Séret.
Une exploitation bien plus importante que celle estimée par la FAO
Au niveau mondial, selon la FAO, 800 000 tonnes de requins sont pêchées par an, mais cela ne représente que les données officielles. Il y aurait en réalité une exploitation bien plus grande, et selon les estimations il faut doubler ce chiffre. La Chine ne déclare pas l’ensemble de ses exploitations. Certains pays n’ont pas les moyens scientifiques de le faire. Avec la pratique du finning (pêche aux ailerons), les requins capturés sont rejetés à l’eau et ne sont pas déclarés.
Il faut noter que seules soixante espèces sont considérées dans les données de la FAO, celles qui sont commercialement exploitées. Pour les autres, on n’observerait pas de baisse des populations.
Le CAC 40 de la biodiversité
Pour Bernard Séret, la liste rouge de l’UICN, « c’est le CAC 40 de la biodiversité. C’est un indicateur, une évaluation de l’état d’une ressource à un moment donné, qui n’implique pas de mesures de protection ». Le scientifique se montre toutefois optimiste pour l’avenir, car la liste rouge devrait permettre d’avancer sur la voie de la protection des requins. Sur ce dossier, il estime que le soutient du grand public est capital. Les pétitions organisées par les ONG, et les messages individuels de citoyens envoyés aux responsables politiques, peuvent peser dans la balance.