
"T'en prendre aux assurances, c'est comme attaquer le porte-avions Charles de Gaulle avec ton maillot et des claquettes de piscine" ironise Stéphane Jégo. Le restaurateur s’est lancé dans une bataille contre les assurances car ces dernières refusent d’indemniser les restaurants, touchés de plein fouet par la crise.
Chaque jour, Dorothée Barba donne dans son émission, " L'été comme jamais", un coup de fil à la presse. Aujourd'hui, c'était Constance Dauvergne, de Vanity Fair, qui a raconté à l'antenne l'histoire d'un cuisinier qui mène une bataille contre les assurances.
Tout commence par un menu : "Vinaigrette d’asperges vertes et maquereau flambé, joue de veau confite, grillée, thym et jus court, véritable gâteau basque à la crème"... C'était le menu du 14 mars chez "L'ami Jean". On est samedi soir, c'est le coup de feu et Stéphane Jégo s'active en cuisine, son restaurant affiche complet… et il apprend, comme tous les restaurateurs, qu'il doit fermer à minuit pour une durée indéterminée.
Les victimes immédiates de cette affaire ont été les restaurants les plus responsables : ceux qui ne surgèlent rien et qui travaillent avec des produits frais. Tous ceux que j'ai appelés déplorent à peu près une dizaine de milliers d'euros de pertes immédiates en produits frais. Et derrière, des producteurs qui se retrouvent aussi sur la paille.
Une pétition pour se faire entendre
Le lendemain du 14 mars, Stéphane Jego appelle son assureur pour savoir comment seront indemnisés ces 9 000 euros de pertes par jour. On lui répond une fin de non-recevoir : "On ne couvre rien". 98% des restaurateurs en France essuient exactement le même refus.
Alors, Stéphane Jégo décide de publier une pétition qui alerte sur l'inaction de ces assureurs aux 220 milliards d'euros de chiffre d'affaires et qui demande de déclarer l'état de catastrophe naturelle - qui permettrait d'être indemnisé. Cette pétition reçoit en moins de 48 heures 20 000 signatures - et il y a absolument tout le monde de la restauration française, des grands chefs étoilés comme Pierre Gagnaire et Alain Ducasse, à des célèbres chefs comme Hélène Darroze, Jean-François Piège et Philippe Etchebest, jusqu'au chef personnel d'Emmanuel Macron à l'Elysée, Guillaume Gomez.
Qui est Stéphane Jégo ?
Stéphane Jego est un chef réputé, artisan d'une révolution culinaire française que le monde nous envie, qui est la bistronomie. Il est très respecté parce que c'est un grand défenseur du terroir, de l'agriculture vertueuse. C'est le parrain d'associations d'aide aux migrants. Il a vécu une carrière de combats pour agir. Il est également très redouté parce qu'il a une personnalité ombrageuse. Pour citer plusieurs chefs et restaurateurs qui m'ont parlé de lui, c'est "un mec entier", voire "un ours".
Le combat continue
Dans la pétition, Stéphane Jego demande ce que soit déclaré l'état de catastrophe naturelle sanitaire afin que les pertes soient couvertes par les assureurs. Sauf que les catastrophes naturelles sanitaires doivent être limitées dans le temps et dans l'espace - ce qui n'est pas le cas d'une pandémie.
Sa croisade contre les assurances n'est pas terminée. Il a fait un vrai travail d'enquête pour essayer d'alerter et de mettre les assureurs face à leur contradiction. On en est arrivés à un point où l'Etat s'est fendu d'un communiqué. Bruno Le Maire a expliqué que les assureurs ne faisaient pas assez. Et un restaurateur a attaqué AXA et a gagné (ce qui crée un précédent).
Aujourd'hui, le front traditionnellement uni des assureurs s'est un peu fissuré pour la première fois. Les assureurs sont en train de négocier individuellement avec tous les restaurateurs. L'urgence, pour eux, c'est de rompre des contrats qui ne sont pas très bien ficelés et qui, du coup, leur imposeraient d'indemniser leurs clients restaurateurs en cas, par exemple, de seconde vague, de nouveau confinement et de nouvelles fermetures de restaurants.
Pour les restaurateurs, le combat est loin d'être terminé car, malgré le déconfinement, la clientèle étrangère n'est plus là et le télétravail fait que les déjeuners d'affaires n'ont plus lieu… La plupart d'entre eux sont toujours aujourd'hui dans l'incapacité totale de rouvrir leur restaurant.
Aller plus loin
Retrouvez l'article complet de Constance Dovergne sur Vanity Fair
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