"Retour d’abattoir", la carte blanche en poésie du traducteur Claro

Le traducteur d'entre autres de "Jerusalem" d'Alan Moore, publie "Les Lionnes" de Lucy Ellmann (seuil), "La femme intérieure" d'Hellen Phillips (Le Cherche-midi) ... Il était l'invité d'Angustin Trapenard. Après avoir expliqué son rôle et celui de la traduction en général, il a lu ce texte écrit par ses soins.
Claro :
1
"lettre à lettre en sourd macaque arracher
au palais du clavier ses crocs de fer
démanteler le crâne au capot clair
rachis électrique émettant mystère
gorge nouée au clair fracas des tiges
– claque le chariot crisse la manette –
la langue étroit ruban qui gémit sous
la frappe en 2 temps 2 couleurs le soir
tous les soirs Que jamais plus ne s’arrête
le rouleau de tourner dedans la tête
le moi rompu cédant à proportion
des confessions scandés dans l’entonnoir
en ces années fermées à double tour
– celui de la peur celui de la honte –
l’enfant dactylographe chimpanzait
de gras sonnets & branlait d’inutiles
rêveries sur l’étendard de ses draps
tentant de saboter le cirque d’ombres
qu’un père hébété haranguait et la
titu la lente têtue titubation
de la mère au sortir du goulot du
couloir dans le placard des vieux dimanches
faut-il que l’enfance soit cela seul
qui se creuse une grotte à l’ombre du
désastre et qu’au langage on soit contraint
jusqu’à la lie où s’enlise le sens
2
la table tremble encore sur les genoux
de la vaine mémoire et le métal
cabossé de la machine à écrire
pue comme la peau rouée d’une bête
mille coups mille fois donnés reçus
il suffit de deux doigts pour enfoncer
en soi le pli marbré de la défaite
assis on saigne immobile on pétrit
heures perdues en suée somnambule
corps fractal noyé dans son littoral
le ventre des livres tu t’en doutes bien
est rempli de fou d’âmes ridicules
3
ça cette chose une chose un garrot
au cou qui empêche d’être tout à
fait debout dans ce corps incomplet
voué à quoi dis-moi quelle gangrène
faut-il racler la craie des os s’ouvrir
des plaies pour que d’autres langues les lèchent
face au corps nu distiller un je t’aime
qui soit la voix d’une voix inconnue
— la fenêtre est ouverte et donne sur le
vide un instant un seul et puis plus rien"
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