Retour du punk des Stranglers : "J'ai voulu aborder tous les territoires du groupe en 45 ans de carrière"
Par Matthieu Culleron
Le groupe de punk anglais revient avec un nouvel album. L’un des membres originels, Jean-Jacques Burnel, raconte ce disque et se remémore l’épopée des Stranglers.
Groupe emblématique de la scène punk en Angleterre au milieu des années 70, le groupe The Stranglers est de retour avec un nouvel album Dark Matters qui parle comme souvent de politique, mais aussi de la perte d’un membre du groupe et le temps qui passe. Jean-Jacques Burnel, bassiste franco-anglais, a écrit plusieurs titres sur le disque. Il est l’un des grands témoins de la période punk anglais. Ce polytechnicien, fan de karaté, de musique et de castagne en tout genre va rejoindre l’un des groupes punk qui aura le plus de succès dans les années 80, notamment grâce au tube "Always the sun".
FRANCE INTER : Ce dernier disque finalisé pendant le confinement est un projet assez ancien pour le groupe ?
JEAN-JACQUES BURNEL : "On a pensé à ce disque il y a dix ans pendant le printemps arabe et donc le premier morceau sur l'album, s'appelle "Water" et c'est sur ça. On constatait que les populations partout se révoltaient, se rebellaient. Donc on s'est dit : 'Ça c'est une bonne chose.' Mais malheureusement, c'est devenu autre chose. On a fait la même erreur qu'on fait depuis des siècles, on impose nos sentiments et nos valeurs sur les autres. Et quand on pense à l’Afghanistan, à l'Irak, même à la Libye, on a essayé d'imposer nos valeurs aussi. Imposer la démocratie à des cultures et des pays qui ont des théories complètement différentes des nôtres. Si les Américains n'avaient pas voulu détruire l'Irak, peut-être nous n'aurions pas eu tous les autres problèmes. On impose nos valeurs sur d'autres cultures et on ne devrait pas."
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Ce disque dense contient beaucoup de références politiques et puis arrive cette pandémie. Vous avez dû vous sentir bloqués ?
"Oui totalement bloqués. En plus, on a perdu notre ami complice depuis 45 ans. Je me suis dit : "C'est foutu". Mais bon, on avait déjà fait la plupart de ce disque. Mais on n'avait pas encore terminé et peaufiné et mixé l’album. Notre clavier Dave Greenfield est donc décédé et il était sur la plupart des morceaux. La décision a été de continuer. On ne pensait pas beaucoup au futur à ce moment-là. Juste à terminer ce disque. Mais du coup, j'ai écrit trois morceaux à son sujet.
J'ai voulu aborder un peu tous les territoires des Stranglers en 45 ans de carrière. Donc, des choses un peu punk, des morceaux plus politiques, des morceaux qui parlent de notre déchéance, de la vieillesse… Tout ça. Il y a un morceau qui parle des lignes du visage, de ce que tu vois dans le miroir."
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Les Stranglers ont toujours emprunté beaucoup de chemins différents, vous avez beaucoup expérimenté au cours de ces années...
"Oui. Parfois ça n’a rien donné, quelque fois, ça a marché. Le problème, c'est que quand tu as un succès, la maison de disques veut que tu fasses la même chose tout le temps. Pour répéter ce succès. Donc nous, on faisait l’inverse. Il ne faut pas que la queue du chien secoue le chien, comme on dit en anglais. Si tu cherches le succès commercial, souvent tu te trahis."
Vous avez toujours eu ce sens de la contradiction?
"Oui souvent, car j'étais un Français né en Angleterre et on m'a toujours rappelé ce fait. Une fois que je leur cassais la gueule, ça allait. Devant toute l'école, au gymnase à 14 heures, avec des gants de boxe, on réglait nos comptes. J’ai réalisé que c'était mon atout."
Ça vous a poursuivi après sur scène, en concert par la suite !
"Oui. Et puis, on préférait faire notre propre sécurité en tournée. On était plus crédibles, je crois."
Donc, vous faisiez votre propre sécurité. Cela pouvait vous coûter cher ?
"Il y a eu des petits moments derrière les barreaux… (rires) Deux fois mais bon, ça s'est calmé, heureusement. J’étais jeune."
Vous n’avez jamais respecté les cases, les genres. C'est un peu votre spécificité. Quand vous débarquez en pleine période punk, au milieu des années 70, vous êtes différents.
"Oui on était tous différents. Je ne comprends pas cette mentalité où tout le monde veut faire comme les autres. Nous sommes tous individuellement uniques donc ce qui ressort de nous ne peut qu’être unique. J'entends beaucoup de musiques de nos jours qui pourraient venir de la même personne malheureusement."
Moi à 20 ans après avoir fait Polytechnique, j'avais fait des entretiens d’embauches pour des boîtes mais rien ne m'a plu. Moi je voulais juste gagner une ceinture noire au Japon et être professeur de karaté. C'était mon rêve de jeunesse."
Lorsqu’on fait Polytechnique, le chemin tout tracé ce n'est pas forcément monter un groupe de punk et jouer tout nu sur scène en jouant de la basse ?
"Oui mais c’est ce que j'ai choisi !"
Comment le mouvement punk, les autres groupes vous ont accueilli à l'époque?
"Au début, on était tous copains parce qu’il n’y avait pas d’enjeu. On s’entendait tous bien. Les Sex Pistols et Chrissie Hynde des Pretenders sont venus nous voir dans un pub à Londres ainsi que Joe Strummer des Clash. Il jouait dans un groupe de blues, les 101’ers. On fréquentait tous les mêmes pubs et les mêmes petites boîtes parce qu’avec nos cheveux courts et nos blousons de cuir on n’était pas accepté partout. C'était mal vu. Les autres avaient tous les cheveux longs avec des pattes d'éléphant. D'ailleurs, une fois, j'ai été pris pour un policier ou un soldat parce que j'avais les cheveux courts et je portais des Doc Martins.
Petit à petit, avec notre succès qui grandissait en Angleterre, les autres groupes qui avaient été auparavant nos copains ont changé et nous ont ostracisés. Surtout lorsqu’on a été choisi pour accompagner Patti Smith et les Ramones. Il y avait une jalousie. Et en plus, en 77, bien que les Pistol et les Clash avaient toute la publicité, c'est nous qui avons vendu le plus de disques. Ça a été une bonne chose en fait. On n’a pas été obligé de suivre qui que ce soit. On a fait ça de façon autonome et indépendante."
Comment vous l'avez géré, ce succès entre vous dans le groupe?
"Au début, comme tout le monde. Mal. On se croyait très important et que le soleil sortait de notre trou de balle. Mais ensuite avec les échecs tu deviens plus humble. Ça remet les pieds sur terre."
Est-ce qu'on voyait ton côté français au début en Angleterre ou pas du tout?
"Au début, oui jusqu'à la fin de mes années teenager. J'étais embarrassé par mon nom, Jean-Jacques. Et puis les filles anglaises ont trouvé ça assez exotique. Le côté "french lover" tout ça !"
Vous croisiez des groupes français à l’époque ?
"Oui, Stincky Toys, Charles de Gaulle et Taxi Girl dont j’ai produit le disque. J'ai essayé, quand j'avais un peu de pouvoir, de tous les rassembler pour faire une compilation. Tout le monde était ok sauf un groupe car ils voulaient de l'argent. J'avais un budget par United Artists qui allait sortir le disque et j'avais même la pochette. C'était super! Imagine une Compilation de French new wave !"
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Cet album, est ce qu'il a vocation à tourner? Est-ce que vous allez vous produire sur scène?
"J'espère. Oui, c'est prévu, mais je ne veux pas tourner autant que ce que j'ai fait ces dernières années. Ça me fatigue un peu. Ce n'est pas le côté plus créatif de ce que je fais."
Pourquoi, selon vous, on parle toujours des Stranglers ? Pourquoi c'est toujours une référence? Est-ce que vous avez une idée?
"J'espère que c'est parce que les morceaux sont bons. On a une crédibilité, je crois."
C'est quoi cette crédibilité? C'est l'intransigeance ?
"Intransigeance, peut-être. Ça peut plaire à certains, mais ce n'était pas fait exprès. C'est juste se battre pour rester nous-mêmes et être honnêtes autant que possible."
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