Un peu plus d’un an après sa publication, l’étude controversée de Gilles-Eric Séralini sur la toxicité d’un maïs transgénique et du Round-Up a été retirée. Cette nouvelle a déclenché de nombreuses réactions et met en doute le fonctionnement même de la revue qui avait approuvé la recherche.

En septembre 2012 le Nouvel Observateur titre son dossier « Oui, les OGM sont des poisons ! », qui provoque un tollé dans la presse et le milieu scientifique. Rapidement, l’étude scientifique concernée est critiquée pour la non-fiabilité de l’expérimentation. Celle-ci prétend avoir mis en évidence les effets cancérigènes du maïs transgénique NK603 de Monsanto et de l’herbicide Round-Up sur les rats. Pourtant, le faible nombre d’individus considérés et la lignée des rongeurs employés (sensibles à l’apparition de tumeurs en fin de vie) ne permet pas, pour bon nombre de scientifiques, de conclure que le maïs et l’herbicide produisent de tels résultats. En outre, l’équipe scientifique exigeait de la part du journaliste du Nouvel Observateur, qu’il ne consulte pas des chercheurs extérieurs à l’étude pour la préparation de l’article. Une méthode contraire à l’exercice de la profession.
La revue Food and Chemical Toxicology qui avait publié cette recherche a finalement décidé de retirer l’article fin novembre. Ce qui revient à effacer officiellement l’étude la littérature scientifique. Une décision relativement inattendue, car bien que l’étude du professeur Séralini soit controversée, elle ne présente aucun des critères considérés pour la rétractation d’un article scientifique. A savoir la fabrication de données, le plagia, ou le caractère non éthique de la recherche. La seule raison invoquée est son caractère «inconclusif ».
La décision a été contestée par le chercheur, qui la relie à l’arrivée dans le comité éditorial de la revue de Richard Goodman, un biologiste qui a travaillé plusieurs années pour Monsanto, et aurait ainsi cherché à servir les intérêts de l’industrie agroalimentaire.
Dans un article paru le 30 novembre, l’organisation GMWatch dénonce les nombreux conflits d’intérêts qui semblent concerner la revue Food and Chemical Toxicology . Neuf personnes sont ainsi suspectées d’être reliées directement ou indirectement au milieu de l’industrie. L’éditeur en chef, Wallace Hayes, travaille depuis les années 1980 en lien avec l’industrie de la chimie, du tabac, ou de la toxicologie. Il est actuellement consultant scientifique pour Spherix Consulting, entreprise de conseil pour les entreprises alimentaires, biotechnologiques et pharmaceutiques. GMWatch souligne aussi la publication par le passé de pseudo-revues scientifiques par Elsevier, maison d’édition de Food and Chemical Toxicology . L’éditeur a publié six fausses revues entre 2000 et 2005, financées en réalité par des compagnies pharmaceutiques.
Dans son communiqué du 28 novembre, la députée européenne Corine Lepage dénonce la mainmise de l’industrie sur les productions scientifiques en matière d’OGM : "Les pressions pour la dépublication de l'étude du Pr Séralini montrent à quel point l'industrie biotech est en mesure de contrôler la production scientifique elle-même. On assiste à une véritable prise de pouvoir des lobbies et c'est extrêmement préoccupant pour nos sociétés."
L’étude du professeur Séralini, si controversée scientifiquement soit-elle, permet de mettre en lumière de nouveaux doutes sur le fonctionnement des revues scientifiques, et leur indépendance. Depuis l’étude, en France, l’agence nationale responsable de la sécurité alimentaire (Anses) et le comité du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) recommandent de nouvelles études sur les effets à long terme des OGM. Au niveau européen, un appel d’offre a été lancé pour mener une étude de deux ans, avec un budget de 3 millions d’euros.
En savoir +
Un dossier de Sciences & Avenir : La fraude scientifique, fléau de la littérature biomédicale
L’article du Monde par Stéphane Foucart
L’article de Libération par Sylvestre Huet