Riad Sattouf : Comment dessiner L'Arabe du futur ?

Capture écran de la vidéo Comment dessiner l'Arabe du futur par Riad Sattouf
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Riad Sattouf : comment dessiner L'Arabe du futur ?

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Riad Sattouf : Comment dessiner L'Arabe du futur ?

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Le dessinateur publie le cinquième tome de sa série autobiographique. Essentiellement basé en France, il revient sur l'enlèvement de son petit frère par son père et décrit ses années au collège, son adolescence. Il explique comment il s'y est pris à Anne Douhaire.

Riad Sattouf : "Voilà exactement comment je n'ai pas dessiné « L'Arabe du futur », comment je le dessine maintenant. C'est vrai qu'au début de L'Arabe du futur, le personnage était une sorte de petite Brigitte Bardot, somptueuse comme ça, donc je faisais des cheveux blonds et magnifiques. Cette coiffure qui était la mienne quand j'étais enfant, je l'ai donnée à Vincent Lacoste dans mon premier film, « Les beaux gosses », et il a les cheveux comme ça sur le côté, et aussi à son personnage dans « Jacky au royaume des filles », une fois qu'il a la plus voilerie, il a aussi cette coiffure-là. Je trouve que c'est une coiffure très douce, c’est la coiffure de l'enfance. Mon beau grand-père avait des photos de lui où on le voyait aussi avec la même coiffure. Voilà la coiffure. Ensuite, au fur et à mesure des tomes, le personnage grandit. Je vais faire artificiellement un personnage plus grand, mais il a grandi seul. C'est souvent avec la coiffure que le personnage change vraiment de tête. L'Arabe du futur, au début d'un des premiers tomes, était comme ça. Ensuite, il devient un peu comme ça. Je me fais une tête un peu trop sympa, donc il est un petit peu plus grand comme ça. Et il y a ce moment qui dans le tome 4, où le personnage change de coiffure pour avoir la coiffure de Tom Cruise, enfin ce qu’il pense être à la coiffure de Tom Cruise, et donc là, forcément, le personnage évolue un petit peu. 

Il fait déjà un peu plus un petit peu plus vieux, alors qu'en fait, c'est juste une question de coiffure. Alors je joue aussi sur la maigreur des personnages, c'est quelque chose de intéressant que ça fait grandir forcément dans le dernier tome il est peut-être un peu plus comme ça. Et peu à peu, en fait, ce personnage qui est censé me représenter dans son apparence, se rapproche dans les signes des dessins qui caractérisaient le père au début de la série. Ce qui fait que son personnage remplace peu à peu le personnage du père. On va le voir tout de suite. Par exemple, tête du père, si je vous la fais elle est comme ça. C’est un petit peu pas si éloignée. 

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Comme il y a tous ces thèmes sur la transformation, sur la transmission, il y a aussi une transmission entre les personnages dans la série. Comme le père à un moment devient donc un fantôme, le fils doit prendre la relève et se retrouve lui-même hanté. C'est des choses qui sont très inconscientes, quand personnellement, j'écris l'histoire. Je sais que dès qu'un auteur est trop conscient de ce qu'il est en train de faire, ça se voit. Je trouve les récits, ça les rend moins moins vivants et moins organiques. 

Je me suis imposé des contraintes colorées pour l'histoire. Déjà, chaque pays a une couleur dominante. Donc la Libye c'est le jaune, parce que dans mon souvenir, le milieu était extrêmement ensoleillé et extrêmement chaude. La France est le bleu-gris parce que la Bretagne, c'était l'ambiance générale que je ressentais là-bas. La Syrie, c'est rose comme parce que la terre était très, très ferreuse, donc je me suis dit je vais mettre tout dans une dominante rose. Et comme c'est une histoire qui parle de nationalisme, d'identité nationale, etc. Je m'autorise aussi dans chaque pays à utiliser les couleurs du drapeau de chaque pays, comme un mot supplémentaire ou une grammaire supplémentaire que je peux utiliser. C'est vrai que, par exemple, quand on passe tout une partie du récit avec une ambiance bleue, par exemple, et que soudain, paf, d'une page à l'autre, on se retrouve dans le rose en Syrie. L'œil qui s'était habitué au bleu se retrouve un petit peu déphasé par la présence du rose. Et on ressent, je crois, une forme de dépaysement, une forme de déracinement par la couleur. 

Mon système de couleurs, il est assez simple, avec une lumière qui vient de derrière. Quand on fait une lumière qui vient de derrière, je vais faire comme ça. Je commence par faire une petite lumière rasante comme ça, avec des feutres, ce n'est pas si facile, parce que j'utilise plutôt l'ordinateur, mais je vais essayer de montrer comment ça fait. 

Quand j'étais petit et que je faisais mes premiers dessins, j'étais fasciné par les ombres et j'essaye toujours de dessiner les ombres les plus réalistes possible. J'avais l'impression que si je n'arrivais pas à faire une ombre convenable dans un dessin, mon dessin était raté, parce que tout le monde allait se rendre compte que l'ombre n'était pas conforme à la forme, une petite ombre au sol. Maintenant, je suis beaucoup plus détendu avec les ombres au sol, elles ne sont pas vraiment réalistes. 

Les dessinateurs des années 1970, Bilal, Moebius, Druillet, qui utilisaient des systèmes avec des petits traits que j'ai beaucoup copiés, et aussi utilisés. Si L'Arabe du futur avait été dessiné plus ou moins dans les années 1970, quand j'étais plus jeune, j'étais obsédé par Moebius, j'aurais pu le faire comme ça. C'est un style de lumière, de mise en lumière que j'adore. 

J'ai complètement raté les jambes de mon petit personnage moebusien. Alors ce que j'adorais dans ce style des petits traits, c’est qu'en fait, il y a des ombres qui apparaissent quand on fait des croisillons comme ça. Alors je vous recommande la lecture, bien sûr, de toutes les bandes dessinées de Moebius et de Druillet : « Le Garage hermétique » de Moebius, « La Nuit » de Druillet, « La Foire aux immortels » de Bilal, etc. 

C'est le royaume de ces styles de dessin qui est vraiment génial. C'est un petit peu raté, mais vous ne m’en voudrez pas, j'en suis sûr que vous ne m’en voudrez pas. Et on revient un peu dans l'autre sens pour générer un gris optique. Voilà on peut faire des trucs dans les ombres. Alors, j'ai fait des centaines de dessins comme ça. Quand j'étais dans ma chambre et que j'étais adolescent, je voyais quelque chose d'extrêmement reposant de faire tous ces petits traits, vous pouvez passer toutes vos journées à faire des petits trucs. Une sorte de sport ou de détente mentale."