
On connait désormais leurs noms : Kermiche et Petitjean, 19 ans tous deux. Le premier était sous surveillance électronique, assigné à résidence et le second était fiché S.
L'enquête avance autour des auteurs de l'attentat de l'église Saint-Etienne-du-Rouvray. On connait désormais le nom des deux meurtriers : Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, 19 ans tous les deux.
Cinq personnes sont toujours en garde à vue ce vendredi. Deux autres ont été relâchées
On apprend ce vendredi qu'un Syrien a été interpellé jeudi dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile de l'Allier. "La photocopie d'un passeport syrien a été retrouvée au domicile d'Adel Kermiche et les enquêteurs cherchent à savoir s'il pourrait s'agir de cet homme", selon une source proche de l’enquête.
Un cousin d'Abdel Malik Petitjean, âgé de 30 ans, est lui aussi entendu par les enquêteurs. L'homme, qui réside en Meurthe-et-Moselle, intéresse les enquêteurs qui cherchent à savoir s'il aurait pu avoir connaissance d'un projet d'attentat. Un mineur de 16 ans dont le frère, proche d'Adel Kermiche, est parti dans la zone irako-syrienne en mars 2015, reste également en garde à vue.
Deux hommes, fichés S, sont toujours en garde à vue : un Français de 20 ans qui s'était rendu en Turquie début juin avec Petitjean avant d'être refoulé, et un homme chez qui on a retrouvé, le 24 juillet, deux jours avant l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray, une vidéo dans laquelle une personne, ressemblant fortement à Petitjean, prête allégeance au groupe Etat Islamique.
Enfin, la soeur d'Abdel Malik Petitjean, et l'ami de cette dernière, interpellés mercredi, ont été relâchés jeudi soir. "Ils ont livré des indications intéressantes sur son parcours, mais aucun élément ne montre leur implication dans les faits", selon une source proche de l'enquête. On apprend aussi qu'Abdel Malik Petitjean leur a rendu visite en Auvergne le 18 juillet dernier.
Des fichiers audio retrouvés chez Adel Kermiche
Les enquêteurs cherchent à comprendre comment les deux terroristes sont entrés en contact. Des enregistrements saisis au domicile d'Adel Kermiche et révélés par l'Express témoignent de la préparation de l'attentat.
Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean se sont filmés, ensemble, en train de prêter allégeance au chef de l'organisation Etat islamique. Mais on ignore comment les deux hommes, qui vivaient à 700 km de distance, sont entrés en contact. Chacun de leur côté les deux terroristes avaient tenté, sans succès, de rallier la Syrie. En mars, puis en mai 2015, Kermiche s'est fait refouler à la frontière turque tandis que Petitjean a fait un aller-retour à Istanbul en juin dernier.
Les assaillants ont-ils été téléguidés depuis la Syrie ?
Dans les fichiers audio retrouvés par les enquêteurs, Adel Kermiche évoque son mentor, un homme rencontré en prison, à Fleury-Mérogis où il a passé 10 mois et qui lui aurait "donné des idées". Ces messages ont été postés via l'application cryptée Telegram, pour un cercle de 200 personnes. Une semaine avant l'attaque, Kermiche explique ainsi à ses contacts qu'il vaut mieux attaquer en France, vu la difficulté à se rendre en Syrie. Il se connecte une dernière fois, une heure avant le drame, pour inviter à partager en masse ce qui va suivre. Adel Kermiche ne postera finalement aucune image de la tuerie, stoppé sans doute par l'intervention de la BRI.
L’autre question : pourquoi le fichage n'a pas déclenché d'enquête particulière en France ?
Contrairement aux idées que certains commentaires politiques véhiculent, la fiche S ne désigne pas des personnes qui sont suspectées de vouloir commettre un attentat, mais des individus dont le comportement douteux doit être signalé. Une fiche S va permettre au hasard d'un contrôle d'identité, de suivre le parcours de la personne mais elle ne déclenche pas automatiquement l'ouverture d'une enquête.
Dans le cas d'Abdel Malik Petitjean, les policiers ont émis une fiche S à son encontre dès qu'ils ont appris le 29 juin qu'il avait été repéré à Istanbul. En théorie, cette fiche S aurait pu permettre de le détecter à son retour en France et de procéder à son interpellation. Mais en fait, ce que les enquêteurs ne savent pas, c'est qu'il est déjà rentré en France depuis 3 semaines.
Enfin, dernier écueil, le 22 juillet, quand les enquêteurs reçoivent le renseignement qu'un attentat se prépare en France avec un jeune homme dont ils obtiennent un signalement sur une vidéo, ils n'ont pas le nom du suspect et n'ont donc aucun moyen de faire le recoupement avec le fiché S Abdel Malik Petitjean.
Manuel Valls reconnait un "échec"
Dans une interview au Monde, le Premier ministre s'exprime sur la décision de la justice antiterroriste, confirmée en appel, de libérer en mars 2016 Adel Kermiche, en le plaçant sous assignation à résidence avec un bracelet électronique : "c''est un échec, il faut le reconnaître".
"Cela doit conduire les magistrats à avoir une approche différente, dossier par dossier, compte tenu des pratiques de dissimulation très poussées des djihadistes", estime le Premier ministre, tout en affirmant qu'il ne sera pas "celui qui, au mépris de tout équilibre des pouvoirs, tomberait dans la facilité de rendre ces juges responsables de cet acte de terrorisme".
Toujours dans Le Monde, il réplique vertement à Nicolas Sarkozy, en accusant l'ex-chef de l'Etat de "perdre ses nerfs" et de "basculer dans le populisme" quand il propose de sortir du "cadre" juridique actuel ou quand il reproche à l'exécutif "des arguties juridiques".
