Salaires, effectifs dans les classes, recrutement : le système éducatif israélien sous tension

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Salaires, effectifs dans les classes, recrutement : le système éducatif israélien sous tension

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Il n'est pas certain que les établissement scolaires israéliens rouvriront leurs portes jeudi 1er septembre comme prévu
Il n'est pas certain que les établissement scolaires israéliens rouvriront leurs portes jeudi 1er septembre comme prévu
© Radio France - Frédéric Métézeau

Comme en France, la rentrée des classes en Israël est prévue le jeudi 1er septembre. Mais aura-t-elle lieu ? Un préavis de grève a été déposé, et les négociations sont dans l'impasse.

En Israël aussi, la rentrée scolaire s'annonce houleuse. Un préavis de grève a été déposé, sur fond de malaise du corps enseignant. La question principale du conflit en cours et des négociations entamées depuis le mois de janvier concerne les salaires. Contrairement à la France où les négociations se font entre les syndicats et le ministère de l'Éducation nationale (sous le regard vigilant de Bercy), le Syndicat des enseignants d'Israël traite directement avec le ministère des Finances.

Des milliards sur la table

L'actuel titulaire en est Avigdor Lieberman, issu de la droite nationaliste laïque, ombrageux et "à la mèche [de dynamite] courte", comme l'on dit en hébreu pour qualifier les personnalités colériques. Ce dernier a présenté un plan global de 4,2 milliards de shekels (1,28 milliard d'euros) prévoyant une augmentation de salaire substantielle pour les débutants qui passeraient de 6000 shekels mensuels (1835 euros) à 9000 shekels (2752 euros) à la fin de leur première année.

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Cela n'est pas assez pour le syndicat qui en demande 9500 et qui, surtout, dénonce un plan déséquilibré. En effet, il s'inquiète de la faible proposition de hausse pour les professeurs en fin de carrière : entre 300 à 400 shekels (de 92 à 122 euros) par mois.

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Pour la pugnace Yaffa Ben David, la secrétaire générale du syndicat interrogée sur Ynet, "le ministère des Finances vient avec des tableaux Excel et n’en démord pas. Ce qu’ils veulent faire reviendrait à porter un coup dur, et même fatal, au corps enseignant, aux enseignants les plus anciens, qui sont là depuis plus de dix ans. Ils veulent leur donner seulement 300 shekels. Si on traduit ce chiffre, 300 shekels par mois, c’est dix shekels par jour, c’est un shekel par heure, ça n'est même pas un demi falafel". Au total, les mesures demandées par le syndicat coûteraient 7,5 milliards de shekels (2,3 milliards d'euros). Pour Shira Steinitz, enseignante à Tel Aviv, les salaires peu élevés paralysent le système : "Les prix sont très élevés. Donc, si vous voulez louer un appartement ou si vous avez des enfants, c'est très difficile d'être enseignant."

Un avancement "au mérite" qui fait débat

Yaffa Ben David dénonce d'autres projets de réforme : celle du calendrier des vacances avec moins de période de congés mais plus longues pour éviter un effet "gruyère" dans l'année scolaire et la possibilité d'embaucher certains profs comme contractuels, hors grille salariale négociée par les syndicats. Enfin, elle s'oppose violemment au projet d'avancement "au mérite" vanté par le ministre. Selon elle, cette notion est floue et préoccupante : "Seriez-vous d'accord, en tant que prof, que l'on porte atteinte à votre ancienneté, votre grade, vos vacances ? Que l’on vous prenne au lieu de vous donner ?"

Dans ce face à face avec le ministère des Finances, elle accuse aussi les hauts-fonctionnaires du Trésor d'être "un gang d'hommes qui pensent décider se qui va se passer". De son côté, Avigdor Lieberman, qui soutient sans faille ses négociateurs, accuse leurs interlocuteurs de "brimer et de prendre en otage les parents et les élèves". Ancien ministre de la Défense, il affirme que "c'est la première fois depuis la création de l'État que le budget de l'éducation est plus important que tout autre budget, y compris celui de la défense". Il se dit "en faveur des enseignants et en faveur de l'éducation, attendant que le mot 'grève' soit retiré des discussions." En cas de blocage, il envisage même la réquisition des professeurs grévistes jeudi.

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Pour mesurer l'ampleur de la crise dans le système éducatif israélien, il suffit de comparer la situation avec la France en matière de difficultés de recrutement. Elle est spectaculaire : en France (68 millions d'habitants) il manque 4000 enseignants pour occuper les postes à pourvoir. En Israël (9 millions d'habitants) il en manque 5671 !  Voilà pourquoi Iris, mère d'une fille et d'un garçon comprend les revendications syndicales : "Si les salaires étaient plus élevés, des personnes plus qualifiées viendraient. Je m'attends à de bons professeurs pour mes enfants. Il y a une école française qui est considérée comme la meilleure à Tel Aviv. La discipline, ce qu'on attend des enfants, c'est bien plus élevé que dans le système israélien !"

Mais à entendre le président de l'association des directeurs d'écoles secondaires, les difficultés du secteur remontent aux années Netanyahou, le Premier ministre de droite au pouvoir de 2009 à 2021 : "Depuis 8 ans, le ministère de l'Éducation a obstinément nié les problèmes, évoquant une pénurie d'enseignants localisée et insignifiante".  Shira Steinitz fait même remonter les problèmes beaucoup plus loin : "C'est comme ça depuis au moins vingt ans. C'est la privatisation de toute la société israélienne ! Israël est l'un des pays de l'OCDE qui donne le moins d'argent par étudiant. Quand il y a trop d'élèves dans une classe et que tu n'as pas le temps de donner à chaque élève ce que tu juges nécessaire à sa réussite, les enseignants le ressentent. Les élèves le ressentent et les parents le ressentent."

Un conflit social en pleine campagne électorale

Pour compliquer la situation, Israël se retrouve de nouveau en campagne électorale. Le 1er novembre, les Israéliens seront invités à élire leurs députés pour la cinquième fois en trois ans et demi. Or, la ministre de l'Éducation Yifat Shasha-Bitton appartient à un autre parti de droite, rival électoral de celui d'Avigdor Lieberman. Inquiète que la rentrée des classes ne puisse avoir lieu, elle fait part de son "mauvais pressentiment" pour le 1er septembre et accuse son collègue des Finances et ses collaborateurs d'avoir traîné depuis le mois de janvier.

Candidat face à Netanyahou qui espère revenir au pouvoir, le premier ministre centriste Yair Lapid a reçu les représentants des élèves et tenu des propos apaisants à destinations des enseignants : "Je n'aime pas la façon dont on parle des anciens enseignants dans cette négociation. Les anciens professeurs sont des gens qui ont éduqué des générations d'élèves ici, entre les mains desquels nous avons confié nos enfants. La société israélienne devrait les soutenir. Ils ne sont pas un fardeau pour le système, ils en sont un pilier, ce sont des gens qui ont consacré leur vie à l'éducation. Il n'y a rien de plus beau que cela."

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Outre la situation très tendue dans les territoires palestiniens, le dossier du nucléaire iranien et le coût de la vie, cette crise dans l'enseignement préoccupe une bonne partie de la population israélienne. Si le préavis de grève déposé pour jeudi ne concerne pas les personnels encadrant les 100 000 enfants handicapés ou nécessitant une prise en charge spéciale, les enseignants des collèges et des lycées menacent de cesser le travail en soutien à leurs collègues du primaire. Le compte à rebours est lancé.