Salon du livre : Le 'cosy murder', la nouvelle tendance du polar, avec moins de sexe et de violence

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Salon du livre : Le 'cosy murder', la nouvelle tendance du polar, avec moins de sexe et de violence

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Les romans policiers de Ragnar Jonasson se déroulent à Siglufjörður en Islande
Les romans policiers de Ragnar Jonasson se déroulent à Siglufjörður en Islande
- Aliochad CC BY-SA 3.0

En poche, un livre vendu sur quatre est un polar. Le marché est à maturité selon les professionnels. Les éditeurs ont quasiment tous une section "noire". Le polar, tout le monde s'y met. Entretien avec Marie Leroy, directrice du département littérature chez La Martinière.

Livre Paris propose, pour la seconde fois consécutive, un espace dédié aux littératures policières sous toutes leurs formes. Marie Leroy connaît très bien le secteur et a créé en 2015 pour La Martinière la collection "noire" de la maison d'édition. Entretien.

Pourquoi avez-vous créé La Martinière Noir ?

Marie Leroy :  Pendant 10 ans j'ai travaillé pour la collection Points Seuil, qui en matière de polars devance largement, grâce au succès d'auteurs comme Arnaldur Indridason, les tirages de Folio et Rivages. J'aime lire des polars pour moi-même et quand je suis arrivée chez la Martinière j'ai voulu naturellement créer cette marque "noire". 

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En librairie le secteur se porte très bien, et pour les lecteurs le polar, plus que le roman noir, propose une dimension de catharsis, car la violence y est ramenée à des conditions acceptables, le meurtrier à la fin  est arrêté, l’ordre est rétabli. En tant que lecteur nous avons l'assurance est de retomber sur nos deux pieds. 

Le genre est-il particulièrement créatif en ce moment  ?

Marie Leroy : Il y a une profusion de bons manuscrits dans ce secteur.  De plus, la plupart des éditeurs ont des collections noires. Tout le monde s’y est mis car les lecteurs de polars sont des fidèles, et ça créé des lectorats captifs.

Il faut aussi noter un phénomène important. Le dernier livre que nous avons publié de l'auteur islandais Ragnar Jónasson, a été vendu à 20 000 exemplaires en grand format, puis dans un deuxième temps, à 126 000 exemplaires en livre de poche. Ce phénomène d’amplification du lectorat en poche est spécifique au polar.

Tout le monde s’y est mis car les lecteurs de polars sont des fidèles, et ça créé des lectorats captifs

Les 80'' de Nicolas Demorand
1 min

Les lecteurs consomment des polars comme les séries télé. Les romans policiers sont souvent des 'page turner', et les auteurs rassemblent des communautés de lecteurs accros. 

Quelles sont les bonnes recettes d'un polar à succès ? 

Marie Leroy : Dans le roman policier on a souvent des séries, avec des héros récurrents, ça créé de rendez-vous. 

En ce moment se développent les cosy mystery, ou cosy murder, c'est du polar soft, si l'on veut rester dans les anglicismes. Regardez les romans d'Agatha Raisin (Albin Michel),  ou de Ragnar Jónasson.  

La première recette du succès je crois c'est de se référer à Simenon et d'ancrer ses personnages, comme Maigret, dans un lieu précis, avec une âme particulière. Maigret ne serait pas Maigret sans sa connaissance intime de Paris, son Paris. Cette recette vaut  aujourd'hui pour les nouveaux polars. En France les polars nordiques plaisent au lecteur en partie pour cette immersion dans des territoires  de feu et de glace. Dans le cas de Ragnar Jónasson, L’action de sa série Natt se déroule au cœur d’un minuscule village de pêcheurs, coincé entre la mer et un cirque montagneux, les conditions de vie y sont rudes. C'est un climat très particulier qui emporte le lecteur. Aujourd'hui il y a une veine de polar de terroir français. Je pense par exemple à L’hôtel du grand cerf , de Franz Bartelt (Seuil) qui se déroule à Reugny, petit village au cœur des Ardennes. 

Il faut ancrer ses personnages et l'histoire dans un lieu précis, avec une âme particulière.

Le deuxième ingrédient c'est la forte incarnation des personnages principaux et secondaires. Les lecteurs s'attachent à des enquêteurs ou des narrateurs qu'ils veulent connaître intimement. 

Le troisième ingrédient, c'est ce que j'appelle 'l'arc narratif', qui se rapporte au savoir-faire des feuilletonistes du XIXe siècle et aux scénaristes de séries audiovisuelles d'aujourd'hui. 

Enfin le quatrième ingrédient c'est le marketing. Pour provoquer le succès de notre auteur Ragnar Jónasson, actuellement dans le top 10 des meilleures ventes, nous avons mis de gros moyens en publicité. Il était inconnu en 2016, et nous avons à ce jour vendu 300 000 exemplaires de ces livres. 

Pourquoi le polar a-t-il une vie "littéraire" à part des autres romans ? 

Marie Leroy : le mois de mars est le mois de polar. Quai du polar est le rendez-vous incontournable pour ce genre de romans, plus que Livre Paris. Depuis deux ans, de grandes enseignes de distribution se sont aussi alignées sur le mois de mars pour leurs événements nationaux de promotion des polars.

Le mois de mars est devenu le mois du polar

Contrairement au reste de la vie littéraire, le polar est un genre sous-traité médiatiquement. Il est moins considéré par les critiques, alors qu'il a plus de succès en librairie. Il est même moins considéré aussi que le roman noir, qui explore le chaos et l'obscurité, alors que ce genre a moins d'audience auprès des lecteurs.

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- CNL/ Ipsos/ Game Changers

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