Santé & sylvothérapie : et si vous alliez prendre un bain de nature ?
Plusieurs études récentes montrent les bienfaits de la nature sur la santé : notre psychisme, notre rythme cardiaque, notre tension. Les forêts calment notre stress, un bienfait essentiel dans un monde qui s’accélère. Alix Cosquer et Sébastien Bohler expliquent pourquoi nous devrions tous pratiquer le Shirin-Yoku.
Quels sont les bienfaits de la nature sur notre santé ? Voici les réponses données dans La Tête au Carré, au micro de Daniel Fiévet, par Alix Cosquer, chercheuse en psychologie environnementale au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive à Montpellier, et Sébastien Bohler, journaliste scientifique pour le magazine Cerveau & Psycho.
Les effets délétères des villes sur notre santé
Aujourd'hui, 80% de la population française vit en ville. Sébastien Bohler revient sur les dégâts, très concrets pour notre santé, de nos modes de vie de plus en plus urbanisés :
La pollution augmente le risque de psychose notamment par un simple effet biochimique sur le fonctionnement du cerveau.
Mais ce n'est pas tout : le journaliste évoque également l'effet cognitif de la nature (ou plutôt, son absence) sur notre santé mentale : "Si on prend l'histoire de l'humanité, pendant 200 000 ans, on a été dans des milieux naturels, et d'un seul coup, avec les révolutions industrielles et l'urbanisation, ça a basculé. Notre cerveau n'a pas eu le temps de s'adapter à ça".
Des études ont démontré qu' il y a plus de risques de développer certaines pathologies mentales quand nous vivons en ville - et plus la ville est grande, plus le risque est grand.
Ce risque dépend également de l'âge auquel nous avons été mis en contact avec la nature. "Le risque de développer une maladie mentale à l’adolescence ou à l’âge adulte décroît proportionnellement au temps que nous avons passé entourés de verdure entre la naissance et l’âge de dix ans" affirme la chercheuse chinoise, Kristine Engemann, de l'université Aarhus.
Sébastien Bohler explique que "plus on grandit dans une grande ville soumise à un rythme de vie élevée, à l'absence de végétation, plus il y a une sorte de découplage qui se fait dans deux parties du cerveau :
- l'une qui est responsable du sentiment d'angoisse, de stress, de peur (l’amygdale)
- l'autre qui est régulatrice (le cortex préfrontal).
Habituellement, quand on est dans une ambiance de stress, on arrive à réguler ce stress grâce au couplage entre ces deux régions. Les enfants qui grandissent en milieu naturel développent plus certaines parties du cerveau qui sont en parties responsables de nos capacités de concentration et de notre mémoire de travail (c'est-à-dire notre capacité à garder à l'esprit des informations de façon stable sur une courte période)".
📖 ALLER PLUS LOIN | Comment la nature nourrit le cerveau des enfants, un dossier de Betty Mamane dans Cerveau & Psycho.
Ce qu'un bain de nature apporte aux citadins (et aux autres)
Depuis quelques années, se développe, en France, la pratique japonaise du Shirin-Yoku (littéralement "bain de forêt") exercé comme médecine préventive à la fois pour le corps et la tête. Le docteur Qing Li était venu nous en parler l'année dernière ( rendez-vous ici pour les curieux, pour écouter un entretien d'une heure avec lui). En français, on parle plutôt ici de "sylvothérapie".
Les recherches scientifiques sur les personnes ayant effectué des balades dans les sous-bois indiquent notamment :
- une baisse significative du stress et de l’épuisement,
- moins de troubles de l’attention,
- une amélioration des défenses naturelles,
- des effets positifs sur la tension artérielle.
Les études d'imagerie cérébrale montrent qu'en milieu naturel, une partie de notre cerveau a tendance à baisser d'activité, ce qui expliquerait pourquoi on aurait tendance à moins ruminer des idées négatives.
"Ce sont des structures cérébrales qui sont souvent hyperactives quand on est dépressif, qui font qu'on n'arrête pas de ressasser des problèmes, qu'on n'arrive pas à atteindre un état de relâchement" souligne Sébastien Bohler.
Un appel aux sens
Les effets bénéfiques de la forêt se constatent même - à des niveaux moindres - sans être en forêt, juste en présentant des éléments sylvestres à l'un de nos sens. Exemples :
- La vue
L'imagerie cérébrale montre que nous aimons observer des formes fractales (des formes mathématiques aux motifs similaires à différentes échelles). Et encore mieux, des fractales imprécises - c'est ce que Caroline Hägerhäll, de l’université suédoise des sciences agricoles, a montré, en 2015, dans une étude : l’exposition à des fractales naturelles entraîne la production d’ondes alpha, caractéristiques d’un état de relaxation.
Or, les forêts sont des lieux riches en formes fractales imprécises (pensez aux feuilles d'une fougère, par exemple). Cette imprécision des motifs serait d’autant plus grande que la nature est préservée : en 2018, Paul Stevens, de l’université de Derby (Royaume-Uni), a montré que plus la biodiversité d’un site est riche, plus sa dimension fractale est élevée, et plus ce site inspire des émotions positives à ceux qui le regardent.
- L'odorat
Les phytoncides sont des composés chimiques présents dans la nature, notamment émis par les arbres. Samantha Dayawansa, de l'université de Toyama au Japon, a montré que l’inhalation du cédrol (qui vient des arbres de la famille du cèdre) diminue la fréquence cardiaque. Cela amène à respirer plus lentement et plus profondément, et donc entraîne une diminution de la pression artérielle et, par là, du stress.
- L'ouïe
Après leur avoir fait réaliser une tâche générant un peu de stress, on a fait écouter à des individus différents types de bruits - dont des chants d'oiseaux. Et on s'est aperçu que les gens récupéraient beaucoup plus vite quand ils écoutaient des chants d’oiseaux.
- Le toucher
Toucher du bois brut provoque un abaissement bénéfique de la pression sanguine (par rapport à d'autres types de panneaux de bois enduits différemment). D'où l'expérience d'enlacer des arbres.
S'immerger en forêt pour un bénéfice maximal
La simple vue d'une forêt nous apaise, ainsi que toucher une bûche de bois. De là à penser qu'on peut continuer de raser les forêts et se contenter d'importer des bouts de forêt artificiellement dans des flacons… Non, répond Sébastien Bohler : "Quand plusieurs sens sont activés en même temps, c'est là qu'on obtient véritablement un effet de synchronisation cérébrale".
Fondamentalement, un des principaux facteurs bénéfiques de la forêt est son côté immersif. "Un des grands facteurs de mal-être, y compris de maladies mentales et parfois somatiques, c'est qu'aujourd'hui on est dans une civilisation du stress avec une accélération des rythmes de vie". La forêt nous permet de nous recentrer sur nous-mêmes.
Être capable d'agir sur les niveaux de stress est une entrée importante en prévention ou prise en charge pathologique.
La forêt est-elle le seul recours ? Pas sûr, reconnaît Alix Cosquer, "il y a sans doute d'autres environnements naturels qui jouent sans doute un rôle identique mais qui sont encore, pour le moment, moins étudiés".
Aller plus loin
🎧 ÉCOUTER | La Tête au Carré : Les bienfaits de la nature sur notre cerveau
📖 LIRE | Le numéro 110 de Cerveau & Psycho consacre cette semaine un dossier sur le sujet(à retrouver sur le site pour les abonnés ou chez votre marchand de journaux pour les autres)
🎧 ÉCOUTER | Grand Bien vous fasse : Ces arbres qui peuvent nous soigner - entretien avec le Dr Qing Li
► VIDÉO | En Norvège, une initiative propose des chambres d'hôpital en pleine forêt, le projet Friluftssykehuset.
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