
La notation du réseau d'Ehpad sur des critères sociaux et environnementaux était relativement bonne, et avait même récemment progressé. Comment est-ce possible ? Pour certains observateurs, les méthodes d'évaluation utilisées par les agences spécialisées ne sont pas pertinentes et doivent être repensées.
C'est l'un des mystères de l'affaire Orpea. Comment un groupe au cœur d'une telle controverse aujourd'hui a-t-il pu être relativement bien évalué par les agences de notation, spécialisées dans l'analyse de la "responsabilité sociétale" des entreprises ? Alors que les révélations se succèdent autour du livre "Les fossoyeurs", se pose la question de la notation des entreprises lucrative à vocation sociale, et qui plus est figurant dans des fonds à destination d'investisseurs désireux de placer leur argent sur des critères sociaux.
Des notes dans la moyenne, en progression
Car les notes d'Orpea étaient plutôt rassurantes - 2 sur 5 sur l'échelle des risques - et globalement satisfaisantes sur l'échelle des critères dits RSE (responsabilité sociale et environnementale). "La face sombre d'Orpea a échappé aux filets des systèmes de notation" (y compris donc extra-financiers), analyse Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, réseau d'expertise sur la finance durable, dans un avis consacré au groupe de maison de retraites. "C'est surprenant de constater qu'Orpea n'avait pas de mauvaises notes, et avait même récemment progressé, ce dont se félicitait l'entreprise dans sa communication ! Il existe trois grands systèmes de notation, et si l'on fait la synthèse, Orpea était globalement au top de son secteur", détaille-t-elle au micro de France Inter.
Mais il faut bien comprendre que ces notes résultent d’un exercice aujourd’hui en grande partie déclaratif, basé principalement sur des réponses à des questionnaires, poursuit-elle. "Les agences font leur évaluation à partir de données publiques et de réponses à des questionnaires. Les entreprises se présentent forcément sous leur meilleur jour."
À aucun moment on ne va aller regarder la manière dont sont traitées les personnes âgées par exemple. Mais ça, ça va forcément bouger avec cette affaire.
Indicateurs noyés dans une batterie de 300 critères
Pour cette experte, spécialiste de la finance éthique, il faut agir sur deux axes : d'abord mettre fin aux notations basées sur des déclarations sans vérification, mais aussi recentrer la notation sur le cœur d'activité des entreprises sociales, pour éviter que des indicateurs essentiels soient noyés dans une batterie de 300 critères. "Si l'on fixe par exemple le critère du taux d'encadrement de ces structures comme central, cela peut changer la donne", explique-t-elle.
Autant d'orientations nécessaires et qui auraient pu être mises en place il y a des années, approuve Annie De Vivie, à la tête du Label Humanitude, créé il y a 10 ans : "Chez nous, l'auto-évaluation est discutée, analysée. Le label s'obtient après un important plan de formation, le respect d'une série de principes extrêmement précis, une visite de deux jours. C'est un dispositif contraignant, dans l'intérêt de tous ! Sans cela, les labels ou les notes ne reflètent aucun niveau réel de qualité de soin." Elle constate qu'aucun grand groupe privé n'a tenté d'obtenir le label, contrairement à de plus petites structures indépendantes, associatives ou publiques.
Les agences de notation Sustainalytics et Moody’s que nous avons contacté assurent de leur côté qu’Orpea était malgré tout loin d’avoir les meilleures notes, même si le groupe n’avait pas franchi le seuil d’alerte.