Sharbat Gula, "l'Afghane aux yeux verts" de la célèbre photo fuit les talibans et se réfugie en Italie

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Sharbat Gula, "l'Afghane aux yeux verts" de la célèbre photo fuit les talibans et se réfugie en Italie

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La photo de Steve McCurry lors d'une exposition à Ankara en Turquie en septembre 2015.
La photo de Steve McCurry lors d'une exposition à Ankara en Turquie en septembre 2015.
© AFP - Adem Altan

Cette Afghane a aujourd’hui 49 ans. La photo de son visage avec ses yeux verts perçants prise en 1984 par Steve McCurry est l’une des plus célèbres. Elle a quitté l’Afghanistan et vient d’être accueillie à Rome en Italie.

Le regard est magnétique, la couverture de la revue National Geographic avait fait le tour du monde. Le cliché de cette jeune Afghane aux yeux émeraude pris en 1984 est devenu une image emblématique. Cette jeune fille, alors âgée de 12 ans, devient le visage de la guerre en Afghanistan menée par l’URSS et de tous ses réfugiés. 36 ans après, Sharbat Gula est une mère de famille, de nouveau réfugiée, cette fois en Italie a annoncé le gouvernement ce jeudi. Elle a souhaité fuir son pays dirigé par les talibans.

Orpheline et refugiée au Pakistan

Sharbat Gula se trouve dans un camp de réfugiés afghans au Pakistan quand Steve McCurry croise son chemin. Elle est à l’école pour filles, sous une tente, c’est l’hiver. A 12 ans, elle a dû quitter son village, bombardé par les Soviétiques et traverser la frontière par les montagnes avec sa famille, sa grand-mère, ses frères et ses sœurs. Ses parents sont morts.

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Steve McCurry se souvient de la rencontre dans un reportage de France 2 : 

Elle a ce regard résilient, fort, digne et malgré le fait qu’elle soit orpheline et réfugiée, on pouvait sentir qu’elle allait continuer à se battre.

"En l'espace de quelques secondes, tout était parfait, la lumière, l’arrière-plan et l’expression de ses yeux" écrit Steve McCurry dans son livre sorti en France en 2013. Ses iris cernés de noir font ressortir ses yeux verts. Un foulard rouge enrobe son visage. La photo prise en 1984 est publiée un an plus tard.

Pendant 18 ans, l’identité de Sharbat Gula est restée inconnue, Steve McCurry ne connaît pas son nom. Mais le reporter veut retrouver celle qu'il a prise en photo. Une expédition est organisée par National Geographic en 2002. Un succès. Sharbat est retrouvée, et une nouvelle fois photographiée, 17 ans plus tard. Le visage a bien changé, mais les yeux sont toujours aussi verts. Elle ne sait pas que son visage a fait le tour du monde. "Au début, j’étais préoccupée par la publicité de ma photo, mais quand j’ai découvert que j’étais la cause du soutien et de l’aide pour de nombreux réfugiés, alors j’ai été heureuse" se souvient-elle. Pour être sûr de leur rencontre, National Géographique fait appel à des experts pour comparer l’iris photographié en 1984 et celui en 2002.

Sharbat Gula, 45 ans, lors de sa rencontre avec le président afghan Ashraf Ghani au palais présidentiel de Kaboul le 9 novembre 2016.
Sharbat Gula, 45 ans, lors de sa rencontre avec le président afghan Ashraf Ghani au palais présidentiel de Kaboul le 9 novembre 2016.
© AFP - Shah Marai

Mariée à 13 ans, elle est devenue une maman de six enfants. Aucun n’a les mêmes yeux qu’elle. Elle est analphabète. Son mari, un boulanger, et sa fille aînée sont morts, à cause de l’hépatite C. Son visage est dissimulé sous une burqa violette. C’est ainsi qu’elle sera de nouveau photographiée, avec la Une du National Geographic dans les mains.

Le refus de toucher de l'argent

Le visage de Sharbat Gula revient dans l’actualité en 2016, quand elle est arrêtée au Pakistan, où elle vit depuis 35 ans. Elle a des faux papiers, comme beaucoup d'Afghans, elle est incarcérée, menacée de 7 à 14 ans de prison, puis expulsée. Sharbat Gula revient en Afghanistan, accueillie par le président Ashraf Ghani à Kaboul, puis l’ancien chef d’Etat Hamid Karzai. Elle est devenue une icône. "Ils m'ont donné du respect, m'ont chaleureusement accueillie. Je les remercie. Que Dieu les traite bien" raconte-t-elle à la BBC. Le gouvernement lui a donné un logement. "Je veux créer une association caritative ou un hôpital pour soigner tous les pauvres, les orphelins et les veuves".

Sharbat Gula a toujours refusé l’argent proposé par le photographe et National Geographic, sauf une fois, pour acheter une machine à coudre à sa fille. Steve McCurry lui offre également un pèlerinage à La Mecque, et a financé un traitement pour tenter de sauver son mari.

La mère de famille est donc arrivée à Rome jeudi. Début septembre, le pays estime avoir évacué près de 5 000 Afghans après la prise du pouvoir par les talibans mi-août.