Six prisonniers palestiniens s'évadent d'une prison en Israël et deviennent des héros

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Six prisonniers palestiniens s'évadent d'une prison en Israël et deviennent des héros

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Sur la maison de la famille d'un des évadés, une banderole représentant les six fugitifs (dont un deux fois)
Sur la maison de la famille d'un des évadés, une banderole représentant les six fugitifs (dont un deux fois)
© Radio France - Frédéric Métézeau

Les six évadés palestiniens condamnés pour terrorisme par la justice israélienne et échappés lundi d'une prison haute sécurité courent toujours. L'armée et les services de sécurité israéliens ont intensifié leurs efforts pour les retrouver et chez les Palestiniens, ils font figure de combattants héroïques.

Dans l'imagerie populaire palestinienne, l'objet fétiche est traditionnellement une clé. La clé de la maison abandonnée par des milliers de familles lors de la création de l'État d'Israël en 1948. Mais ces jours-ci, sur les réseaux sociaux, l'objet fétiche des Palestiniens est une petite cuillère. Car selon le bouche-à-oreille, les six évadés de la prison de haute sécurité de Gilboa, au nord d'Israël, auraient creusé leur tunnel avec leurs petites cuillères. 

Peu importe l'instrument utilisé par ces six hommes (un membre des Brigades des martyrs d'Al Aqsa et cinq du Djihad islamique) condamnés par la justice israélienne pour des faits de terrorisme : ils ont pu quitter leur cellule en passant par un tunnel creusé sous le lavabo. C'est un véritable fiasco sécuritaire qui a secoué Israël à quelques heures du début des festivités du nouvel an juif Rosh Hachana. 

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Des plans de la prison sur internet

La presse israélienne est très critique et depuis lundi, pointe les nombreux manquements. Ainsi, en raison de la soirée de fête qui s'annonçait, la prison de Gilboa était-elle en sous-effectif avec beaucoup de surveillants en congés. En 2014, une tentative d'évasion similaire avait déjà eu lieu et en réaction, du béton avait été coulé au niveau dans certaines cellules, mais pas toutes. Celle des fuyards était toujours en l'état initial. Les médias israéliens racontent aussi que les plans de la prison étaient consultables sur le site internet du cabinet d'architectes ayant construit l'établissement. Les brouilleurs de téléphones portables étaient désactivés. Quant au gardien posté dans le mirador sous lequel sont passés les prisonniers, il dormait au moment de l'évasion !

A Jénine comme dans toutes les localités de la Cisjordanie, on trouve des graffiti et des fresques anti-israéliennes
A Jénine comme dans toutes les localités de la Cisjordanie, on trouve des graffiti et des fresques anti-israéliennes
© Radio France - Frédéric Métézeau
A proximité du "Théâtre de la liberté" de Jénine
A proximité du "Théâtre de la liberté" de Jénine
© Radio France - Frédéric Métézeau

Où sont passés les six évadés ?

Mobilisés dès lundi, l'armée et les services de sécurité israéliens ont encore intensifié leurs efforts pour retrouver les six détenus. Des soldats, des hélicoptères et des drones ont été déployés, les barrages et les contrôles sont nombreux sur les routes de Cisjordanie et dans le nord d'Israël mais les fugitifs sont-ils toujours en Israël ou bien en Cisjordanie occupée voire en Jordanie voisine ?

Toutes ces questions résonnent chez Mahmoud, neveu de Yaqoub Mahmoud Qadri, l'un des évadés qui purge une peine de perpétuité pour une attaque de colons israéliens ayant fait un mort et un blessé en 2002 durant la seconde intifada. Dans le salon familial dans un village près de Jénine (dans le nord de la Cisjordanie) il s'interroge : "Nous sommes encore sous le choc. Et nous avons peur, on ne sait pas où il est. Est-il toujours en vie ? Est-ce qu’ils risquent de l’abattre s'ils le retrouvent ? Est-il est parvenu à quitter le pays ? On ne sait pas !"

Fière et inquiète, la famille de l'évadé Yaqoub Mahmoud Qadri dit n'avoir aucune nouvelle de lui
Fière et inquiète, la famille de l'évadé Yaqoub Mahmoud Qadri dit n'avoir aucune nouvelle de lui
© Radio France - Frédéric Métézeau

Mais au pied de la grande photo de Yaqoub, ses vieux parents et ses nombreux neveux parlent de l'ex-prisonnier comme d'un héros : "Mon oncle n’est pas un criminel, poursuit Mahmoud. Ce n’est pas un détenu de droit commun, il était en prison parce qu’il a défendu son pays. Et là avec ses codétenus ils ont humilié les Israéliens. Ils ont quand même réussi une évasion à l’aide d’une petite cuillère. Franchement, respect ! Ils font la fierté de tout le peuple palestinien."

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A Jénine, on se prépare à une incursion israélienne

Assis en face de lui, son cousin Saned, s'est fait tatouer un fusil M16 sur le haut du bras droit : "C’est une arme que j’affectionne, mais je ne l’ai jamais eue en main. Je rêverais de pouvoir l’utiliser contre les forces d’occupation pour obtenir notre liberté." Chez certains en Cisjordanie occupée, la reprise des armes symbolise l'espoir. Mais dans le centre de Jénine, Moustafa Shitah est plus mitigé. Il dirige le Théâtre de la Liberté où un autre évadé participait à des ateliers aux côtés d'Israéliens juifs opposés à l'occupation quand il était adolescent. Il est préoccupé par la tournure des événements : "Ces jours-ci à Jénine, on se prépare à une incursion israélienne. Un fort sentiment de résistance et de nationalisme renaît ici. Depuis le début de l'année on a eu douze jeunes tués. Je ne parle pas d'une préparation opérationnelle mais mentalement, on envisage quelque chose, surtout que l'Autorité Palestinienne ne nous aide pas beaucoup..."

Pour Moustafa Shitah, Jénine sera toujours un abri accueillant pour les évadés
Pour Moustafa Shitah, Jénine sera toujours un abri accueillant pour les évadés
© Radio France - Frédéric Métézeau

A Jénine, terrain d'affrontements terriblement meurtriers durant la seconde intifada, l'Autorité Palestinienne très largement discréditée au sein de la population, a promis de ne pas collaborer avec Israël dans cette traque.