SNCF : Droit de grève, droit de retrait, que dit la loi ?
Le trafic des trains est perturbé depuis vendredi : après un accident dans les Ardennes, les cheminots ont fait valoir leur droit de retrait. Mais sa validité est contestée par la direction de la SNCF et par le gouvernement. Édouard Philippe a notamment dénoncé samedi "une grève sauvage". Éclairage.
Le trafic ferroviaire était encore très perturbé, ce samedi 19 octobre, au premier jour des vacances de la Toussaint. Après une collision entre un TER et un convoi routier à un passage à niveau de Saint-Pierre-sur-Vence (Ardennes) qui a fait 11 blessés mercredi, des agents de conduite et des contrôleurs de la SNCF ont fait valoir leur droit de retrait. Une "grève illégale", a accusé la direction. Édouard Philippe a quant à lui dénoncé samedi "un détournement du droit de retrait" à "l’impact inacceptable". "J’ai demandé à la SNCF d’examiner toutes les suites, y compris judiciaires", a déclaré le Premier ministre alors qu'il se trouvait à la gare de l'Est, à Paris.
Que recouvrent précisément le droit de grève et droit de retrait ? Dans quel contexte peuvent-ils être invoqués ? France Inter fait le point.
Le droit de retrait : pour les situations de danger
Il est défini par l’ article L4131-1 du code du travail qui stipule que "le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection".
Dans ce cas, précise l'article, le travailleur peut se retirer d'une telle situation, sans sanction ni retenue de salaire. "L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection".
La circulaire de la direction générale du travail du 25 mars 1993 précise ce qu'est un danger imminent : "susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché" et "de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée".
En cas de droit de retrait abusif, les salariés s'exposent à une retenue sur salaire et des sanctions disciplinaires.
Le droit de grève : pour les revendications professionnelles
Dans le cas de la SNCF, les modalités du droit de grève sont précisées par la loi sur la continuité du service public, instaurée en 2007 sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy. Les agents doivent se déclarer 48 heures à l'avance afin de laisser le temps à la SNCF de redéployer ses effectifs non-grévistes et de publier ses prévisions de trafic 24 heures avant le début du mouvement.
"Il faut une alarme sociale [soit une demande de concertation immédiate, ndlr], avant que chaque salarié déclare par écrit son intention de faire grève", a souligné le PDG de la SNCF Guillaume Pépy. La retenue sur rémunération est fixée à 1/30e par jour de grève.
Pourquoi les agents de la SNCF ont-ils cessé le travail ?
Pour la CGT Cheminots, ce sont les "choix irresponsables" de la direction de la SNCF qui ont conduit mercredi à l'accident de Saint-Pierre-sur-Vence. Le syndicat met en cause la généralisation des trains avec un conducteur mais pas de contrôleur ("équipement à agent seul").
Ainsi, après la collision de mercredi 16 octobre, les systèmes d'alerte ayant été endommagés, le conducteur blessé a dû descendre sur les voies sécuriser le site. Il a aussi dû prendre en charge les passagers.
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Le secrétaire d'État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, fait une toute autre lecture. "Le droit de retrait, c'est inopiné, après un accident majeur, une incivilité majeure", expliquait-il vendredi sur le plateau de RMC. "La CGT conteste que les conducteurs de la SNCF conduisent seuls. Or ils conduisent seuls depuis 10 ans sur le réseau Transilien, les trois quarts des TER sont équipés seul à bord. C'est une mesure de conduite qui est homologuée, autorisée par la Sécurité ferroviaire française et pratiquée partout en Europe", soulignait-il.
La CGT sait très bien faire des grèves légales quand elle le veut. Si la CGT veut faire une grève, elle dépose un préavis !
Interrogé par France Inter, le secrétaire général de l'UNSA ferroviaire, Didier Mathis, lui, affirme que deux inspecteurs du travail d'Alsace et de Champagne-Ardennes ont "confirmé que le mouvement est fondé".
"On peut contester le caractère dangereux de la situation dénoncée, mais on ne peut pas assimiler grève sauvage et droit de retrait", s'agace Daniel Saadat, avocat en droit du travail. "Ce n’est pas à Guillaume Pepy ou au Premier ministre de venir contester le droit de retrait, qui est un droit reconnu par le législateur. C’est à un juge de se pencher sur la question".