Sobriété énergétique : faut-il vraiment supprimer ses mails ?
Par La rédaction numérique de France Inter
France Inter organise ce mercredi une journée spéciale sobriété énergétique : l'occasion de se pencher sur les gestes qui sont bons (ou pas) sur le numérique. Faut-il vraiment supprimer ses mails par exemple ?
Débrancher sa box, éteindre la lumière, baisser le chauffage…. À l'heure de la sobriété énergétique, les recommandations pour consommer moins d'énergie se multiplient. Et le numérique n'y échappe pas. Selon l'ADEME, la pollution numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Parmi les usages les plus répandus en matière de numérique, l'envoi d'emails. Selon une étude publiée en 2011 pour Contactlab, les Français reçoivent en moyenne 39 mails par jour. Sachant qu'un mail émet quelques grammes équivalent Co2, selon la lourdeur du mail, le nombre de destinataires.
Alors que faire de tous ces mails ? On a longtemps cru que les supprimer était un geste écologique. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili a même affirmé en décembre 2020 devant la Convention climat, que "vider sa boîte mail, ce serait déjà pas mal." Mais selon les experts que nous avons interrogés, c'est plus compliqué que cela.
Stocker des mails consomme de l'énergie... les supprimer aussi
Un constat d'abord : stocker ses mails est énergivore, explique Frédéric Bordage. "Plus on stocke, plus on a des impacts", précise le fondateur du groupe d'experts indépendants sur le numérique. Dès lors, vaut-il mieux supprimer ses courriels ? Tout dépend de la façon dont on gère sa boîte mail, répond Raphaël Guastavi, chef du service Ecoconception et recyclage de l'ADEME, l'agence de transition énergétique. "Si vous passez du temps à trier des mails accumulés depuis dix ans, vous consommerez beaucoup d'énergie".
Mieux vaut donc supprimer les mails au fur et à mesure, juste après les avoir lus, insiste-t-il. "C'est une question de consommation d'énergie à court-terme et à long-terme." Un geste dont l'impact est difficile à mesurer avec précision, celui-ci variant selon le poids du mail, le nombre de destinataires, l'appareil et la connexion utilisés. En sachant que la suppression des mails permet de libérer de la place sur les serveurs. Ils auront moins besoin de mouliner pour afficher les courriels restants.
Envoyer moins de mails...
Pour Frédéric Bordage, fondateur de Green IT, un groupe d'experts indépendants sur le numérique, le vrai sujet, finalement, c'est tout simplement la question des mails. Car ce qui est finalement le plus coûteux, c'est le fait d'écrire, de lire ses emails. "Quand on écrit un courriel ou qu'on le lit, on mobilise un ordinateur qui est lui-même alimenté en électricité. Ce sont ces étapes d'écriture et de lecture des mails qu'on a le plus d'impact sur la planète. Supprimer ses mails, c'est donc traiter la conséquence." Frédéric Bordage rappelle que 80% de l'empreinte environnementale du numérique en France est liée à l'épuisement des énergies naturelles non-renouvelables nécessaires pour fabriquer l'ordinateur, pour alimenter le réseau qui permet de faire transiter le mail au serveur et inversement.
On peut toutefois agir pour réduire son empreinte numérique. "On peut ne pas envoyer, de ne pas les écrire, ou en tout cas d'être plus raisonnable, de s'organiser de façon différente en instaurant des créneaux horaires. Admettons, une heure le matin, une heure l'après-midi, on s'autorise à les regarder, à en envoyer, ce qui va nous amener à être plus efficace et plus synthétique", propose Frédéric Bordage. Selon lui, cela reste une manière de façon "marginale" de réduire son empreinte numérique, mais c'est un geste qui compte. Se désabonner de newsletters qu'on ne lit jamais aussi, est aussi une solution.
L'autre conseil pour être sobre numériquement, c'est "d'éviter des pièces jointes qu'on va devoir stocker. Autant un mail va être très léger et coûte peu à stocker, mais on associe des grosses pièces jointes, là on risque d'augmenter significativement les impacts environnementaux." Il faut donc remplacer des pièces jointes par des liens vers des sites de répertoires partagés où on peut télécharger la pièce jointe, alors ça, c'est une bonne pratique.
... et faire durer son smartphone
"Conserver son smartphone trois mois de plus pour éviter d'en fabriquer un nouveau, rapporter ses équipements numériques qui ne fonctionnent plus pour qu'ils soient correctement dépollués", voici ce qu'est vraiment la sobriété énergétique numérique selon Frédéric Bordage. L'enjeu d'après lui, c'est contribuer à ce qu'il y ait de moins en moins d'ordinateurs ou de téléphones portables fabriqués, faire en sorte qu'ils soient utilisés le plus possible, jusqu'à leur fin de vie et éviter de se suréquiper. "Une fois que vous avez fait ces gestes, sans oublier d'éteindre votre box la nuit", vous avez fait 90% du travail que vous pouviez faire", conclut-il.
Utiliser au quotidien moins son ordinateur ou son téléphone, c'est aussi forcément une façon de consommer moins d'énergie. Selon une étude de l'ADEME parue en avril 2022, 10% de la consommation électrique annuelle vient des services numériques. Cela représente pour chaque Français l'équivalent de la consommation électrique d'un radiateur de 1.000 W alimenté sans interruption pendant trois jours, ou encore le même impact environnemental qu'un trajet de 2.259 km parcouru en voiture.