Soupçons d'emploi fictif : ce que répond le Canard enchaîné dans son édition de mercredi

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Soupçons d'emploi fictif : ce que répond le Canard enchaîné dans son édition de mercredi

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Dans l'édition de mercredi, la direction du Canard enchaîné s'explique sur les accusations d'emploi fictif au sein du journal.
Dans l'édition de mercredi, la direction du Canard enchaîné s'explique sur les accusations d'emploi fictif au sein du journal.
© AFP

Dans un billet à lire dans l'édition de mercredi, la direction du Canard enchaîné se défend de tout emploi fictif au sein de son équipe. Selon l'hebdomadaire, l'embauche de l'épouse du dessinateur André Escaro avait permis de retenir ce dernier en 1996, alors qu'il souhaitait prendre sa retraite.

Pas de "Pan sur le bec !". Mais dans un éditorial titré "La réalité dépasse le fictif", à paraître en première page de l'édition datée de mercredi et que France Inter a pu consulter, le Canard enchaîné donne sa version des faits sur les soupçons d'emploi fictif au sein de sa rédaction, révélés ce week-end par Le Monde et France Inter. Selon les informations de Christophe Nobili, lui-même journaliste au Canard et co-auteur de l'enquête sur les emplois fictifs du couple Fillon en 2017, la compagne du dessinateur André Escaro aurait ainsi été rémunérée par le journal sans y avoir réellement travaillé. Le parquet de Paris a d'ailleurs ouvert une enquête préliminaire pour "abus de biens sociaux" et "recel", à la suite d'une plainte déposée par ses soins.

L'hebdomadaire satirique admet un montage "qui peut, certes, paraître un peu acrobatique" mais se défend de tout détournement, précisant qu'il "ne s'agit pas d'argent public" et que "personne n'a été lésé, ni le fisc, ni l'Urssaf, ni les caisses de retraite". Le texte dénonce toute comparaison avec l'affaire qui impliquait Pénélope et François Fillon. "'Le Canard' s'est évidemment fait sévèrement canarder sur le thème facile de l'arroseur arrosé (...) C'est le jeu et l'histoire est trop belle".

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Un "binôme", qui avait "l'habitude" de travailler ensemble

L'hebdomadaire satirique avance pour sa part "qu'un travail a bien été effectué et sa trace a été visible, chaque semaine, dans les colonnes du Volatile", qu'il ne s'agit "pas d'argent public" et que "personne n'a été lésé" dans cette histoire. Il livre aussi son explication pour justifier. Selon le texte publié dans l'édition de mercredi, André Escaro, alors administrateur du journal et dessinateur des "cabochons", petits dessins illustrant la rubrique "La marre aux canards", aurait souhaité, en juin 1996, prendre sa retraite. Membre du Canard depuis 1949, il était âgé de 68 ans à l'époque, 94 ans aujourd'hui.

Mais "soucieuse de préserver cette identité graphique tout à fait originale", la direction explique avoir tenté "de le convaincre de continuer, au moins, à apporter sa contribution à hebdomadaire". "D'abord réticent (...) il ne cèdera finalement à condition que sa compagne Edith l'épaule en lui mâchant un peu le travail (...) Il continuera à dessiner, mais elle lira la presse pour lui, et l'aidera à trouver l'astuce qui fait le sel des 'cabochons'", explique le Canard, qui précise aussi que André Escaro et son épouse, "journaliste professionnelle", avaient dirigé précédemment une revue spécialisée, "pas vraiment satirique mais dont les titres étaient souvent humoristiques", et constituaient tous deux un "binôme" qui avait "l'habitude" de travailler ensemble.

"Où est la victime ?", questionne le comité d'administration

"C'est ainsi que Edith a été embauchée, en renfort d'André, lequel, évidemment, n'a plus touché un sou. Et que plus de 8.000 cabochons originaux ont été conçus au cours des 26 années", poursuit l'éditorial. "L'enquête dans laquelle les dirigeants du journal n'ont pas encore été tous entendus, déterminera si ce montage qui peut, certes, paraître un peu acrobatique est attaquable ou non sur le plan administratif", écrit le comité d'administration du journal (Odile Benyahia-Kouider, Nicolas Brimo, Erik Emptaz, Michel Gaillard, Jean-François Julliard et Hervé Liffran). "Mais où est la victime ? Quels 'abus' ? Et quel 'bien social' ? Qui a été lésé ?", interroge-t-il.

Selon le Palmipède, le couple, pacsé, a réalisé des "déclarations communes" et a été taxé "dans les mêmes conditions" et que toutes les cotisations "ont dûment été payées" à l'Urssaf ainsi qu'aux caisses de retraite. Le Canard "n'en a tiré aucun avantage, sinon de recevoir en contrepartie du salaire versé des dessins qui n'ont rien de 'fictif'". Le couple a par ailleurs "rendu son tablier" au mois de juin, "apprenant que leur travail était mis en cause", conclut l'hebdomadaire, ajoutant qu'il n'avait pas l'habitude "de jeter l'argent par les fenêtres et de rémunérer des fantômes" ; était réputé pour "bien rémunérer ses collaborateurs" et pour sa "gestion rigoureuse".

L’enquête préliminaire ouverte au début de l’été par la brigade financière de Paris, est toujours en cours. C’est en découvrant au sein des (maigres) effectifs du Canard la présence d’une salariée qu’il ne connaissait pas et qui s’est révélée être la compagne d’André Escaro, que le journaliste Christophe Nobili a décidé de mener l’enquête. Les versements de salaires à "Edith", courant sur une période d’environ 20 ans, atteignent une somme estimée à trois millions d’euros.

Des journalistes répondent à la réponse de la direction

Dans un communiqué publié mercredi, des journalistes du Canard enchaîné expliquent avoir essuyé un refus de la direction d'accoler à son billet-réponse en "une" du numéro de mardi, un autre texte signé des salariés du journal (rédacteurs, dessinateurs, secrétaires de rédaction et correcteurs). Visiblement en désaccord avec les explications fournies par leur direction, ils rappellent que "le droit social ne prévoit pas de rémunérer un salarié à la place d'un autre", trouvent que les explications du comité d'administration pour justifier l'emploi d'Edith "prêtent à sourire" et soulignent que l'épouse d'André Escaro est restée, 20 ans durant, "une 'rédactrice' (...) inconnue du reste de ses collègues du journal".

"Nous regrettons que le terme de 'faute', reconnue par la direction lors de la conférence de rédaction du 29 août, ne figure pas, malgré l'intention affichée, dans le plaidoyer publié en une", indiquent encore cette quinzaine de salariés du journal (dont le doyen Claude Angeli, les dessinateurs Wozniak, Kerleroux, Pancho...) qui laisse à la justice le soin de déterminer s'il y a eu ou non dans cette affaire "abus de biens sociaux", accusations que la direction réfute totalement.