Sorare : comment une start-up de vignettes à collectionner virtuelles a réussi une levée de fonds record
Par Julien BaldacchinoUne start-up française valorisée à 3,6 milliards d’euros : l’entreprise Sorare a annoncé ce mardi une levée de fonds de près de 600 millions d’euros. La clé de ce record : le mélange entre un concept vieux comme le monde, les vignettes à collectionner, et les très "bankable" NFT. On vous explique comment ça marche.
C’est un record absolu pour les "jeunes pousses", nom français donné aux "start-up" en France : mardi, l’entreprise Sorare a annoncé une levée de 680 millions de dollars, soit 580 millions d’euros, montant jamais atteint auparavant. Au total, Sorare est valorisée à 4,3 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros), ce qui en fait la plus grosse des "licornes" françaises, ces entreprises qui valent plus d’un milliard sans être cotées en bourse.
Un jeu de cartes 2.0
Mais alors, quel est le concept révolutionnaire de ce nouveau poids lourd de la tech française ? Plongez-vous dans vos souvenirs, et rappelez-vous les cours d’école où vous pouviez échanger des vignettes à l’effigie de vos sportifs préférés pour remplir un album à collectionner. C’est le prinicipe de Sorare : collectionner des cartes virtuelles représentant des joueurs de foot qui évoluent dans 180 clubs. Pour être plus exact, le jeu ressemble plutôt à un jeu de cartes à collectionner (comme les cartes Pokémon ou Magic) plutôt qu’à un jeu de vignettes à coller.
Car en plus de collectionner des cartes, les joueurs peuvent composer des "équipes" de cinq cartes et affronter d’autres joueurs, pour gagner de nouvelles cartes. Là où le numérique joue un prermier rôle intéressant, c’est que la "puissance" de chaque carte évolue jour après jour, en fonction des performances des "vrais" joueurs dans leur club. En d’autres termes, votre équipe de cinq joueurs sera un peu plus forte si, pendant la semaine, ces joueurs ont marqué des buts "dans la vraie vie".
Le tout est adossé à une "place de marché", elle aussi virtuelle, sur laquelle les joueurs et joueuses peuvent s’échanger ou se revendre des cartes - il est aussi possible d’acheter de nouvelles cartes, mises aux enchères par Sorare (mais nous y reviendrons).
Les NFT, formule magique de Sorare
Et c’est tout ? Pas exactement. Car dans son concept, Sorare a un mot magique qui, sitôt prononcé, agite tout le monde de la tech : les NFT. Ces certificats d’authenticité ultra-sécurisés, qui peuvent servir à vendre aussi bien des oeuvres d’art que des tweets, sont aujourd’hui au coeur des discussions du monde des nouvelles technologies. Intimement liés au monde des cryptomonnaies car ils reposent sur le même système de sécurisation, la blockchain, les NFT permettent de donner une valeur réelle à un objet virtuel : en effet, grâce à un NFT, on peut authentifier une pièce "unique" ou en série limitée alors même qu’elle n’est pas palpable.
Vous voyez venir l’astuce ? Un bon jeu de cartes à collectionner repose sur le fait que toutes les cartes n’ont pas la même rareté, certaines, moins répandues, faisant l’objet de toutes les convoitises. Or, si une carte virtuelle est une simple image, impossible de certifier son authenticité. En lançant Sorare en 2019, les fondateurs, Nicolas Julia et Adrien Montfort, ont donc utilisé le principe du NFT pour assurer la rareté des cartes. Il y a donc des dizaines de milliers de cartes "communes", puis des cartes "limitées" dont il n’existe que 1000 exemplaires, des cartes "rares" (100 exemplaires), des "super rares" (10 exemplaires) et des cartes uniques, qui comme leur nom l’indique, ne peuvent être détenues que par une seule personne.
C’est donc là que la "place de marché" décrite plus haut prend tout son intérêt : les cartes les plus rares voient leur prix s’envoler. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la carte la plus chère en vente représente le joueur Ogechika Heil, qui joue pour le club néerlandais des Go Ahead Eagles, et vaut… 2,6 millions d’euros. Si rien ne garantit que cette carte au prix astronomique trouve preneur, on peut avoir une idée plus précise des prix d'échange en regardant les enchères en cours. L’une des dix cartes "super rares" du parisien Messi, mise aux enchères ce mardi à une mise à prix autour de 100€, comptait 16 enchérisseurs, avec une enchère à 26 292€ neuf heures avant la fin de la vente.
Et ces ventes astronomiques ne se font pas en euros, mais en Etherum, la cryptomonnaie dont la blockchain (le fameux registre de transactions hyper-sécurisé) la plus communément utilisée pour les transactions de NFT.
Des actionnaires prestigieux
La recette miracle de la "licorne" pourrait s’arrêter là, mais Sorare a, en plus, pu compter sur le soutien de noms qui eux aussi facilitent la sortie du carnet de chèques : l’entrepreneur touche-à-tout Xavier Niel, patron de Free et actionnaire du Monde, de Deezer et du catalogue de Claude François, est l’un des premiers à avoir misé sur Sorare, qui a investi dès 2019 une somme de 100 000 euros dans l’entreprise. Le fondateur du site Reddit est également entré au capital de Sorare, comme plusieurs fonds d’investissement et… des joueurs de foot. Antoine Griezmann, l’Allemand André Schürrle et l’Espagnol Gerard Piqué, sont aussi actionnaires de Sorare.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Avec cette double légitimité conférée par des noms prestigieux, côté tech et côté sport, Sorare jouit donc d’une croissance vertigineuse. Grâce à cette dernière levée de fonds, l’entreprise espère se lancer aux États-Unis et se développer sur d’autres sports.