Soupçons d'emplois fictifs : cinq ans de prison dont un an ferme requis contre François Fillon en appel
Par Jean-Philippe Deniau, La rédaction numérique de France Inter
Le parquet général a requis cinq ans de prison, dont un ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité contre François Fillon pour des soupçons d'emplois fictifs. Et deux ans de prison avec sursis contre Penelope Fillon.
Cinq ans de prison, dont un an ferme, ont été requis à l'encontre de François Fillon au procès en appel de l'ancien Premier ministre pour des soupçons d'emplois fictifs. Le parquet général a également requis 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité. À l'encontre de Penelope Fillon, il a été demandé deux ans de prison avec sursis, 100.000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité. Le parquet général a enfin requis trois ans de prison avec sursis et cinq ans d'inéligibilité contre son ancien suppléant Marc Joulaud.
Rejugés pour détournement de fonds publics
Dans cette affaire, les trois prévenus, condamnés en première instance, sont rejugés depuis le 15 novembre pour détournement de fonds publics, complicité ou recel de cette infraction notamment, concernant trois contrats d'embauche de Penelope Fillon comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013 pour une rémunération totale de plus de 612.000 euros nets. Dans leur long réquisitoire à deux voix, les avocats généraux Yves Micolet et Bruno Revel plongent dans ce dossier "tout à fait classique de personnes qui se sont enrichies de manière illicite" et "qui ont porté atteinte à l’exemplarité de la République". Car ce dossier, c’est l’histoire d’un "emploi à plein temps avec une activité proche du néant" poursuit l'accusation, qui balaie d'emblée le mythe d’une affaire qui aurait été montée de toute pièce "pour s’immiscer dans le vote des Français". Yves Micolet convoque la fiction pour défendre le travail du parquet national financier, dont certains ont critiqué la rapidité de réaction pour ouvrir une enquête en plein lancement de la campagne de la présidentielle de 2017 : "si M. Fillon avait été élu, on aurait été dans la même problématique que pour MM. Netanyahou et Berlusconi qui ont régné avec le poids du soupçon. Ici, la justice n’a fait que son devoir ».
Puis les magistrats du parquet général en viennent au néant de l’emploi de Mme Fillon : "On a retrouvé quelques notes, quelques articles, quelques présence à des concerts, et même des soins du corps et des conseils vestimentaires. Des activités évanescentes et bien modestes, dont la plupart relèvent d’une relation entre époux__. Le couple a donc monté cette stratégie de dissimulation, ce système d’enrichissement familial dont Pénélope Fillon était parfaitement informée" conclut le parquet général.
Les avocats de la défense vont ensuite plaider que l'enquête regorge d'attestations qui prouvent que Penelope Fillon a mené une réelle activité d'assistante parlementaire auprès de son mari dans la Sarthe, "pas moins de 41 attestations" brandit Maitre Antonin Lévy. Et de toute façon, proteste l'avocat, ce n'est pas à la défense d'apporter la preuve de l'activité de Mme Fillon, c'est à l'accusation de démontrer la fictivité de son emploi. "Et il n'y a aucune preuve qu'elle ne faisait rien" triomphe l'avocat. Me Lévy tentera encore de brandir des moyens de défense qui ont déjà tous été rejetés au cours de la procédure. En plaidant que "le juge judiciaire n’est pas habilité à porter un jugement sur l’activité parlementaire d’un assistant car ce serait donner une appréciation sur le travail du député", c'est contraire au principe de la séparation des pouvoirs de la Constitution, affirme l'avocat en réclamant la relaxe de son client.
Dans ce dossier, les époux Fillon sont aussi mis en cause pour le contrat de "conseillère littéraire" de Penelope Fillon, en 2012 et 2013, à la Revue des deux mondes (135.000 euros bruts). Ainsi que pour l'emploi de leurs deux aînés comme collaborateurs de leur père sénateur entre 2005 et 2007 (46.000 euros nets), un volet sur lequel l'accusation demande la relaxe.
Le procès s'achève ce mardi avec les plaidoiries des avocats de Penelope Fillon et Marc Joulaud. L'arrêt de la cour d'appel de Paris sera ensuite mis en délibéré. En première instance l'an dernier, l'ancien locataire de Matignon, 67 ans aujourd'hui, avait été condamné à cinq ans d'emprisonnement dont deux ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité.