Quarante ans après sa mort, Mao Zedong reste indéboulonnable en Chine. Son héritage embarrasse le pouvoir actuel, mais les produits dérivés nourrissent un marché juteux.
Billets de banque à son effigie, portrait géant sur la place Tiananmen, à Pékin , où repose son corps embaumé, Mao Zedong est "à la fois le Lénine et le Staline du Parti communiste chinois", estime Frank Dikötter, spécialiste de la période maoïste à l'Université de Hong Kong. Lénine pour avoir mis le Parti communiste au pouvoir, Staline pour les horreurs du régime. Certains Chinois conservent cependant une sincère vénération pour Mao, parfois considéré comme un demi-dieu.
Déjà, entre 1966 et 1971, pendant la Révolution culturelle, 2 milliards de produits dérivés sur Mao avaient été fabriqués en Chine, dont 10 000 modèles de pin’s.
Aujourd'hui, près de la place Tiananmen, la boutique de Madame Wang, une ancienne garde rouge, âgée de 66 ans, propose des produits dérivés contemporains ou vintage. Des produits qui s'adressent aux curieux comme aux collectionneurs, de la petite statuette du leader chinois, vendue 400 yuans (environ 55 euros), à l'imagerie plus cheap.
Mais si, juste en face du Mausolée où repose la dépouille de Mao Zedong, les échoppes vendant ces produits-souvenirs sont légion, le consommateur chinois reste assez exigeant au sujet de Mao. En 2010, suite aux plaintes de certains acheteurs, des statuettes en plastique de qualité jugée insuffisante ont été déclarées illégales.
Entre amnésie et vénération
L'actuel président chinois Xi Jinping, dirigeant le plus puissant depuis feu le Grand Timonier, dénonce tout à la fois le "nihilisme historique" et le "néo-libéralisme", avertissement implicite aux idolâtres comme aux détracteurs de la période maoïste.
"On constate une amnésie, suscitée par le pouvoir, sur le bilan réel de Mao", estime Fei-Ling Wang, spécialiste de la Chine au Georgia Institute of Technology.
Toute critique frontale reste un périlleux exercice : en 2015, un présentateur de la télévision publique a été suspendu après la diffusion d'une vidéo le montrant interprétant une chanson qui ridiculisait Mao lors d'une soirée privée.
A l'inverse, louer l'idéologie maoïste est un moyen pour certains de critiquer la voie capitaliste empruntée par l'économie chinoise."Les citoyens, les artistes et les militants doivent constamment naviguer au gré des frontières floues de ce qui est politiquement acceptable", estime Jessica Chen Weiss, spécialiste de la politique chinoise à l'Université Cornell de New York.
Mao, le Grand Timonier
Fils d'un agriculteur aisé, Mao ambitionnait de transformer son pays en un paradis socialiste, un rêve pour lequel il n'a reculé devant aucun excès.
Cofondateur du PCC en 1921, il arrivera au pouvoir vingt-huit ans plus tard, après avoir combattu les Japonais et vaincu l'armée gouvernementale chinoise.
Le 1er octobre 1949, il proclamait l'avènement de la République populaire, en face de la place Tiananmen. Mais les exactions n'ont pas tardé. Obsédé par la traque des "contre-révolutionnaires", Mao a ordonné de multiples purges, qui ont fait des centaines de milliers de victimes.
A la fin des années 1950, son "Grand bond en avant", campagne économique aux objectifs irréalistes, a laminé l'agriculture et provoqué une famine décimant des dizaines de millions de Chinois.
Et durant la décennie précédant sa mort, il a lancé et entretenu la Révolution culturelle (1966-1976), débauche de violence physique et psychologique qui a ébranlé le PCC et traumatisé durablement le pays.
Le "Grand timonier" décédé, le PCC fut prompt à dresser son bilan, considérant dans une résolution longue de 23 000 mots qu'il fut "un grand marxiste et un grand révolutionnaire, stratège et théoricien prolétarien" mais qui a commis de "graves erreurs".