Temps de parole, équité, période de réserve... Ce que recommande le CSA pour l'élection présidentielle 2022
Par Juliette Geay, Alexandra AckounÀ six mois du premier tour, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a présenté aux chaînes de télévision et aux radios ses recommandations pour la répartition du temps de parole et d'antenne des candidats. Dans le viseur du CSA cette année : la présidence française de l'UE et la désinformation.
Comment contrôler le temps de parole des candidats, officiels ou présumés, dans les médias ? Une question hautement sensible, à l'heure où le cas Zemmour agite le monde politique et à moins de six mois de l'élection présidentielle. Traditionnellement, à cette date, le CSA présente ses recommandations pour renforcer le dispositif de pluralisme politique dans les médias audiovisuels, durant la campagne électorale. Comment fonctionne-t-il exactement ? Qu'est-ce qui change cette année ?
La période électorale découpée en trois phases
Les deux tours de l'élection présidentielle 2022 auront lieu les dimanches 10 et 24 avril. Le CSA fait commencer la période de décompte du temps de parole et du temps d'antenne des candidats au 1er janvier 2022. A partir de cette date, et comme lors des élections présidentielles de 2012 et de 2017, trois périodes vont se succéder, avec des règles de comptage de plus en plus strictes.
Première période, du 1er janvier au 7 mars 2022, jusqu'à la publication au Journal Officiel de la liste des candidats officiels à l'élection présidentielle. Durant ces deux premiers mois, les diffuseurs "veillent à l’équité des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens". Les chaînes de télévision et les stations de radio répartissent les prises de parole des candidats et de leurs soutiens en fonction du poids politique de chaque candidat. Il est calculé en fonction de leurs résultats aux précédentes élections, de leur place dans les sondages et leur "contribution à l'animation du débat" (participation à des réunions publiques, déplacements sur le terrain, etc).
Sont considérés comme candidats les personnes qui ont "manifesté publiquement la volonté de concourir à l'élection, même en l'assortissant de conditions" (candidat officiel) et celles qui recueillent "des soutiens publics et significatifs en faveur de leur candidature" (candidat présumé).
Deuxième période, du 8 mars au 27 mars 2022. Alors que les candidatures sont connues, le principe d'équité reste en vigueur, mais il est "renforcé". Le CSA recommande que tous les candidats soient représentés "dans des conditions de programmation comparables", c'est-à-dire qu'ils aient tous accès aux différentes tranches horaires (matin, journée, soirée, nuit) de manière équitable. Ainsi, une chaîne ne peut pas passer seulement la nuit des meetings d'un candidat avec lequel elle a peu d'affinités.
Troisième période, du 28 mars au 8 avril. De l'équité à l'égalité. La campagne électorale, à proprement diteÀ débute deux semaines avant le premier tour. A partir de cette date, les radios et les télévisions doivent respecter une stricte égalité du temps de parole et du temps d'antenne entre les différents candidats, encore une fois sur des tranches horaires équitables. Il n'est plus question de proportionner l'exposition médiatique au poids politique des candidats.
Les modalités de comptage du temps d'antenne
Ce sont les médias, dont la liste est disponible dans la recommandation du CSA, qui sont chargés de transmettre à date régulière des relevés du temps de parole et du temps d'antenne des candidats. Ils les calculent dans tous leurs contenus : journaux, émissions, débats.
Durant l'année, un tiers de l'exposition médiatique revient à la majorité au pouvoir, et les deux-tiers à l'opposition. Les médias calculent déjà le temps de parole des personnalités politique,s mais le temps d'antenne (soutiens, reportage) n'existe qu'en période présidentielle. Depuis 2009, le temps de parole du président de la République n'est décompté que lorsque son discours à trait au débat politique partisan, et non lorsqu'il évoque des affaires courantes liées à sa fonction.
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La période de réserve
La veille et le jour du scrutin, il est "interdit de diffuser tout message ayant le caractère de propagande électorale", précise le CSA, ni sondage ni résultat partiel, pour ne pas influencer le vote des électeurs.
Durant cette période de réserve, les chaînes et les stations peuvent diffuser des reportages montrant des candidat voter, et les personnalités qui les soutiennent, mais sans leur donner la parole. Cette interdiction vaut également pour les médias sur Internet.
Quant aux plateformes de replay et sites internet des médias, le CSA précise que les émissions déjà disponibles et qui évoqueraient les personnalités politiques peuvent rester en ligne.
Comme pour chaque élection présidentielle, le jour du scrutin, il est interdit de communiquer un résultat, partiel ou définitif, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.
La spécificité de l'élection 2022
Cette année, la France prend la présidence de l'Union européenne, le jour même où le CSA fait débuter la période de décompte électoral (le 1er janvier 2022). Le Conseil a donc adapté sa recommandation pour prendre en compte le temps de parole accru et l'exposition médiatique dont va bénéficier Emmanuel Macron, au titre de ses nouvelles fonctions. "On ne décomptera pas le temps d'expression du président en tant que président de l'Union Européenne (...)mais dès qu'il descendra dans le débat public national, on décomptabilisera son temps", précise en conférence de presse le président du CSA, Roch-Olivier Maistre.
Par ailleurs, depuis l'élection présidentielle de 2017, une nouvelle loi (relative à lutte contre la manipulation de l'information, adoptée en 2018) oblige les opérateurs de plateformes en ligne à déployer des moyens pour "lutter contre la diffusion de fausses informations". Le CSA, qui contrôle le bon respect de cette mesure, indique qu'il "va dialoguer avec ces plateformes" durant la campagne, pour limiter le déploiement de fake news. Le gendarme de l'audiovisuel français rappelle également qu'il est en mesure de suspendre le flux d'un média qui diffuserait en France, "sous l'autorité d'un État étranger", de fausses informations qui pourraient altérer le résultat du scrutin. Une compétence que le Conseil n'a jamais utilisée.