Tensions et démotivation chez les infirmiers, avant la deuxième vague de l'épidémie
Par Véronique JuliaDécouragés par leurs salaires et leurs conditions de travail, occupés par une épidémie qui touche, même si de manière inégale, toutes les régions, les infirmières et les infirmiers seront-ils aussi nombreux à venir renforcer les hôpitaux de la région parisienne et des zones les plus touchées ?
"Dans les 15 prochains jours, nous savons que nous arriverons autour de 50% des lits de réanimation occupés par des patients Covid", a déclaré lundi le directeur général de l'Agence Régionale de Santé d'Île-de-France Aurélien Rousseau, qui craint surtout un manque de personnels autour des lits. "La tension sur les ressources humaines est extrêmement forte", a-t-il ajouté. Les hôpitaux des régions les plus touchées vont avoir besoin de renforts, l'APHP a d'ailleurs lancé un nouvel appel aux bonnes volontés, la semaine dernière, invitant "plusieurs centaines" de personnels à venir épauler ses équipes dans les semaines qui viennent. Mais la question est : viendront-ils ? Rien n'est moins sûr...
Au printemps dernier, les personnels sont venus à Paris ou dans le Grand est, parce que leurs régions étaient peu touchées ou parce que leurs services avaient déprogrammé des interventions. Le contexte a changé, l'épidémie sévit un peu partout et on évite au maximum les déprogrammations. Les personnels seront donc moins disponibles. Il y a moins d'envie également. Plus envie de vivre le même stress, la même cadence.
Des salaires qui ne suivent pas
Pour certain il y a aussi de l'écœurement vis-à-vis de la première vague. Des infirmières de cliniques privées qui avaient pris un congé sans solde racontent avoir attendu deux mois leur paie de l'Assistance publique, ce qui les a mis en difficulté. D'autres, intérimaires ou libérales, n'ont pas eu droit à la prime Covid et le Ségur de la santé, s'il améliore la situation, n'a pas inversé la tendance. Le métier continue de faire fuir, explique Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers : "On sera un petit peu mieux payés mais on sera toujours sous-payés par rapport à nos collègues européens. Les jeunes vont voir ailleurs".
"Plutôt que de travailler en sous-effectif pour un salaire minable, ils vont travailler en Suisse ou au Luxembourg où le salaire est doublé !"
Les étudiants infirmiers, pas toujours très bien récompensés non plus pour leur engagement lors de la première vague, s'inquiètent aussi. À Paris, certains se mobilisent pour que leurs stages ne constituent plus, disent-ils, comme au printemps, une main d'œuvre d'appoint bon marché pour les hôpitaux.