Terres de paroles
France Inter en direct le 7 juillet avec Escale estivale de 18h10 à 19h.
Je lis comme je suis
Dans Une histoire de la lecture, un de nos auteurs invités, Alberto Manguel , révèle que la lecture silencieuse ne s’est imposée qu’au Xe siècle après J.-C. La lecture était un talent oral, et on avait l’habitude de lire à haute voix tous les écrits pour « le simple délice des sons ». C’est ce « délice des sons » qui a inspiré la conception de Terres de Paroles, festival de littérature et de lectures à voix haute en la présence des auteurs.Notre ambition : transmettre le plaisir de lire, en donnant à écouter et à savourer les mots des auteurs ; ouvrir et enrichir le patrimoine littéraire déjà exceptionnel de la région normande en accueillant des écrivainscontemporains qui dialogueront avec tous les publics.Le festival se déroulera dans l’ensemble de la Haute-Normandie, avec un spécial « Vélo et littérature » à l’occasion du passage du Tour de France le 5 juillet. Il investira les librairies, bibliothèques, médiathèques, les équipements municipaux, ainsi que les châteaux, les résidences d’écrivains… Innervera les villes mais aussi et surtout les campagnes, du Parc de Clères et du Grenier de la Mothe au Moulin d’Andé, où se réunit régulièrement l’OuLiPo, et au Château de Miromesnil, qui abrita la famille Maupassant.

Les événements prendront des formes diverses : lectures, spectacles et performances musicales d’une demi-heure à une heure seront suivis pour la plupart de rencontres avec les auteurs. Les lecteurs pourront également rencontrer des écrivains en librairie, les voir dialoguer sur des thèmes communs (« Littérature et politique », « Réécrire l’histoire familiale »…), retrouver tous les participants du festival (comédiens, auteurs, musiciens…) lors de tables ouvertes ou encore assister à des « cogitations » qui verront débattre des acteurs du monde littéraire sur des enjeux d’actualité [...]Pour une meilleure lisibilité , nous avons découpé les lectures et spectacles en onze thématiques qui ne sont pas des cases rigides, mais des balises permettant de découvrir et de redécouvrir la littérature d’hier et d’aujourd’hui. Les lettres contemporaines seront à l’honneur, entre grands noms et jeunes plumes prometteuses.[...]De grands comédiens et metteurs en scène viendront incarner et porter ces oeuvres relevant de tous les genres, tous les tons, tous les styles. Enfin, des musiciens et compositeurs viendront prêter leur concours . [...] Autant de précieux appuis pour propager à tous vents le « délice des sons » – ce plaisir de lire etd’entendre lire qui constitue l’essence même de l’humanité.
Quelques thèmes :
La politique
Au risque de la littérature Si l’engagement des écrivains ne suscite plus le même engouement médiatique qu’à l’époque de Sartre et Camus, la politique n’a pas pour autant disparu du paysage littéraire. La littérature est même devenue un enjeu politique, comme en témoigne la sortie de Nicolas Sarkozy sur La Princesse de Clèves, tranchant sur une tradition de présidents lettrés et respectueux, voire amoureux des lettres – du « On n’embastille pas Voltaire » du Général de Gaulle à propos du même Sartre aux regrets de François Mitterrand, qu’effleurèrent des ambitions littéraires.Les années Mitterrand constituent d’ailleurs le cadre de fictions récentes, Le Chapeau de Mitterrand d’Antoine Laurain et Il faudrait s’arracher le coeur de Dominique Fabre .Deux romans désireux de restituer une époque, traitant de politique(s) sans être politisés, quand Grandeur de S de Xabi Molia et les cinq volumes constituant les Chroniques du roi Nicolas Ier de Patrick Rambaud font sur un ton délicieusement mordant le bilan d’un quinquennat de sarkozysme.

Fait divers, fait littéraire
Les faits divers constituent un creuset de choix pour les écrivains – qu’on songe aux affaires Berthet et Delamare, qui furent à l’origine de Le Rouge et le Noir de Stendhal pour l’une, Madame Bovary de Flaubert pour l’autre. Ancrés dans la réalité, « le vrai », ils distillent dans le même temps du mythe, car ils illustrent toujours une transgression, un écart par rapport à la norme, des plus romanesques. Et donnent lieu à des propositions et des écritures multiples. Romançant une affaire d’imposture, Minh Tran Huy en fait le prétexte d’un ouvrage à tiroirs (histoire d’amour, interrogation sur l’engrenage médiatique, hommage à la fiction) et à rebondissements. S’inspirant de la disparition de la petite Maddie McCann, Arthur Dreyfus choisit comme le professait Maupassant de sacrifier la « vérité » sur l’autel du vraisemblable. Support d’une quête personnelle pour Stéphanie Polack , dont l’oncle fut guillotiné pour meurtre, le fait divers est reconstitué avec méthode chez Didier Decoin , qui en explore les dimensions psychologiques et sociales.
Féminités
Ce sont moins des écritures féminines que des oeuvres qui prennent la féminité pour objet de leur réflexion historique, philosophique, mais surtout romanesque qui sont à l’honneur dans ce cycle comprenant également des spectacles et performances. Nathalie Kuperman et Nathalie Léger décrivent la fascination d’une femme pour une autre tout en questionnant les liens filiaux et familiaux. Jouant des codes du conte et de la fable, Véronique Ovaldé et Carole Martinez mettent en scène des héroïnes qui luttent contre les préjugés et les conventions pour conquérir leur liberté. Tandis qu’Annie Ernaux et Marie Nimier s’appuient sur des données autobiographiques pour délivrer un autoportrait en forme de fiction, et vice-versa.Laurent Gaudé et Christian Prigent , enfin, choisissent de donner la parole à une femme et d’exposer sa vision du monde, qu’elle touche au mythe, à la tragédie, ou au contraire à un quotidien résolument contemporain. Huit auteurs et autant de façons d’explorer le mystère féminin…

Essais en scène
L’essai peut parfois donner lieu, au même titre que le roman, à une richesse d’écriture, d’invention et de forme se prêtant pleinement à la lecture à voix haute.Les différents textes présentés, qui relèvent tous de ce genre, font également entendre des voix singulières, des voix d’écrivains – Belinda Cannone, Simon Leys et Ivan Jablonka sont d’ailleurs également des romanciers. C’est moins du fait de leur contenu que de celui de leur travail sur la langue, la phrase, et la construction même de leur propos, que La Chair du temps, Le Studio de l’inutilité et Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus s’inscrivent dans le champ du littéraire.Ivan Jablonka ne l’entend pas autrement, qui qualifie son travail de « littérature à l’exigence de la méthode », tandis que Belinda Cannone use avec habileté du récit pour « incarner » le cheminement de ses pensées, et que Simon Leys met son style et ses exceptionnels talents de conteur au service de lumineuses analyses.
Les inclassables
Neuf lectures et spectacles « hors parcours » , chemins buissonniers menant à la mise en scène de soi (Denis Podalydès, Alain Veinstein) mais aussi celle des autres (Pierre Desproges, Guy de Maupassant), à l’ailleurs géographique (Céline Curiol, Michaël Ferrier) comme à l’ailleurs poétique (Maurice Pons, Mariette Navarro, Jacques Bonnaffé et Vincent Roca).
Les lieux
