Théâtre de la Colline : le directeur ne déprogrammera pas Bertrand Cantat
Par Xavier DemagnyDans un courrier publié sur le site du théâtre, Wajdi Mouawad explique être prêt à quitter son poste de directeur "sur le champ", réagissant aux critiques formulées par Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, à propos de la présence de Bertrand Cantat comme compositeur de la musique d'un spectacle.
Musique originale, Bertrand Cantat. C'est ce qu'indique la fiche technique du spectacle "Mère", qui doit démarrer dans un mois au théâtre national de la Colline, dans le XXe arrondissement de Paris. Mais la présence au générique de l'ancien chanteur de Noir Désir (condamné à huit années de prison pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant, peine qu'il a purgée) suscite une vive polémique depuis 24 heures.
Mardi soir, le créateur du spectacle, Wajdi Mouawad, qui n'est autre que le directeur du théâtre, a réagi dans une lettre aux critiques formulées lundi sur France Inter par Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, expliquant être prêt à quitter la direction de l'établissement culturel "sur le champ" si nécessaire.
Bachelot respecte "la liberté de création" mais "regrette" la présence de Cantat
Invitée de France Inter lundi matin, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, est interpellée par plusieurs questions d'auditrices et d'auditeurs à propos de la présence de Bertrand Cantat comme compositeur de la bande originale de ce spectacle. "Il y a deux choses : la liberté de création, bien entendu, et la question est à poser à Wajdi Mouawad qui ne peut pas dans ce domaine être accusé de la moindre complaisance dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles", commence à répondre la ministre. Avant d'ajouter : "Je n'ai pas à intervenir dans la gestion de la Colline, je regrette néanmoins que Bertrand Cantat ait été invité."
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Mouawad dit être prêt à démissionner "sur le champ"
Dans un courrier publié sur le site du théâtre de la Colline, mardi soir, le directeur du théâtre explique son choix et sa position. Affirmant son adhésion "sans réserve" aux "combats pour l'égalité entre les femmes et les hommes et celui contre les violences et le harcèlement sexuel", Wajdi Mouawad indique qu'il est "hors de question" pour lui de "se substituer à la justice" et qu'il ne peut "en aucun cas appuyer ou partager le sacrifice que certains font, au dépend de la justice, de notre État de droit".
Une personne "qui a commis un crime ou un délit envers une femme devient pour toujours (...) un symbole de la violence faites aux femmes", qu'elle soit "entendue, mise en examen, jugée, disculpée, condamnée incarcérée ou libérée", constate Mouawad, qui a commandé à Cantat la musique de son spectacle "Mère". Il poursuit : "Je ne cherche à convaincre personne et, si la ministre de la Culture ou le président de la République, qui m'a nommé, considèrent que mes positions sont contraires aux principes républicains, que l'un ou l'autre me le fasse savoir et je quitterai la direction du théâtre sur le champ."
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"Toute personne libre au regard de la loi a le droit d'aller et venir, d'être invitée comme spectateur ou comme artiste. Je ne croyais pas qu'au pays des Droits de l'Homme, je doive défendre la présence d'un citoyen libre dans l'enceinte d'un théâtre public", écrit-il encore.
Précisant que si une personne "programmée ou invitée" au théâtre "se trouve engagée dans une procédure judiciaire", il l'inciterait à se retirer mais que "à ce jour, personne ne se trouve dans cette situation". Ainsi, "je ne vois donc pas en quoi je devrais changer quoi que ce soit, ou demander à qui que ce soit de se retirer", souligne le metteur en scène.
Théâtre dans la tourmente
Lundi soir, "Libération" rappelait que Wajdi Mouawad et Bertrand Cantat n'en étaient pas à leur première collaboration. Une autre création commune avait créé la polémique en 2011, au festival d'Avignon. Le chanteur devait se produire sur scène alors qu'était attendu au même festival Jean-Louis, le père de Marie Trintignant.
Le quotidien note aussi que le même théâtre doit accueillir en novembre les répétitions de la prochaine création du metteur en scène Jean-Pierre Baro. Il avait été visé en 2018 par une plainte pour viol, classée depuis sans suite par le parquet de Paris, et avait démissionné de la direction du Centre dramatique national d’Ivry fin 2019 sous la pression publique et une grève du personnel de l’établissement.