Tom à la ferme

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Tom à la ferme

Un film de Xavier DolanAvec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Elise Roy, Evelyne Brochu

Un jeune publicitaire voyage jusqu'au fin fond de la campagne pour des funérailles et constate que personne n’y connaît son nom ni la nature de sa relation avec le défunt.Lorsque le frère aîné de celui-ci lui impose un jeu de rôles malsain visant à protéger sa mère et l'honneur de leur famille, une relation toxique s'amorce bientôt pour ne s'arrêter que lorsque la vérité éclatera enfin, quelles qu'en soient les conséquences.

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Après la plus ou moins consciente trilogie sur l’amour impossible – J’ai tué ma mère, Les Amours imaginaires, Laurence Anyways – un changement de cap s’imposait.Plusieurs possibilités s’offraient à moi. J’ai ouvert le tiroir du petit secrétaire en bambou rempli de post-it et de napperons de restaurants noircis d’idées, de répliques et de synopsis de deux trois mots comme ceux qu’on trouve dans le guide télé.Il y avait une sorte de thriller politique – pour changer, ça changerait – il y avait l’écriture de mon premier film en anglais, The Death and Life of John F. Donovan – mais je voulais écrire pour tourner, et non pour attendre. Il me fallait un scénario-éclair pour un tournage en vitesse.Or, j’avais vu il y a un moment déjà la pièce Tom à la ferme. C’était à l’hiver 2011, je crois, et j'étais en pleine pré-production pour Laurence Anyways.Sur scène, ce soir-là, Lise Roy – qui reprendrait plus tard son rôle dans le film – avait livré le monologue de profond épuisement d’une mère qui, tout juste revenue des obsèques de son fils, explosait sur la pénible préparation de la salade de macaronis qui faisait sa réputation. Elle en vidait tout le contenu – personne n’y avait touché – en vociférant son dégoût pour cette recette et, du même coup, pour son entourage qui la contraignait à la faire, année après année. Le monologue de la salade de pâtes restait en surface, centré sur des doléances purement alimentaires, mais évoquait les souffrances beaucoup moins superficielles d’une femme qui n’a jamais connue que la ferme, les étreintes maladroites de son mari décédé et de ses fils, le train des vaches, et le chemin de terre au bout duquel on finit par désespérer de voir quelqu’un arriver. La « salade de pâtes », ironiquement, fût finalement coupée au montage, réminiscence probablement trop théâtrale de la pièce.Mais ce détour au pays de la détresse maternelle sillonnait des routes trop familières pour que je ne rêve pas de les porter à l’écran. L'auteur Michel Marc Bouchard excellant dans le rapport à la famille et au patelin du point de vue de l’étranger comme de l’hôte, son texte évitait les écueils des à-priori urbains sur la campagne. La brutalité du rapport entre les deux rôles principaux masculins, élégant et esthétique sur scène, augurait déjà à l’écran d'une saleté et d'une violence qui m’éloigneraient de mes zones de confort. La pièce explorait plusieurs ambiances, mais je savais que de toutes celles ressenties c’était la peur, l’angoisse et l’étrangeté qui seraient les plus payantes à l’écran, et surtout, surtout, que c’était là toute la nouveauté quej’espérais.Dehors sous la marquise, dans la fumée des cigarettes que tout le monde avait méritées, je demandais àMichel Marc qui adapterait la pièce au grand écran.Il me répondit : "Personne, pourquoi? Tu as quelqu’un en tête?""Oui, moi.", répondis-je avec l'humilité de Néron dans Britannicus.Mais, sérieusement, c'est à peu près comme ça que ça s'est passé.Xavier Dolan