Tony Visconti : "Pour moi Blackstar de David Bowie est un chef-d’œuvre"
Par Matthieu Culleron
Président du jury au Anchor Award à Hambourg , le producteur légendaire de Bowie revient en exclusivité et pour la première fois sur sa carrière depuis la disparition de la star.
Très discret depuis la mort de David Bowie, Tony Visconti s'est retrouvé président du jury à l'occasion de la 11e édition du festival Reeperbahn à Hambourg. Celui qui a produit 12 albums studio s'est rendu dans la ville qui a été témoin des débuts des Beatles. L'occasion pour le producteur de revenir sur sa passion pour George Martin (le producteur des Beatles) et de revenir pour la première fois sur le dernier disque qu'il a produit avec David Bowie : Blackstar. Lui qui a commencé à être musicien de studio et producteur à 13 ans ! Rencontre :
On se trouve ici à Hambourg la ville où les Beatles ont débuté leur carrière professionnelle. Quelle importance a eu ce groupe pour vous ?
"Je voulais passer plus de temps en studio et c’est en fait en écoutant George Martin et les Beatles que j’ai voulu consacrer ma vie à la production. J’entendais chez eux des choses qu’on ne pouvait pas reproduire en live. Il fallait que je comprenne et que j’en sache plus sur cette magie."
J’ai écouté Revolver sous LSD…
L’album Revolver a été important par exemple pour vous ?
« L’album Revolver a changé ma vie ! Je vais vous raconter un petit secret que désormais tout le monde va savoir, j’ai écouté Revolver sous LSD… Bon tout le monde faisait ça à l’époque. Mais je pouvais écouter des choses que je n’avais jamais écoutées auparavant chez d’autres artistes. Et lorsque que l’effet du LSD s’est estompé et que j’ai réécouté Revolver et bien j’entendais toujours ces sons. L'album Sergent Peppers n’arrive pas au niveau de Revolver. Pour moi ce disque c’est de la production de très haut niveau. Moi, je faisais de la guitare classique, de la contrebasse, des études d’arrangeur et d’orchestrateur, mais en même temps j’aimais le rock. En écoutant George Martin, j’avais trouvé mon chemin. Je me suis dit : ‘voilà ce que je peux faire !’ ».
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Nous célébrons cette année les 40 ans du Punk, comment avez-vous vécu ce mouvement ?
« Au départ j’étais très anti punk. Moi, je faisais des orchestrations de cordes. Le punk arrive et prend de court tout le monde. Les types deviennent fous en studio, hurlent, jouent hyper mal. Je détestais ! J’étais anti punk. Mais en fait c’était le meilleur mouvement à cette époque car la musique devenait trop sophistiquée. Les mecs comme moi devenaient conservateurs. Moi aujourd’hui, je ne suis pas conservateur, je me considère même comme socialiste et très anti gouvernemental, finalement ce n’est que maintenant que je considère le punk à sa juste valeur. »
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Il n’y avait qu’un seul synthé Moog dans toute la ville de Londres.
Est ce l'arrivée des premiers synthétiseurs a modifié la production musicale ?
« Quand j’ai fait The man who sold the world avec David Bowie, il n’y avait qu’un seul synthé Moog dans toute la ville de Londres. Quand le synthétiseur est apparu à la fin des années 60, je voulais vraiment en avoir un. Je l’ai loué pour les sessions. Le producteur Chris Thomas est venu car il était le seul à savoir le faire marcher. J’ai vu dans cet instrument un grand avenir pour la musique. Quand j’ai entendu du Beethoven joué aux synthés dans la BO d’Orange Mécanique, j’étais fasciné. Je trouvais ça si beau ! David Bowie adorait cet instrument. »
Votre parcours avec David Bowie est unique dans l'histoire de la musique
« Je suis fier de ne m’être jamais lassé d’être le producteur de David Bowie pendant tant de décennies. J’ai commencé avec lui en 1968 avec Space Oddity et j’ai fait son dernier album Blackstar. Entre ces deux-là j’en ai fait 12 avec lui. C’est très rare qu’un producteur travaille autant de temps avec un même artiste. Il y a trois albums qui se détachent pour moi et j’aimerais un jour qu’on se souvienne de moi à travers eux. Le premier c’est The man who sold the world, Scary Monsters et Blackstar. Je suis si fier de la production de ces albums et je les ai faits évidemment avec mon cher ami David Bowie. Tout cela lui revient bien sûr mais j’ai été très impliqué dans la fabrication de ces disques. Sur ces productions David et moi avons travaillé comme des frères. Nous avons toujours été des amis mais aussi de très bons collègues. »
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
A chaque fois que je l’écoute je suis toujours très très ému.
Beaucoup considèrent Blackstar , le dernier disque de David Bowie comme un chef-d’œuvre ...
« Pour moi Blackstar est un chef d’œuvre ! On a fait des choses sur ce disque qu’on a jamais faites auparavant. Notamment en utilisant cet incroyable groupe de jazz. C’est la chose la plus intéressante que j’aie faite dans ma vie. Ça a pris du temps à faire mais je n’avais qu’une envie à cette époque : me rendre au studio pour travailler sur cet album. Je trouve ça trop dur de le réécouter mais je l’ai tout de même écouté dix fois depuis que David Bowie est mort. A chaque fois qu’ils sortent un vinyle, je dois faire des contrôles de la qualité du son et à chaque fois que j’écoute je suis toujours très très ému. C’est très dur de n’écouter que la qualité du son. C’est un album magnifique, magnifique ! C’est probablement les plus belles voix qu'il ait jamais faites.