Transports, logement, consommation : ce que contient (ou non) le projet de loi "climat et résilience"
Par Kevin Dufreche, Célia QuilleretIssu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le texte est présenté en conseil des ministres ce mercredi. Quelles sont les propositions de la Convention reprises par le gouvernement ? Lesquelles ne le sont pas ?
C'est un texte sur lequel le gouvernement se sait très attendu, y compris par sa majorité : le projet de loi "climat et résilience" arrive ce mercredi matin sur la table du conseil des ministres. Une loi issue des travaux rendus par la Convention citoyenne pour le climat (CCC) en juin 2020, qui avait pour mission de présenter un plan de réduction des gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030. Un objectif déjà revu à la baisse, puisque le gouvernement estime que la loi permettra une réduction autour de 20%. La ministre de la Transition écologique et solidaire Barbara Pompili concédant même dimanche dans le JDD que "cette loi ne permet pas à elle seule d'atteindre l'objectif".
Emmanuel Macron s'était engagé à reprendre ces 150 propositions "sans filtre", mais qu'en est-il vraiment ? Quelles propositions de la convention citoyenne ont été reprises, totalement ou partiellement ? Lesquelles ont été totalement mises de côté ?
Ce qui est dans le texte
Le secteur des transports représente 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Pour tenter de les faire baisser, plusieurs pistes sont présentes dans le texte :
- Instauration de zones à faibles émissions (limitant la circulation de certains véhicules) d'ici 2025 dans toutes les métropoles de plus de 150.000 habitants
- Durcissement des limites d'émissions des véhicules particuliers, avec des interdictions à la vente à partir de 2030
- Interdiction des vols aériens sur toute liaison également assurée par train direct en moins de 2h30
- Obligation pour les compagnies aériennes de compenser les émissions de leurs vols intérieurs (50% en 2022, 70% en 2023, 100% en 2024)
Des propositions certes issues des travaux de la CCC, mais souvent rabotées. Pour l'interdiction des vols domestiques au profit du train, elle souhaitait par exemple que cela concerne les trajets de moins de 4h et non 2h30. Les citoyens souhaitaient aussi la disparition des voitures les plus polluantes dès 2025, finalement seulement 1 à 3% d'entre elles seront interdites à la vente à partir de 2030. Résultat, un texte qui n'est pas à la hauteur des enjeux pour Benoit Leguet, directeur de l'institut de l'économie pour le climat : "Le risque, c'est que ces mesures ne se traduisent pas par des réductions d'émissions à la hauteur des enjeux, et il faudra payer plus tard pour les réduire encore plus parce qu'on ne s'est pas mis sur la bonne trajectoire dès le début."
Sur le logement, le gouvernement veut interdire à la location les "passoires thermiques" à partir de 2028. Il s'agit des logements classés F et G, soit près de 5 millions en France, qui pour être toujours louables devront passer au moins en classe E. Le texte prévoit aussi de diviser par deux l'artificialisation des sols par rapport à la période 2010-2020 et d'interdire, sauf dérogations, la création de nouvelles surfaces commerciales engendrant une artificialisation.
Là aussi, de la déception du côté des associations et des ONG. "Il n'y a rien d'efficace, assène Olivier Sidler, spécialiste du logement pour l'association Negawatt. La convention citoyenne avait fait deux propositions très simples : rendre obligatoire la rénovation de tous les logements, avec des échéances et elle précisait qu'il fallait que ce soit des rénovations complètes et performantes. C'était très simple. Et qu'est ce que l'on trouve dans ce texte ? Aucune obligation à rénover." Sur les passoires thermiques, Olivier Sidler estime que "l'effort est dérisoire. C'est une occasion vraiment manquée, on passe complètement à côté. On ne fait rien."
Du côté de la consommation, on note l'instauration d'un "score-carbone" sur tous les produits et services, l'interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles et un objectif de 20% de la surface de vente consacrée à la vente en vrac à partir de 2030, dans les commerces de plus de 400m².
Enfin pour ce qui est de l'alimentation, l'obligation d'utiliser 50% de produits durables et 20% bio sera étendue à la restauration collective privée d'ici 2025. Les collectivités locales volontaires pourront expérimenter un menu végétarien quotidien.
Ce qui n'y figure pas
La grosse polémique des dernières semaines concerne l'instauration ou non d'un "crime d'écocide", comme demandé par la CCC. Si le terme "d'écocide" (la destruction des milieux naturels, ndlr) est bien présent dans le texte, il s'agira d'un délit, et de nombreux défenseurs de l'environnement estiment que ce n'est qu'une façade : "Constituent un écocide les infractions prévues aux articles L.230-1 et L.230-2 lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle." Voilà ce que dit le texte. Mais pour certains spécialistes du droit environnemental, comme l'avocat Sébastien Mabile, prouver l'intentionnalité d'une destruction de la nature sera très compliquée, tout comme faire condamner les auteurs.
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Le texte ne contient pas d'article sur la réduction de la vitesse sur autoroute. La CCC proposait de passer de 130km/h à 110km/h, pour limiter la pollution émise par les voitures thermiques sur la route. Dès son discours devant les membres de la Convention le 29 juin, Emmanuel Macron avait sur cette mesure utilisé un "joker", estimant qu'il fallait "reporter le débat". Le président de la République avait sans le dire fait allusion au débat sur le passage des routes départementales à 80km/h, craignant alors qu'avec cette mesure sur la vitesse sur autoroute, les travaux de la convention "ne s'abiment dans une polémique." "Croyez-moi, je formule cette proposition en spécialiste", avait alors souri le chef de l'État.
Dès le 29 juin également, Emmanuel Macron refusait l'idée d'une taxe de 4% sur les dividendes, en vue de financer la transition écologique. "C'est réduire notre chance d'attirer des investissements supplémentaires", estimait alors le chef de l'État.
Autre proposition de la CCC concernant les taxes non retenue par le gouvernement, l'abaissement de la TVA de 10% à 5,5% sur les billets de train. Une proposition remise sur la table par le Sénat, qui a voté pour un amendement socialiste en ce sens lors de l'examen du budget 2021 en novembre dernier. Le ministre du budget Olivier Dussopt avait alors exprimé ses "plus grandes interrogations" quant à la baisse effective du prix des billets de train. Et il estimait les pertes pour le budget de l'État "entre 500 millions et 2 milliards d'euros".
Pas question non plus de mettre en place une taxe "carbone" nationale sur les poids lourds, ni une "éco-contribution" sur les billets d'avion.
D'autres propositions reprises par le Parlement ?
Certaines propositions non retenues dans le projet de loi du gouvernement pourraient en revanche être ajoutées au texte via des amendements lors des travaux parlementaires, qui commenceront en mars à l'Assemblée nationale. Ce pourrait être le cas pour le chèque alimentaire proposé par la CCC pour les plus démunis "à utiliser dans les AMAP ou pour des produits bio". Emmanuel Macron s'y était dit lui-même favorable lors d'une rencontre mi-décembre avec certains des membres de la Convention, mais il ne figure pas dans le texte présenté ce mercredi au conseil des ministres.
Sur la publicité, certains députés pourraient aller plus loin en reprenant tout ou partie des propositions de la CCC sur le sujet, comme " l'interdiction de la publicité aux produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre" (certaines voitures, transport aérien...) ou "réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation".