Trottinettes électriques : “Qui accepterait de monter sur un cheval au galop sans casque ?”

Publicité

Trottinettes électriques : “Qui accepterait de monter sur un cheval au galop sans casque ?”

Par
Trottinettes électriques en libre service, ici de la marque Lime.S
Trottinettes électriques en libre service, ici de la marque Lime.S
© Radio France - Stéphanie Berlu

Elles sont de plus en plus nombreuses, dans les grandes villes particulièrement. Selon le professeur Alain Sautet, chirurgien orthopédiste à Paris, il y a de plus en plus de blessures et d’interventions à cause des trottinettes électriques.

Il appelle à la plus grande prudence. Chef du service orthopédique de l’ hôpital Saint-Antoine à Paris, le professeur Alain Sautet tire la sonnette d’alarme. Il constate, depuis la rentrée de septembre 2018, un nombre trop important de blessures graves causées dans des accidents de trottinette électrique. Il regrette notamment le manque de sécurité autour de ce moyen de transport séduisant et rapide, notamment dans les grandes villes. Le médecin réclame un minimum de régulation. 

FRANCE INTER : Que constatez-vous ces derniers mois ? 

Publicité

Alain Sautet : "Il y a eu depuis la rentrée 2018 une augmentation de l’offre de trottinettes dans Paris. En même temps, en l’espace de deux mois, nous avons opéré 17 parisiens [qui avaient chuté alors qu’ils circulaient en trottinette]. Ce qui nous alerte, c’est que ce moyen de locomotion urbain apparaît sans régulation. Ce sont des gens de 30 à 35 ans, des parisiens, CSP+, qui veulent se déplacer rapidement et n’apprécient pas vraiment le métro."

25 km/h, c’est la vitesse d’un cheval au galop

**Alain Sautet : "**Mais il y a des trous sur les voies, les pavés dans Paris ne sont pas d’une régularité parfaite. Ces personnes risquent de glisser, de tomber dans un virage, de télescoper quelqu’un. Enfin, sur une trottinette standard, la vitesse de 25 km/h est difficile à obtenir. Là, elle est atteinte en moins de quelques secondes. Et il faut avoir à l’esprit que 25 km/h, c’est la vitesse d’un cheval au galop. Mais qui accepterait de monter sur un cheval au galop sans casque ?" 

Quels sont les cas les plus visibles ? 

**Alain Sautet : "**Ce n’est pas tant le nombre d’accidents que le type de pathologies qui pose problème. Elles sont, en plus, différentes en fonction de l’âge. Les sujets de moins de 30 ans se font des fractures de l’os, radius, poignet, coude sans conséquences sur le long terme. Passés les 40 ans, il faut être plus prudents car l’on va chuter plus lourdement avec plus de dommages et ce sont les membres inférieurs (hanche, genou, jambe, cheville) qui vont subir des fractures qui peuvent générer de l'arthrose. J’ai, par exemple, un patient qui a été pris en charge dans le service avec une fracture de la rotule et de l’extrémité supérieure du tibia."

Ce sont des fractures extrêmement graves

"Cette fracture est source d'arthrose post-traumatique précoce. Il ne sera jamais comme avant et va devoir bénéficier de rééducation, de décharge d’une jambe sur l’autre. Un autre exemple, une fracture de l’extrémité inférieure du radius chez une femme de 50 ans : on se fait d’habitude ce genre de fractures, quand on passe les 70 ou 80 ans, et cette femme a là pris 30 ans d’avance. Enfin, nous avons un patient, le plus âgé de notre série (il a 85 ans) qui s’est senti une envie de se déplacer en trottinette et qui s’est fracturé le col du fémur. Ce sont des fractures extrêmement graves."

Que faut-il faire, selon vous ?

"Ce serait excessif de dire de ne pas utiliser ces trottinettes, mais il faudrait pouvoir circuler sur des voies réservées. Les roues, relativement petites, se bloquent dès qu’elles passent dans un trou alors qu’à vélo ou en scooter, vous passez sans problème. Si vous vous arrêtez brutalement, vous allez être projeté, chuter lourdement. Je pense également que le port du casque est indispensable, au minimum pour protéger le crâne. La circulation sur les trottoirs doit être aussi soit très limitée, soit interdite. Il y a un vrai risque pour les personnes âgées, par exemple. Il faut porter le casque mais donc aussi circuler sur les voies réservées. J’estime que les pouvoirs publics vont devoir légiférer sur l’utilisation de ce nouveau moyen de transport urbain comme on l’a fait sur les mobylettes, les vélos, etc."