La posture de la Turquie dans la guerre contre Daech a le don d'irriter les Occidentaux. Ankara coopère en effet à minima. Vu la porosité de sa frontière avec la Syrie et l'Irak longue de plus de 900 km, les autorités turques ont raison d'être inquiètes des récents développements. Mais sur "l'axe du mal" de la Turquie, la lutte contre le PKK et Bachar Al-Assad constituent les deux priorités diplomatico-sécuritaires du président Erdogan. Pour Ankara, les djihadistes de Daech semblent être un moindre mal. C'est un nouvel acteur que les Turcs connaissent mal, ce qui n'est pas le cas de "l'ennemi kurde" ou du "tyran" syrien.
A Istanbul, un diplomate occidental nous a bien confirmé que "des éléments de l'Etat islamique se font soigner dans les hôpitaux turcs. Les djihadistes passent la frontière pour se reposer et tenir des réunions en territoire turc alors que les services de renseignement turc sont parfaitement au courant." Ce diplomate estime que la_"Turquie fait preuve d'imprudence et joue au apprenti sorcier."_
Au début, l'organisation de l'Etat islamique considérait la Turquie comme une base arrière et une terre de transit pour ses partisans venus d'Europe. Aujourd'hui, Daech a commencé à liquider physiquement des opposants syriens sur le sol turc. Pour le moment, Ankara ferme les yeux sur cette dérive. Officiellement, la Turquie a dressé une liste d'environ 6 000 personnes indésirables sur le sol turc. Quand les pays européens signalent des individus sur cette liste, les services turcs coopèrent. Mais il y a tous ceux qui ne sont pas inscrits dans ce fichier, et là, les Turcs ne sont pas très pro-actifs...
A la frontière turco-syrienne sur les points de passage officiels, les douaniers et les policiers empêchent les étrangers et notamment les Européens de pénétrer en Syrie. En revanche, les Syriens et les Turcs vont et viennent comme ils veulent. Certains observateurs estiment que cette posture plutôt molle vis-à-vis des djihadistes pourraient bien un jour se retourner contre la Turquie, car la lutte contre Daech est un combat de longue haleine et qu'elle le veuille ou non, la Turquie est en première ligne.