Twitch : invité sur la chaîne de Samuel Etienne, Jean Castex fait... du Jean Castex
Par Xavier DemagnyLe Premier ministre, Jean Castex, était l’invité de la chaîne Twitch du journaliste Samuel Etienne, dimanche soir. Dans un effort de pédagogie, il a répondu aux (très) nombreuses questions des internautes, mais sans vraiment convaincre les utilisateurs de la plateforme.
"Je ne connaissais pas Twitch, je suis un peu stressé", a entamé Jean Castex. Invité de la chaîne du journaliste Samuel Etienne, il s'est frotté dimanche soir à un exercice inédit "de pédagogie" pour lui, venant ainsi communiquer avec la jeune communauté de cette plateforme, via le chat, adossé au flux vidéo direct. Reconnaissant son style "vintage" dès le début de la conversation, le Premier ministre, qui avait fait tomber la cravate, n'a toutefois pas réussi à se mettre au niveau de la plateforme, à se libérer du ton parfois professoral et des (trop) longues réponses qui peuvent lui être reprochés. "Trop de langue de bois", ont noté beaucoup d'internautes présents dans le chat.
"Il n'a pas joué le jeu et n'a pas fait preuve de sincérité", "réponses à côté de la plaque", "il n'a pas compris l'exercice", "décevant" et "ennuyant", pouvait-on aussi lire dans les commentaires, au milieu d'un immense flot de questions et de remarques. Si la conversation a réuni jusqu'à 85 000 personnes connectées, battant ainsi le record de la rencontre avec François Hollande, le live n'a pas duré aussi longtemps qu'avec l'ancien président : seulement 1 heures 30 contre près de 3 heures.
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Covid, vaccination, restaurants, rugby, etc.
"Moi, ce que je voulais, c'est parler avec des personnes qui n'écoutent pas les conférences de presse, ne regardent pas les JT, etc. (...) Le premier objectif, c'est de se faire comprendre, pas forcément de plaire ou de dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre", a expliqué le Premier ministre en exercice.
Contrairement à l'ancien chef de l'État qui était apparu à visage découvert aux côtés du journaliste (les deux s'étant fait tester), Jean Castex a expliqué avoir demandé à ce que le masque soit porté pendant cette rencontre, pour ne pas transgresser les règles imposées à tout le monde.
En répondant aux questions relayées par Samuel Etienne, Jean Castex n'a pas fait d'annonce et il aurait sans doute paru incongru d'en faire dans ce cadre-là. Mais il a abordé pêle-mêle la crise sanitaire ("On n'est pas encore sorti de l'auberge"), la campagne de vaccination, le cannabis récréatif, la question du vote blanc ou encore la situation judiciaire du ministre Gérald Darmanin. Morceaux choisis :
- Un éventuel reconfinement en Île-de-France : "Confiner, c'est très dur, il ne faut prendre cette décision que lorsqu'on a tout essayé. La difficulté c'est qu'on ne peut pas prendre un département isolément. Il y a beaucoup de flux de population, on est obligé de considérer l'Ile-de-France globalement. [Mais] si c'est nécessaire, comme on l'a fait ailleurs, nous y procéderons (...). On a démarré [le confinement le week-end dans le Pas-de-Calais et les Alpes-Maritimes] quand le taux d'incidence était à 400 pour 100 000 habitants. [En Ile-de-France], il est encore en dessous."
- Le vaccin AstraZeneca : "Si j'avais le moindre doute, je demanderai sa suspension. À ce stade, il faut avoir confiance dans ce vaccin et se faire vacciner, je le dis de la façon la plus solennelle, sinon on on aura des retards dans la vaccination, les Françaises et Français seront moins protégés et la crise sanitaire durera longtemps."
- Les restaurants fermés : "C'est très douloureux, car c'est un art de vivre à la française, des lieux de convivialité. Mais on sait que c'est le lieu, avec les domiciles privés, où on se contamine le plus."
- Gérald Darmanin accusé de viol : "On peut tous, vous ou moi, être accusés, comme Monsieur Darmanin (...) qui a droit au respect de son innocence. Il n'y a aucune raison qu'il quitte le gouvernement compte tenu des règles."
- Le vote blanc : "Quand on va voter blanc, on fait un acte citoyen. Mais reconnaître le vote blanc ne va pas changer la face des choses."
- TousAntiCovid : "Je ne dirais pas que StopCovid n'a servi à rien. (...) Incontestablement, ces applis n'ont pas produit tous les résultats qu'on en attendait. Mais il faut continuer à continuer cette appli, améliorer ses fonctionnalités protectrices."
- Le cannabis récréatif : "Une fausse bonne idée. (...) Je n’y suis pas favorable, j’ai trop vu en tant que maire, de dégâts, que ça occasionne. La santé d’abord."
- Son positionnement politique : "De centre-droit, d'inspiration gaulliste", mais ni chez LR ni LaREM.
- La Ve République en bout de course : "Ce n'est pas mon avis. Je ne pense pas que les institutions soient la cause des problèmes existants."
- Le match du XV de France face à l'Angleterre : "Je tire mon chapeau à l’équipe de France, mais j’aurais préféré un résultat différent. J’ai regardé de près, je ne suis pas totalement convaincu par la décision prise par le corps arbitral. La victoire aurait été grandement méritée."
- Les vacances d'été : "Ce ne sera pas des vacances normales. (...) La différence, c'est qu'on aura vacciné, et on retrouvera une partie de notre liberté. Certains réflexes de prudence, de comportement, de règles sanitaires, resteront."
- Les pseudos sur les réseaux sociaux :"Se cacher derrière un pseudo pour appeler à la haine, c'est le règne de la lettre anonyme !"
Lorsque le chat l'a par exemple questionné pour savoir si Premier ministre était "une bonne ou une mauvaise situation", Jean Castex n'a pas perçu la référence au film d'Alain Chabat, "Astérix et Obélix - Mission Cléopâtre"... "Il y a eu des périodes où c'était un peu meilleur", a-t-il seulement répondu.
Réflexes de journaliste, chat ralenti et protestations
Pourtant réputé pour la communauté bienveillante autour de sa chaîne Twitch, créée il y a quelques mois, Samuel Etienne n'a pas attiré que des commentaires positifs, lors de ce stream avec le Premier ministre. Beaucoup d'utilisateurs connectés ont reproché au journaliste d'avoir ouvert la porte à un politique en poste. "Castex n'a rien à faire sur Twitch", écrit par exemple un internaute en conclusion.
Au début du live, face à la masse de messages envoyés, le chat a été "ralenti" et restreint à certains utilisateurs disposants de "points de chaîne" (obtenus en ayant suivi la chaîne et déjà visionné plusieurs lives de Samuel Etienne), permettant ainsi d'écarter les commentaires opportunistes et désobligeants, mais suscitant des protestations et des accusations de "censure". "Il faut que ce chat soit un minimum modéré pour qu’il soit un minimum lisible. C’est pas une volonté de filtrer ou encadrer", s'est défendu Samuel Etienne.
Sans doute un réflexe journalistique, à plusieurs reprises, Samuel Etienne n'a pas pu s'empêcher de poser une question "à lui" et pas directement lue sur le chat. Mais sa pugnacité a été globalement saluée lorsque la question des services de réanimation et du nombre de lits ouverts a été abordée et que le Premier ministre lui a semblé répondre à côté.
Enfin, le Premier ministre n'a pas réussi à répondre de façon aussi "amusante" que François Hollande (désormais libéré de toute obligation officielle, ne l'oublions pas) aux quelques questions décalées ou plus personnelles. Une expérience qui illustre la difficulté de s'éloigner des codes de l'expression publique d'un chef de gouvernement. Mais François Hollande, en exercice, aurait-il fait mieux ?