Ukraine : cinq questions pour comprendre ce qui se passe à la centrale nucléaire de Zaporijjia

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Ukraine : cinq questions pour comprendre ce qui se passe à la centrale nucléaire de Zaporijjia

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Vue satellite de la centrale nucléaire de Zaporijjia
Vue satellite de la centrale nucléaire de Zaporijjia
- Capture d'écran Google Maps

Tombée aux mains des troupes russes en mars dernier, la centrale et ses six réacteurs ont été débranchés du réseau électrique ukrainien ce jeudi, puis rebranchés vendredi. Moscou et Kiev s'accusent mutuellement depuis plusieurs mois de viser la centrale, au risque d'un désastre nucléaire.

Que s'est-il passé jeudi ?

"Pour la première fois de son histoire", explique l'Ukraine, la centrale nucléaire de Zaporijjia, a été "totalement déconnectée" à cause de l'endommagement de plusieurs lignes électriques. Selon Volodimir Zelensky, l'interruption de l'alimentation électrique a été provoquée plus précisément par des bombardements russes. Ces bombardements seraient à l'origine des incendies aux abords d'une centrale à charbon située à proximité de la centrale nucléaire de Zaporijjia, ce qui a mis hors service la dernière ligne haute tension qui connecte la centrale au réseau.

La Russie ne s'est pour l'instant pas exprimée sur le sujet, mais accuse elle aussi depuis plusieurs mois l'Ukraine de bombarder les abords de la centrale nucléaire.

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Une mission d'inspection de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est prévue la semaine prochaine, elle permettra d'en savoir plus sur l'état réel de la centrale et la cause de cette énorme panne.

Pourquoi cette coupure est-elle inquiétante ?

"La Russie a mis l'Ukraine et tous les Européens aux portes d'un désastre radiologique", a affirmé Volodimir Zelensky dans la nuit de jeudi à vendredi. De fait, la centrale de Zaporijjia est la plus grande d'Europe, avec six réacteurs de 1.000 mégawatts chacun. À titre de comparaison, la deuxième plus grande centrale d'Europe est celle de Gravelines, en France, avec une puissance totale de 5460 mégawatts. La centrale de Tchernobyl comptait elle quatre réacteurs de 1000 mégawatts, deux de moins que celle de Zaporijjia.

Les systèmes de sécurité et surtout de refroidissement de la centrale ukrainienne nécessitent de l'électricité (fournie pour l'instant par les groupes électrogènes au diesel et une seule ligne rétablie ce vendredi). Or, un réacteur nucléaire a besoin en permanence d'être refroidi, même quand il est éteint (comme c'est le cas actuellement pour quatre des six réacteurs de Zaporijjia), sous peine d'entrer en fusion.

Quelle est la situation ce vendredi ?

L'Ukraine a finalement rétabli le raccordement de la centrale à son réseau électrique, moins de 24 heures après la brutale coupure entre les deux. Energoatom, l'opérateur public des quatre centrales nucléaires du pays, avait pour objectif de "rebrancher au réseau deux unités de la centrale de Zaporijjia", et une ligne avait déjà été rétablie pour envoyer de l'électricité produite par la centrale vers le réseau.

À l'inverse, une autre ligne a été réparée pour acheminer de l'électricité vers la centrale et permettre de maintenir en état de fonctionnement les équipements. Des groupes électrogènes de secours fonctionnant au diesel ont également permis d'assurer l'alimentation en électricité de la centrale nucléaire.

Qui contrôle la centrale actuellement ?

La centrale nucléaire de Zaporijjia est sous contrôle militaire russe depuis le mois de mars dernier, ce qui rend l'accès difficile (notamment pour les futurs inspecteurs de l'AIEA). Mais toutes les opérations sur place sont toujours réalisées par des techniciens ukrainiens. Le président Zelensky les a d'ailleurs salués peu de temps après l'incident : "Si notre personnel de la station n'avait pas réagi après l'interruption, nous aurions été contraints de faire face aux conséquences d'une catastrophe nucléaire."

Face au risque de catastrophe dépassant largement les frontières ukrainiennes ou russes, l'ONU a appelé à mettre en place une zone démilitarisée autour de la centrale, afin de sécuriser le site de de permettre une inspection indépendante et complète en toute sécurité.

Comment surveille-t-on la situation depuis la France ?

"Depuis le début de la crise, on a collecté des informations sur les centrales en Ukraine", rappelle Olivier Dubois, adjoint du directeur de l'expertise de sûreté à l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). "On s'est préparé à calculer les conséquences d'accidents graves qu'il pourrait y avoir sur ces réacteurs, y compris jusqu'en France. On est en situation de veille pour être prêts au cas où."

"Il y a depuis le début du mois d'août une succession de bombardements" , explique Olivier Dubois. "Ils n'ont pas atteint des organes vitaux de la centrale, mais il y a eu des bombardements le 5 août, qui ont endommagé une station de production d'azote, qui sert à éviter les risques d'explosion ; le 6 août, il y a eu un bombardement à proximité d'un site d'entreposage de combustible usé ; puis encore des bombardements le 11 août."

Les informations sur la situation sur place proviennent principalement de l'autorité de sûreté ukrainienne (SNRIU), via l'AIEA. "Mais elle n'a pas accès au site", précise Olivier Dubois. "C'est un des objectifs de la mission de l'AIEA, aller vérifier ce qui se passe réellement sur le site. Il faut donc prendre toutes ces informations avec beaucoup de prudence."