Un rapport sexuel avec un enfant doit-il être automatiquement considéré comme un viol par la justice ?
Par Corinne Audouin
Un homme de 28 ans est poursuivi par le parquet de Pontoise pour "atteinte sexuelle" sur une adolescente de 11 ans, et non pour viol, malgré l'âge de la victime. Explications.
Dans une affaire de relation sexuelle entre un adulte et une mineure de 11 ans révélée par Mediapart, le parquet de Pontoise a retenu la qualification d'"atteinte sexuelle". Une "atteinte sexuelle", dans le code pénal, c'est le fait pour un majeur de commettre des actes de nature sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans, sans violence, menace, contrainte, ou surprise. C'est une infraction pénale, pour laquelle l'homme encourt jusqu'à 5 ans de prison, et 75.000 euros d'amende. Pourquoi cette loi? La société considère qu'un adulte ne doit pas avoir de relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans, quelles que soient les circonstances. Pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, l'atteinte sexuelle est constituée si la personne a autorité sur l'enfant, de par ses liens avec lui (parent) ou sa fonction (professeur, entraîneur sportif...).
Qualification contestée
C'est cette qualification que conteste l'avocate de la jeune victime. Pour Me Carine Diebolt, Sarah* a bien été violée; et l'homme doit donc être jugé devant une cour d'assises, où il encourrait alors 20 ans de réclusion criminelle. Pour que le viol soit reconnu, la loi précise qu'il faut qu'il y ait eu "violence, contrainte, menace ou surprise". Sarah* a suivi son agresseur, ne s'est pas débattue, n'a pas dit non. Mais Sarah* a 11 ans. Pour son avocate, son jeune âge devrait induire automatiquement qu'elle a été "surprise", et "contrainte" à avoir cette relation sexuelle.
Pourquoi, alors, le procureur a-t-il retenu une infraction bien moindre, celle d' "atteinte sexuelle"? Interrogé, le parquet de Pontoise n'a pas répondu. Peut-être était-ce pour aller plus vite? L'agression de Sarah*, qui s'est passée en avril, aurait dû initialement être jugée dès le mois de juin par le tribunal correctionnel de Pontoise, deux mois après les faits. La "correctionnalisation" (requalifier un viol - qui est un crime - en agression ou atteinte sexuelle - qui sont des délits) est une pratique souvent utilisée par les magistrats. Les raisons sont pragmatiques : cela permet de désengorger les cours d'assises débordées. Cela peut aussi rencontrer l'intérêt des victimes : le prévenu est jugé beaucoup plus rapidement, plutôt que 2, 3, ou 4 années après les faits; et si la peine encourue est moindre en correctionnelle, les condamnations peuvent être lourdes, équivalentes à ce qui aurait été prononcé aux assises. L'épreuve de la cour d'assises peut aussi se révéler très difficile.
Faut-il, dès lors, considérer comme un viol, et donc juger aux assises, toute relation sexuelle avec un mineur? Dans les faits, les magistrats retiennent très souvent le jeune âge de la victime comme élément de contrainte, ce qui permet de caractériser le viol. Mais ce n'est pas automatique, et la loi en laisse l'appréciation aux magistrats. D’où la question, qui déborde le cadre de cette seule affaire : faut-il inscrire dans la loi française un âge limite en dessous duquel on considère que le mineur a forcément été contraint ?
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Dans un avis rendu en 2016, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes préconisait de fixer cette limite à 13 ans. En attendant, peut-être, que le législateur s'empare de la question, le procès de l'agresseur de Sarah* a de nouveau été renvoyé, au mois de février 2018.
* le prénom a été changé