Un riche prélat et un illustre inconnu : on sait désormais ce que renfermaient les sarcophages de Notre-Dame
Par Xavier Demagny, Sophie Bécherel
Les deux cercueils de plomb découverts après l'incendie dans la cathédrale Notre-Dame de Paris sont ceux d'un célèbre chanoine et d'un cavalier noble inconnu, ont annoncé vendredi à Toulouse les scientifiques qui les ont analysés.
La découverte a eu lieu dans le cadre du chantier de restauration de la cathédrale. Début 2022, des archéologues de l'Inrap, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, découvraient deux sarcophages en plomb à la croisée du transept de Notre-Dame de Paris. L'étude a eu lieu du 21 au 26 novembre, à l'institut médico-légal du CHU de Toulouse, connu pour l'expertise de ses équipes et le matériel d'imagerie médicale de pointe dont il est doté.
Les deux cercueils, de forme, d'assemblage, d'alliage et d'âge différents, faits tous les deux de plomb, étaient enterrés des profondeurs différentes. Les investigations, menées avec la faculté toulousaine de santé, ont permis d'identifier l'un des défunts, mort au XVIIIe siècle. L'autre dépouille, plus ancienne, reste celle d'un inconnu.
Mais on sait qu'il s'agit vraisemblablement de deux nobles, les inhumations en cathédrale, pratiquées pendant la période médiévale et moderne, et en cercueil de plomb, étant réservées à une certaine élite. Dans le chœur, étaient enterrés les évêques : ainsi, tout près, la croisée du transept était un lieu recherché.
Antoine de la Porte, le "chanoine jubilé"
L'une des deux dépouilles a été rapidement identifiée. Dans un caveau de pierre, le cercueil de plomb portait une épitaphe indiquant : "Cy est le corps de messire Antoine de la Porte, chanoine de l'église (mot effacé) décédé le 24 décembre 1710 en sa 83e année. Resquietcat in pace." Identification relativement simple, donc, de ce riche prélat, surnommé le "chanoine jubilé" qui fit détruire en 1708, lors d'un réaménagement, le jubé de Notre-Dame, sorte de clôture médiévale qui séparait le chœur de la nef dans certaines églises.
Les archéologues ont retrouvé tous ses os, des cheveux et des poils de barbe, quelques restes plus rares de textile, mais les tissus organiques ont été décomposés en raison de l'apport d'oxygène. L'analyse de ces restes va permettre de les confronter à sa biographie.


Un homme, cavalier, entre 25 et 40 ans
L'autre personnage qui avait été embaumé reste pour l'instant un anonyme. Son sarcophage, découvert en premier, date "d'entre le XIVe et la fin du XVIIe siècle". Mais son squelette a déjà parlé : il s'agit d'un homme, cavalier depuis son jeune âge et mort dans sa trentaine, vraisemblablement d'une méningite chronique due à la tuberculose. Mais il reste un inconnu encore, tant que tous les prélèvements réalisés n'ont pas été totalement analysés.
"Le sarcophage semble avoir été moulé sur le corps du défunt", indique l'Inrap. "Des restes du linceul" et "de très nombreux restes de feuilles et de fleurs au niveau du crâne, sans doute une couronne de fleurs", ont été retrouvés. Mais le traitement funéraire de cette personne est "radicalement" différent de celui du chanoine, indiquent les premiers résultats.
Il reste d'ailleurs à l'équipe scientifique au moins deux ans de travail, pour affiner les études sur les prélèvements effectués. Avant cela, d'ici quelques semaines, la datation au carbone 14 des os devrait permettre de dater l'époque de la mort de cet inconnu de Notre-Dame.

Plusieurs découverte "grâce" à l'incendie
Il y a parfois du bon dans le mauvais : la découverte de ces deux sarcophages a été réalisée dans le cadre des fouilles réalisées au lendemain de l'incendie qui a frappé l'édifice, le 15 avril 2019. Depuis trois ans, les équipes de l'Inrap mènent des interventions archéologiques préventives en parallèle du chantier de restauration. La fouille de la croisée du transept, entre février et avril 2022, avait permis la découverte de ces deux sarcophages, mais a également levé le voile sur "d'exceptionnelles données sur la construction et l'évolution de la cathédrale et des sépultures", indique un communiqué de presse.