"Une archive" : Mathieu Lindon signe "un magnifique portrait de famille" selon Le Masque
Par Le pôle Édition de France Inter
Après "Hervelino" et "Vous les autres", l'auteur consacre un livre à son père, Jérôme Lindon, disparu en 2001, qui était au centre de la vie éditoriale littéraire en tant que patron des légendaires Éditions de Minuit. Biographie d'une maison qui avait renouvelé les usages romanesques conventionnels.
Le livre présenté par Jérôme Garcin
Cette maison d'édition née de la Résistance avec Vercors (Jean Bruller), a publié des livres pour l'insoumission et contre la torture pendant la guerre d'Algérie. Elle a consacré Le Nouveau roman, et a reçu le prix Goncourt avec "L'amant" de Marguerite Duras, avant de s'ouvrir à la génération des Jean Echenoz, Marie Ndiaye, Jean-Philippe Toussaint ou encore Tanguy Viel.
Elle a été rachetée il y a six mois par le groupe Madrigall (Gallimard). Mathieu Lindon raconte cette histoire à sa manière. Il se souvient notamment du plastiquage de l'appartement familial par l'OAS, de la belle et sublime amitié entre Jérôme Lindon et Samuel Beckett, de l'inénarrable couple Robbe-Grillet, avec une scène incroyable où on voit l'enterrement de Robbe-Grillet, où on voit sa femme sadomaso être avec son esclave à ses pieds le jour de l'enterrement.
Puis il fait un portrait très aimant de son père qui était plein "d'intelligentillesse", qui pouvait être à la fois méchant et très aimable, à la fois pingre et généreux. Sans oublier de faire une place à sa sœur Irène, qui a dirigé les Éditions de Minuit jusqu'à l'an passé, et de son frère André qui avait été brouillé à vie avec son père. André, réalisateur de films d'animation, empêchait le grand-père Jérôme Lindon, de voir ses petits enfants.
"Les éditions n'étaient pas ma chair et mon sang, dit Mathieu Lindon, c'était de ma chair et de mon sang".
Élisabeth Philippe applaudit "un portrait de famille passionnant"
La critique littéraire de L'OBS a été très sensible à ce qu'elle appelle une double biographie qui entremêle celle de la vie éditoriale au sein de la maison d'édition, et le foyer des Lindon lui-même : "C'est un livre que Mathieu Lindon aurait pu intituler "L'enfant de Minuit", avec un clin d'œil à Salman Rushdie, mais il a choisi un titre beaucoup plus Foucaldien, avec une archive, en l'occurrence qui n'est autre que lui. Il le dit lui-même "Je suis une archive vivante" et je trouve que ça donne un portrait absolument passionnant.
Je l'ai lu à toute vitesse tellement c'était intéressant et riche ! Surtout que Mathieu Lindon écrit à hauteur d'enfant. Il parle de son père qu'il n'a jamais appelé "papa". On sent qu'il porte toujours sur cet homme, qui pouvait être très dur et qui manie beaucoup le rapport de force, son regard d'enfant plein d'admiration. C'est aussi une biographie intellectuelle de cet homme qui était au centre de la vie éditoriale littéraire, qui avait vraiment une place extrêmement importante, c'était un homme de combat, notamment pour le Prix du livre unique, qui a participé à l'émergence de la mouvance littéraire du Nouveau roman.
On voit l'imbrication de la vie de la maison d'édition et de la vie de famille. La maison, c'est à la fois la maison d'édition et le foyer. Ce sont des vies qui ne font qu'une, c'est très beau, très touchant avec des scènes absolument folles. Sans oublier cette brouille avec le fils aîné qui donne lieu à des scènes très poignantes parce qu'on voit que c'est vraiment l'échec de Jérôme Lindon qui ne va jamais connaître son petit-fils".
Jean-Claude Raspiengeas éprouvé par une écriture "narcissique, sans aucun style et paresseuse"
Un livre qui, selon le critique de La Croix, est très loin d'être à la hauteur de l'héritage romanesque de la maison d'édition dont l'auteur est le fils : "Moi ce que j'ai lu, c'est avant tout un livre qui est confit dans le contentement de soi de Mathieu Lindon, d'une fausse modestie, d'un narcissisme permanent du poseur.
Mais c'est aussi affreusement mal écrit. C'est un peu fâcheux, quand on parle des éditions de Minuit de l'Intérieur d'écrire aussi mal. Il y a plein de phrases que vous êtes obligés de relire trois ou quatre fois tellement vous n'y comprenez rien. Vous vous demandez si, chez P.O.L., il y a personne pour l'aider à corriger. C'est plein de phrases bancales, mal tournées, incompréhensibles.
Mathieu Lindon fait des phrases en se croyant singulier sauf qu'il recopie laborieusement des maîtres qu'il a mal digérés. Il semble croire que faire du style ce serait en avoir. Ça n'est pas le cas du tout. Je traduis tout cela comme une grande paresse d'écriture.
Le pompon, c'est que, au milieu de tout ça, il nous inflige des textes qu'il a écrits au cours de sa vie, qu'il a abandonnés, qui sort des tiroirs. Il se contemple et, surtout, il nous demande de le contempler en se contemplant. Vous voyez un peu la gêne pour le lecteur.
Son père lui avait conseillé à l'origine de sa vocation dite littéraire d'écrire sous pseudo et on comprend pourquoi en lisant ce livre… Au lieu de se prendre pour un écrivain, je crois qu'il serait bien qu'il commence à apprendre à écrire".
Arnaud Viviant salue un ouvrage très rhapsodique
S'il admet qu'il y a quelques maladresses dans le style et le rythme de l'écriture, Arnaud Viviant a quant à lui adoré ce récit autour de l'histoire d'une des éditions les plus illustres de la vie littéraire et la manière dont le fils fait ressentir combien l'éditeur, son père, Jérôme Lindon, était lui-même un artiste de toute une époque littéraire : "On voit combien à travers les yeux du fils, de Mathieu Lindon, son père en tant qu'éditeur était lui-même un artiste de toute une époque littéraire Ça se lit très vite parce que ça a été écrit très vite. D'ailleurs, il le dit lui-même. Si effectivement, il y a des phrases dont la grammaire est poussée un peu dans les orties, moi ça ne me dérange absolument pas ! Je suis tellement fan d'Alain Robbe-Grillet, des Éditions de Minuit, de Jérôme Lindon, de toute cette histoire littéraire que je me fous de la manière dont c'est écrit surtout quand ce père autour duquel tourne le récit est Jérôme Lindon".
Il est très rhapsodique. Il part dans tous les sens, il raconte à la fois la grande histoire. On voit passer Samuel Beckett et tant d'autres, mais aussi l'histoire familiale, personnelle avec ce drame sur le fils aîné qui va ruiner toutes les dernières années de Jérôme Lindon dans l'art d'être grand-père".
Olivia de Lamberterie applaudit un très beau livre, un récit juste, qu'il faut absolument lire !
Si elle juge que l'écriture est parfois alambiquée, la journaliste pour Elle trouve que le livre sonne juste malgré tout avec un style enfantin amusant et émouvant qui n'est pas sans laisser indifférent : "Il est à la fois légendaire et quotidien, dans le droit fil du rapport que Lindon entretient avec la maison. Il y a quelque chose de très enfantin et de très drôle. Je n'ai pas du tout trouvé que c'était prétentieux, au contraire. Le père était très drôle. Il raconte des choses à mourir de rire sur le père qui avait un tel orgueil de cette maison qu'il jugeait que le simple fait de prétendre quitter cette maison était une offense. La mère est elle aussi absolument géniale. C'était un couple absolument extraordinaire.
C'est un livre juste qui sait aussi raconter toutes les ambiguïtés qu'il y a pu y avoir avec son père, puisqu'il n'a pas voulu reprendre la maison. Il explore tous les non-dits qui ont résonné dans cette famille, c'est très beau".
Le livre
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"Une archive" de Mathieu Lindon
11 min
📖 LIRE - "Une archive" de Mathieu Lindon (POL)
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