En étudiant chez la souris le colliculus supérieur, une structure cérébrale présente chez les vertébrés, des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Strasbourg ont découvert qu’une hyperstimulation de cette région cérébrale entraînait des comportements propres aux troubles de l’attention (TDA).
A l’origine, les chercheurs s’intéressaient à l’intégration des messages nerveux sensoriels au niveau du colliculus supérieur. Une structure qui nous sert à détecter les nouveaux stimuli visuels de l’environnement.
Les scientifiques utilisent alors pour leur étude des souris transgéniques, qui présentent la particularité d’avoir un colliculus hyperstimulé par les messages visuels.
Au fil de leurs travaux, ils se demandent quelles pourraient être les conséquences d'une hyperstimulation colliculaire sur le comportement des souris. Et c’est en s’intéressant à la littérature scientifique qu’ils prennent connaissance de précédents résultats qui supposent que les enfants souffrant de troubles de l’attention peuvent présenter une hypersensibilité du colliculus.
Leurs résultats appuient cette hypothèse, car ils observent que leurs souris manifestent des comportements caractéristiques des troubles de l’attention. Ils démontrent un enrichissement en noradrénaline, un neurotransmetteur, au niveau du colliculus hyperstimulé, confirmant une étude de 1999 qui suppose que le système noradrénergique, c’est-à-dire les structures nerveuses dont le médiateur chimique est la noradrénaline, est en cause dans le TDA.
L’équipe scientifique émet alors l’hypothèse que le colliculus supérieur est impliqué dans le TDA, une idée appuyée par leurs résultats expérimentaux et la littérature.
Le colliculus est une plaque tournante sensorielle, impliquée dans le contrôle de l’attention, et de l’orientation visuelle et spatiale. Les patients souffrant de TDA sont en quelque sorte incapables de filtrer l’information visuelle, de distinguer « le bruit » environnant des informations visuelles importantes. Il semblerait donc logique que le colliculus puisse être impliqué dans le TDA**.**
Ce résultat reste néanmoins à confirmer chez l’homme, puisque son expérience concerne la souris.
Michael Reber précise qu’ « Il faudrait faire des enregistrements fonctionnels chez des patients présentant des TDA, et voir si leurs colliculus sont hyperactivés en situation de stimulation » . Une tâche qui sera difficile, puisqu’il semble que les techniques d’imagerie médicale permettent difficilement d’étudier le colliculus, en raison de la présence d’importants vaisseaux sanguins à proximité.
L’origine des TDA est encore relativement mal comprise. Les chercheurs savent depuis longtemps qu’il y a un problème dans l’équilibre neural des neurotransmetteurs de la famille des monoamines, qui regroupe la dopamine, l’adrénaline, la noradrénaline et la sérotonine. Sans savoir exactement quels rôles sont joués par chacun.
Des doutes persistent également sur la ou les structures cérébrales impliquées. Jusqu’à maintenant, le cortex préfrontal était le candidat privilégié.
La littérature scientifique récente indique que les traitements utilisés pour soigner les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), tels le méthylphénidate, l’amphétamine et l’atomoxétine, montreraient que l’origine neurochimique de ces troubles serait un déficit en dopamine et noradrénaline.
Ce constat illustre pour Michael Reber qu’en recherche sur le TDA nous sommes un peu face à « un système qui se mort la queue » . On étudie certaines familles de molécules parce qu'on les prescrit aux enfants qui souffrent de TDA. Mais il n’y a pas de preuves expérimentales directes du mode d’action des traitements actuels.
Michael Reber estime que si l’hyperstimulation du colliculus était confirmée chez l’homme, cela ouvrirait la voie à de nouvelles possibilités thérapeutiques. Les traitements actuels ciblent principalement le système dopaminergique. Ils entraînent fréquemment des effets secondaires, et des risques de dépendance à l'âge adulte sur le long terme. Un constat confirmé par les études scientifiques, qui préconisent notamment d’utiliser ces traitements avec précautions.
Bien que beaucoup d’importance ait été accordée à la dopamine comme médiateur principal des thérapeutiques des TDA/H, les preuves scientifiques disponibles ne justifient que mal cette position. Aucun médicament avec une action spécifique de la dopamine n’a pu être identifié comme efficace pour traiter les TDA/H. A l’inverse, la guanfacine, et l'atomoxétine, des traitements agissant sur le système noradrénergiques, ont prouvé leur efficacité.
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Antoine Bonvoisin pour La tête au carré.